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Décisions

Cass. com., 27 septembre 2017, n° 15-23.246

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Didier et Pinet, SCP Yves et Blaise Capron

Paris, du 9 juin 2015

9 juin 2015

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 juin 2015), que M. X... est titulaire du brevet français intitulé « linge de couchage pour personne désorientée », déposé le 16 mars 2006 sous le n° 04 02690, délivré le 24 novembre 2006 et publié sous le n° 2 867 666 ; que, reprochant à la société Julie et Floriant de commercialiser une « turbuline » destinée à assurer le maintien au lit des patients agités reproduisant les revendications de son brevet, il a assigné cette société, ainsi que M. Y... et la société Bernard et Nicolas Z..., prise en la personne de M. Nicolas Z..., en leur qualité respectivement de commissaire à l'exécution du plan de continuation et de mandataire judiciaire de cette société, en contrefaçon ; que la société Groupe Mulliez Flory - GMF (la société GMF), titulaire d'une licence exclusive sur le brevet inscrite au registre national des brevets, est intervenue volontairement à l'instance ; que la société Julie et Floriant ayant été mise en liquidation judiciaire le 15 juillet 2015, la société Bernard et Nicolas Z..., prise en la personne de M. Nicolas Z..., a poursuivi l'instance en qualité de liquidateur ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de la revendication 2 du brevet FR n° 04 02690, publié sous le n° 2 867666, pour insuffisance de description, alors, selon le moyen :

1°) que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en retenant, pour prononcer la nullité de la revendication 2 du brevet de M. X..., que la description indiquait que les ouvertures devaient permettre l'accès au corps de la personne pour les soins, en particulier, pour la pose de système de drainage mais également que les impératifs auxquels devait répondre le trou schématisé en 9 sur le dessin n'étaient pas précisés, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) qu'une invention est suffisamment décrite lorsque l'homme du métier est en mesure, à la lecture de la description et grâce à ses connaissances professionnelles normales, théoriques et pratiques, d'exécuter l'invention ; que la description n'a ni à divulguer les indications permettant la mise en oeuvre optimale de l'invention ni à préciser exactement les impératifs auxquelles elle répond ; qu'en se fondant, pour prononcer la nullité de la revendication 2 du brevet de M. X..., sur le motif impropre selon lequel l'homme du métier ne savait pas exactement à quels impératifs il devait être répondu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'ayant, d'abord, relevé que la revendication 2 ne mentionnait pas la nature du linge de couchage concerné et ne décrivait pas la forme et les dimensions des ouvertures, cependant qu'il était indiqué dans la description, sans autre précision, que celles-ci devaient permettre « l'accès au corps de la personne pour les soins » et de « placer des systèmes de drainage », c'est sans se contredire ni se prononcer par un motif impropre que la cour d'appel a, ensuite, retenu que le simple trou schématisé sur le dessin sous le chiffre « 9 » à hauteur des cuisses était insuffisant pour que l'homme du métier, qui ne sait pas exactement à quels impératifs il doit répondre, fût en mesure de l'exécuter et qu'elle en a déduit que cette revendication était nulle ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité des revendications 1, 3 et 4 du brevet FR n° 04 02690 pour défaut d'activité inventive et, en conséquence, de dire qu'aucune redevance ne lui sera due par la société GMF au titre de ce brevet à compter de la décision et de rejeter sa demande en contrefaçon alors, selon le moyen :

1°) qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme de métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de la technique déjà connue ; que l'absence d'activité inventive ne saurait découler de ce que le brevet ne faisait pas mention du problème non encore résolu que propose de résoudre l'invention ; qu'en retenant que l'absence de mention dans le brevet du problème non encore résolu, en l'état de la technique antérieure, que propose de résoudre l'invention, suffisait en soi à mettre en évidence l'absence d'activité inventive des revendications, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif inopérant, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 611-14 et L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme de métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de la technique déjà connue ; qu'en retenant que le couchage pour enfants pouvait être pris en compte dans l'état de la technique le plus proche au motif d'ordre général qu'il poursuit la même finalité que l'invention de M. X... tendant à assurer la sécurité et le confort de la personne sans toutefois rechercher si le couchage pour enfant répondait à la fonction constatée de l'invention de couvrir le corps pour le repos tout en empêchant la personne de quitter le lit et en permettant les soins, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 611-14 et L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle ;

3°) qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme de métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de la technique déjà connue ; qu'en énonçant, abstraitement, pour annuler la revendication 1 du brevet de M. X..., qu'il n'y a aucune activité inventive à proposer aux personnes en général, incluant les personnes adultes désorientées, un système destiné aux jeunes enfants sans se référer ni à l'homme du métier ni au caractère évident de la revendication, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 611-14 et L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) que l'annulation d'une revendication principale pour défaut d'activité inventive n'entraîne pas automatiquement celle des revendications qui en dépendent ; qu'en justifiant l'annulation des revendications 3 et 4 du brevet par leur dépendance avec la revendication 1 dont elle avait retenu l'absence d'activité inventive sans rechercher si le mode de réalisation de l'invention caractérisé par chacune des revendications dépendantes, combiné avec les éléments de la revendication principale qu'elle inclut, ne reflétait pas une activité inventive, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 611-14 et L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que l'invention porte sur un linge de couchage de type sac de couchage permettant de couvrir le corps d'une personne au lit pour le repos tout en l'empêchant de quitter le lit et défini l'homme du métier comme un technicien textile ayant des connaissances dans le domaine du couchage de sécurité, l'arrêt retient qu'il y a lieu de prendre en considération, dans l'état de la technique, les documents relatifs aux couchages pour enfants dont la finalité, assurer la sécurité et le confort de la personne, est la même ; qu'il constate que la demande de certificat d'utilité n° 88 11697 portant sur un sac de couchage pour petit enfant divulguait l'ensemble des éléments caractérisant le linge de couchage visés par la revendication 1 du brevet litigieux, à savoir les sac, blouse, pièce de raccordement et rubans d'attache, à l'exception de la fermeture à glissière de chaque côté du linge, et que celle-ci, ainsi que le démontraient le document WO/2003/056991 et le brevet suisse 678593 antérieurs, était déjà connue dans le secteur concerné et ne requérait aucune activité inventive ; qu'il en déduit que le fait de proposer aux personnes en général, incluant les personnes adultes, fussent-elles désorientées, un système destiné aux jeunes enfants n'implique aucune activité inventive ; que par ces seuls motifs, abstraction faite de celui, surabondant, critiqué par la première branche, la cour d'appel, qui n'a pas procédé par voie d'affirmation générale mais a apprécié l'évidence de l'invention en se référant à l'homme du métier et à l'état de la technique, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que les revendications 3 et 4, placées dans la dépendance directe de la revendication 1, ne comportaient aucun moyen spécifique par rapport à cette revendication et à l'objet de l'invention, puisqu'elles ne portaient respectivement que sur la fermeture à glissière et les sangles de maintien, la cour d'appel, qui, par ces seuls motifs rendant sans objet une appréciation de ces revendications en elles-mêmes sous l'aspect de l'activité inventive, les a annulées pour défaut d'activité inventive, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.