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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 17 février 2016, n° 15/10553

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Restaurants du Café de Paris (SA)

Défendeur :

la Société Copera (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Me Bartholin

Conseillers :

Mme Chokron, Mme Parant

TGI de Paris, du 10 avr. 2015, n° 15/005…

10 avril 2015

Faits et procédure :

Suivant acte sous seing privé en date du 26 janvier 2000, la société Restaurants du Café de Paris a consenti à la société Copera un bail portant sur des locaux commerciaux d'environ 173 m² à usage de bureaux situés au 4ème étage d'un immeuble [...], pour une durée de neuf années à compter du 1er février 2000 et moyennant un loyer annuel en principal de 398 000 francs assorti d'une franchise de loyer de trois mois.

Par acte d'huissier du 19 novembre 2014, la bailleresse a fait délivrer à la société Copera un congé au 30 juin 2015.

Selon acte sous seing privé du 15 janvier 2013, la société Restaurants du Café de Paris a conclu avec la société Copera une « convention d'occupation précaire » sur des locaux à usage de bureaux d'une superficie de 59 m² situés [...] pour une durée d'un an à compter du 14 janvier 2013, prorogeable par périodes de trois mois, quatre fois maximum, expirant au plus tard le 13 janvier 2015 sans qu'aucune dénonciation ne soit nécessaire.

Ladite convention a été prorogée entre les parties par périodes de trois mois jusqu'au 12 mai 2014, date à laquelle la société bailleresse a sollicité la libération des lieux par lettre recommandée avec avis de réception du 4 avril 2014.

Par acte d'huissier du 2 juin 2014, la société Restaurants du Café de Paris a sommé la société Copera de quitter les lieux. Cette dernière a formé opposition à cette sommation par acte du 19 juin 2014.

La société Restaurants du Café de Paris a fait délivrer à la société Copera une itérative sommation de quitter les lieux immédiatement par acte d'huissier du 24 novembre 2014.

C'est dans ces circonstances que la bailleresse a été autorisée par ordonnance du 8 janvier 2015 a fait assigner à jour fixe la société Copera devant le tribunal de grande instance de Paris le 19 janvier 2015, aux fins de voir constater son maintien sans droit ni titre dans les locaux situés [...] et ordonner son expulsion.

Par jugement en date du 10 avril 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

- rejeté l'exception de litispendance invoquée par la société Copera,

- rejeté l'exception de connexité invoquée par la société Copera,

- dit que la convention signée le 14 janvier 2013 entre la société Restaurants Du Café De Paris et la société Copera doit être requalifiée en bail commercial soumis aux dispositions de l'article L. 145-1 et suivants du code de commerce, conclu pour une durée de neuf années à compter du 14 janvier 2013,

- débouté la société Copera de sa demande au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamné la société Restaurants Du Café De Paris à payer à la société Copera la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- ordonné l'exécution provisoire et condamné la société Restaurants Du Café De Paris aux dépens.

La société Restaurants Du Café De Paris a relevé appel de ce jugement le 29 mai 2015 et a été autorisée à assigner la société Copera à jour fixe par ordonnance du 30 juin 2015.

Par dernières conclusions signifiées à la société Copera le 15 décembre 2015, la société Restaurants du Café de Paris demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 10 avril 2015 en ce qu'il a rejeté les exceptions de litispendance et de connexité soulevées par la société Copera,

- infirmer le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- dire que la convention signée le 14 janvier 2013 revêt les caractéristiques d'une convention d'occupation précaire.

À titre subsidiaire :

- dire et juger que la convention du 14 janvier 2013 doit être requalifiée en bail de courte durée au sens de l'article L. 145-5 du code de commerce,

- dire que la société Copera ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement de la convention du 14 janvier 2013,

En toute hypothèse :

- constater que la société Copera se maintient dans les locaux sans droit ni titre et ce depuis le 4 avril 2014,

- en conséquence ordonner son expulsion ainsi que celle de toute personne dans les lieux de son chef, sans délai et sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce avec l'assistance de la force publique s'il y a lieu,

- condamner la société Copera à lui verser la somme de 295 euros par jour à titre d'indemnité d'occupation à compter du 14 avril 2014 jusqu'à libération effective des locaux par la remise des clefs, outre les charges et intérêts de retard conventionnels,

- débouter la société Copera de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Copera à lui verser une somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société Copera, par conclusions signifiées le 15 décembre 2015 demande à la cour :

- de retirer du rôle l'affaire en raison du défaut d'exécution du jugement dont appel, en application de l'article 526 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

En tout état de cause,

- condamner la société Restaurants du Café de Paris à payer à la société Copera la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et en tous les dépens et à lui payer la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du même code.

SUR CE

Sur la demande de radiation :

La société Copera ne justifie pas avoir sollicité du conseiller de la mise en état, seul compétent pour statuer jusqu'à son dessaisissement sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance, la radiation du rôle avant l'ordonnance de clôture au motif du défaut d'exécution du jugement par la société Restaurants du café de Paris ; elle n'est donc plus recevable à soulever cette exception ou cet incident postérieurement ;

Sur la qualification de la convention du 14 janvier 2013 :

La société Copera soutient qu'il n'est justifié en l'espèce d'aucune circonstance particulière ayant accompagné la signature de la convention qui n'était soumise à la réalisation d'aucun événement ou circonstance exceptionnel, que la société Restaurants du Café de Paris ne rapporte la preuve d'aucune menace particulière ayant pesé sur l'occupation du preneur, que la preuve d'un projet de travaux dont elle fait état impliquant la société d'exploitation Hôtel Le Fouquet's et la prise à bail de l'ensemble de l'immeuble ne peuvent justifier la précarité de la convention signée en 2013, qu'elle n'a donné congé pour le bail des locaux du 4ème étage que le 19 novembre 2014 pour le 30 juin 2015 alors que le bail venait en principe à échéance le 31 janvier 2009 et qu'il s'est poursuivi ensuite par tacite prolongation, que le dépôt d'un permis de construire en juillet 2015 dont il a été fait mention dans le bail passé en 2014 entre la société Restaurant du Café de Paris et la société SEHRF ( Fouquet's) et qui n'est pas produit dans sa totalité ne peut davantage justifier la précarité d'une convention signée en 2013.

La convention intitulée convention d'occupation précaire signée le 14 janvier 2013 entre la SA Restaurants du Café de Paris et la société Copera SARL prévoit que :

La société Copera (qui dispose d'un bail consenti par la société Restaurants du Café de Paris portant sur une surface de bureaux d'environ 173m² au 4ème étage de l'immeuble sis [...]) a sollicité l'occupation d'autres locaux au 3ème étage de l'immeuble à titre exceptionnel et temporaire, ce que le propriétaire a accepté en raison de la vacance de ces derniers.

Les parties se sont alors rapprochées aux fins de conclusion d'une convention d'occupation tenant compte des circonstances particulières légitimant le caractère précaire des droits de l'occupant voulu par les soussignées.

En conséquence, les parties sont convenues de conclure une convention d'occupation précaire non soumise aux dispositions du code de commerce.

Or la convention ne contient aucune indication des circonstances particulières dont aurait dépendu le caractère précaire de ladite convention ; le tribunal a à bon droit relevé que ces circonstances peuvent néanmoins résulter de celles ayant entouré la signature de la convention et dont les deux parties avaient connaissance.

A cet égard, la société Restaurant du Café de Paris échoue à démontrer que la circonstance particulière qu'elle invoque tient à la réalisation du projet d'extension de l'hôtel Fouquet's Barriére attenant aux locaux dont d’agit.

Il n' est en effet produit aucun échange de courriers ou de courriels entre les parties signataires de la convention attestant de l'existence d'un tel projet, en tout cas de son caractère imminent et de sa connaissance par la société Copera.

L'échange de mails au demeurant vague et particulièrement peu circonstancié entre la responsable juridique de la société Restaurants du Café de Paris et le président de la société gérant l'hôtel Fouquet's est impropre à faire la preuve de cette circonstance particulière , étant observé que cet échange a eu lieu en 2011 à une date fort éloignée de la signature de la convention .

Le dépôt du permis de construire avec l'image annexée de l'hôtel tel que réaménagé, en date du mois de juillet 2015, et la production du bail- au demeurant non versé dans son intégralité- signé le 4 juin 2014 entre la société Restaurant du Café de Paris et la société d'exploitation de l'hôtel et du restaurant Fouquet's en juin 2014 sous diverses conditions suspensives, dont celle tenant à l'obtention du permis de construire et la libération de l'ensemble des locaux de bureaux, ne peuvent faire davantage la preuve de la circonstance ayant présidé à la signature de la convention dés lors qu'il n'est pas justifié que la société Copera ait été informée de ces projets d'actes.

Il s'ensuit que la convention signée entre les parties en janvier 2013 ne peut être qualifiée de convention d'occupation précaire, en l'absence de preuve de la ou des circonstance(s) particulière(s) dont aurait dépendu le caractère précaire y mentionné.

La société Restaurants du Café de Paris demande à titre subsidiaire que cette convention reçoive la qualification de bail dérogatoire prévu à l'article L. 145-5 du code de commerce tandis que la société Copera soutient qu'elle n'a pas accepté de déroger clairement et de façon non équivoque aux dispositions statutaires, que la seule durée ne suffit pas à qualifier la convention en bail dérogatoire et que la société Restaurant du Café de Paris a entendu contourner l'application du statut à son profit .

La convention a été signée pour une durée en réalité limitée à un an ayant à commencé à courir le 14 janvier 2013 pour se terminer le 13 janvier 2014, chaque partie ayant la faculté d'y mettre fin à tout moment par lettre recommandée avec avis de réception en respectant un préavis de trois mois, l'occupant ayant la faculté de demander la prorogation par période trois mois, quinze jours avant la fin de la période initiale, la convention ne pouvant être prorogée pour plus de quatre périodes de prorogation de telle sorte qu'elle est prévue expirer au plus tard le 13 janvier 2015 sans dénonciation, l'occupant étant à compter de cette date sans droit ni titre .

La société Copera a admis que la convention n'était pas régie par les dispositions des articles L 145 et suivants du code de commerce, reconnaissant expressément, à l'expiration de la convention ne pas avoir droit à la propriété commerciale, au renouvellement du présent contrat ou au paiement d'une indemnité d'éviction .

De cette formulation, il doit cependant être déduit que la société Copera a accepté de déroger aux dispositions statutaires pour la durée de la convention, dés lors que M Jean Pierre B. ( pour la société Copera ) que la société Restaurants du Café de Paris présente comme un homme d'affaires averti sans être démentie sur ce point, indiquait lui-même dans un courriel adressé le 22 octobre 2012 7/11pm à son interlocuteur Mme Alexia D. ( pour la société Restaurants du Café de Paris ) :

Chère Madame,

Faisant suite à votre mail du 22 octobre dernier, je sais que le prix est exorbitant, surtout qu'il y a beaucoup de travaux à faire, mais on en a vraiment besoin pour un an .

Je suis d'accord .

Dites -moi comment vous voulez qu'on fasse pour concrétiser ce bail précaire de 12 mois afin que je puisse commencer à faire les peintures .

Je sais que vous vous êtes donnée beaucoup de mal et je tenais particulièrement à vous remercier .

Faites moi parvenir une copie du bail précaire et si vous le voulez nous pouvons nous rencontrer.

Cordialement.

Il importe peu à cet égard qu'il ne représentait pas ensuite la société Copera au moment de la signature de la convention, ne démentant pas être l'un de ses dirigeants .

En outre, les parties étaient déjà liées par un bail commercial portant sur les locaux du quatrième étage à usage de bureaux dont la société bailleresse a donné congé le 19 novembre 2014 pour le 30 juin 2015 en proposant une indemnité d'éviction de sorte que la société Copera avait parfaite connaissance des droits auxquels elle acceptait, au moins pour la durée de la convention, de renoncer .

La société Copera a du reste, dans son opposition à la sommation de déguerpir qui lui a été délivrée le 8 juin 2014 indiqué le 19 juin suivant qu'elle entendait quitter les lieux le 31 décembre 2014, date qu'elle considérait comme étant celle du terme de la 'location' lui ayant été octroyée ; elle admettait ainsi elle-même ne pas être liée à la société Café de Paris par un bail commercial de neuf ans renouvelable mais par une 'location' de courte durée .

Il s'ensuit que la société Copera a renoncé de façon claire et non équivoque aux dispositions statutaires pour la durée de la convention dont s'agit .

Enfin, la société Restaurants du Café de Paris a signé en juin 2014 sous diverses conditions suspensives dont celle de l'octroi du permis de construire et de la libération des locaux avec la société d'exploitation de l'hôtel et du restaurant Le Fouquet's (SEHRF) un bail portant sur les locaux des 2ème et 5ème étages à destination de chambres d'hôtel et constituant le renouvellement du bail de 2005 portant sur le sous sol, rez de chaussée, premier et second étage de l'immeuble sis [...].

L'intention de la société Restaurants du Café de Paris était donc bien de ne pas se lier par un nouveau bail commercial de neuf ans renouvelable avec la société Copera, sans pour autant faire preuve d'une intention malicieuse pour échapper aux dispositions statutaires qui s'appliquent à l'autre bail portant sur les locaux du 4ème étage, sa volonté ayant rencontré celle de la société Copera qui voulait elle-même disposer de bureaux pour une courte durée ainsi qu'en atteste le message adressé le 22 octobre 2012 avant la signature de la convention le 14 janvier 2013.

La convention dont s'agit doit donc s'analyser en un bail dérogatoire de courte durée.

Avant le terme ultime fixé au plus tard le 13 janvier 2015, la société Restaurants du Café de Paris a fait sommations les 2 juin et 24 novembre 2014 à la société Copera d'avoir à quitter les lieux manifestant ainsi clairement son intention de ne pas voir ladite société rester en possession des locaux.

La société Copera qui s'est donc maintenue dans les lieux contre la volonté de la société Restaurants du café de Paris ne peut en conséquence prétendre au bénéfice d'un bail commercial ayant succédé au bail dérogatoire .

Il y a lieu en conséquence d'ordonner son expulsion des lieux sous astreinte. L'indemnité d'occupation sollicitée égale à trois fois le montant de l'indemnité journalière telle que stipulée dans la convention à titre de clause pénale ne commencera à courir qu'à compter du 30 juin 2015, la société Copera étant redevable avant cette date de l'indemnité conventionnelle, la société Restaurants du Café de Paris ne justifiant pas que le préjudice que lui a causé le maintien dans les lieux de la société Copéra avant cette date excède cette somme .

La société Restaurants du Café de Paris conservera la charge des frais irrépetibles qu'elle a exposés .

La société Copera qui succombe et supportera les entiers dépens ne peut prétendre à l'application à son profit de l'article 32-1 ou de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Réformant le jugement déféré, seulement en ce qu'il a dit que la convention signée le 14 janvier 2013 entre la société Restaurants Du Café De Paris et la société Copera doit être requalifiée en bail commercial soumis aux dispositions de l'article L. 145-1 et suivants du code de commerce, conclu pour une durée de neuf années à compter du 14 janvier 2013, condamné la société Restaurants du Café de Paris à payer à la société Copera la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Restaurants du Café de Paris aux dépens

Statuant à nouveau sur ces points,

Dit que la convention du 14 janvier 2013 doit être requalifiée en bail dérogatoire de courte durée au sens de l'article L. 145-5 du code de commerce,

Dit que ce bail a pris fin le 31 décembre 2014,

Ordonne en conséquence l' expulsion de la société Copera ainsi que celle de toute personne dans les lieux de son chef, sous astreinte de 5.00 euros par jour de retard, passé le délai de un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, et ce avec l'assistance de la force publique s'il y a lieu,

Condamne la société Copera à verser à compter du 1er janvier 2015 une indemnité d'occupation égale au montant de l'indemnité conventionnelle et à compter du 30 juin 2015, l'indemnité égale au triple de cette indemnité conventionnelle jusqu'à libération effective des locaux matérialisée par la remise des clefs, outre les charges,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la société Copera aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.