Cass. com., 8 juillet 2014, n° 12-28.764
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Ortscheidt, SCP Waquet, Farge et Hazan
Sur le premier moyen :
Attendu que la commune fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré l'action du galériste recevable, de l'avoir condamnée à lui verser la somme de 228 674 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que la lettre de voiture forme un contrat entre l'expéditeur, le voiturier et le destinataire ; que toutes les actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu, tant contre le voiturier ou le commissionnaire que contre l'expéditeur ou le destinataire, y compris les actions pour avaries, pertes ou retards, sont prescrites dans le délai d'un an ; qu'en énonçant que la prescription annale n'était pas applicable, après avoir pourtant constaté que les dommages causés à l'oeuvre en cause sont survenus « durant l'exécution du contrat de transport », après la fin du contrat de dépôt, ce dont il résultait que l'action du galériste, laquelle ne pouvait être fondée que sur le premier contrat, était prescrite, la cour d'appel a violé l'article L. 133-6 du code de commerce, par refus d'application ;
Mais attendu qu'ayant constaté, par motifs adoptés, que le contrat de dépôt liant la commune au galériste stipulait en son article 5 l'obligation pour la première de prendre en charge les frais de transport aller et retour de l'oeuvre, ceux de sa conservation et plus généralement ceux nécessaires à son dépôt et à son exploitation, la cour d'appel, qui a considéré que les opérations de déplacement de l'oeuvre n'étaient que l'accessoire de ce contrat, en a exactement déduit que les dispositions de l'article L. 133-6 du code de commerce n'étaient pas applicables ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la commune fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré l'action du galériste recevable, de l'avoir condamnée à lui verser la somme de 228 674 euros à titre de dommages-intérêts et d'avoir déclaré irrecevable sa demande de garantie contre le transporteur et son assureur, alors, selon le moyen, que si l'exception d'incompétence du juge judiciaire ne peut être soulevée pour la première fois par une partie devant la Cour de cassation, celle-ci peut relever d'office le moyen pris de cette incompétence si l'affaire relève d'une juridiction répressive ou administrative ; que le litige né de la prétendue inexécution des obligations résultant d'un contrat de dépôt conclu par une personne morale de droit public pour l'exécution de la mission de service public de la culture relève de la juridiction administrative ; qu'en tranchant le litige qui opposait un galeriste à la Ville de Nice sur le fondement de l'inexécution par celle-ci d'une obligation née du contrat de dépôt conclu pour l'exécution de sa mission de service public culturel, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public ; que le moyen tiré de l'incompétence des tribunaux de l'ordre judiciaire, présenté pour la première fois devant la Cour de cassation, est irrecevable ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la commune fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer au galériste à titre de dommages-intérêts les sommes de 228 674 euros et de 5 000 euros, alors, selon le moyen : 1°) qu'en retenant que l'¿uvre de César n'a pas été assurée par la commune, quand celle-ci versait aux débats en cause d'appel et visait dans ses conclusions les conditions générales de la police d'assurance « clou à clou », la cour d'appel a dénaturé ce document par omission, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2°) que l'auteur d'un manquement contractuel n'engage sa responsabilité que s'il présente un lien de causalité directe avec le préjudice dont il est demandé réparation ; qu'en condamnant la commune à réparer la perte de l'oeuvre de César, quand le respect de son obligation contractuelle de la faire assurer de clou à clou n'aurait pas empêché la survenance du dommage causé à l'¿uvre « durant l'exécution du contrat de transport », ce dont il résultait qu'il n'existait aucun lien de causalité entre le manquement imputé à la commune et le préjudice qu'elle a réparé, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, par fausse application ; 3°) que l'auteur d'un manquement contractuel n'engage sa responsabilité que s'il présente un lien de causalité directe avec le préjudice dont il est demandé réparation ; qu'en refusant de rechercher, comme elle y était invitée, si la déclaration nécessaire à la mise en ¿uvre de l'assurance n'aurait pas été, en tout état de cause, dépourvue d'incidence sur le préjudice subi par le galériste dès lors que le dommage résultant d'un défaut d'emballage ou de conditionnement aurait fait l'objet d'une clause d'exclusion de garantie, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle de l'existence du lien de causalité entre la faute retenue et le préjudice réparé, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ; 4°) qu'en ne répondant pas aux conclusions de la commune faisant valoir que le dommage serait survenu au cours d'un second transport entre Paris et Pierrefitte-sur-Seine, transport auquel elle était étrangère, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est sans dénaturer les conditions générales de la police d'assurance « clou à clou » souscrite par la commune, que la cour d'appel a retenu que les conditions d'application de cette police n'étaient pas réunies, l'assurée ayant omis d'effectuer la déclaration préalable nécessaire à sa mise en oeuvre ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant relevé, par motifs non critiqués, que la commune s'était engagée à assurer l'oeuvre litigieuse jusqu'à son retour sur le clou d'origine, la cour d'appel a pu en déduire qu'elle était tenue de garantir le propriétaire de tous les risques liés au dépôt, ceux-ci se fussent-ils réalisés durant les opérations accessoires de transport ;
Attendu, en dernier lieu, qu'en retenant que la commune, qui avait souscrit une obligation contractuelle spécifique s'étendant jusqu'au retour de l'oeuvre au clou d'origine, demeurait responsable, en cas de transit par un entrepôt ou si le trajet n'était pas effectué directement de Nice jusqu'à la galerie, la cour d'appel a répondu aux conclusions prétendument délaissées ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le quatrième moyen :
Attendu que la commune fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande de garantie formée contre le transporteur et son assureur, alors, selon le moyen, qu'en matière de contrat de transport, le délai pour exercer l'action récursoire est d'un mois à compter du jour de l'exercice de l'action contre le garanti ; qu'en faisant partir le délai de prescription à compter de l'ordonnance de référé du 3 avril 2007, quand il résultait de ses constatations que la commune n'avait été assignée, au fond, que le 18 décembre 2008, et qu'elle avait attrait son transporteur en la cause le 16 janvier suivant, soit avant l'expiration du délai de prescription, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 133-6, alinéa 4, du code de commerce par refus d'application ;
Mais attendu que l'appel en garantie formé par la commune à l'encontre du transporteur et de son assureur ne constitue pas un recours récursoire au sens de l'article L. 133-6 du code de commerce, l'action principale intentée par le galériste étant fondée non sur un contrat de transport mais sur un contrat de dépôt ; que le moyen est sans portée ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.