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Décisions

Cass. 3e civ., 22 octobre 2020, n° 19-20.443

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

Mme Collomp

Avocat général :

M. Sturlèse

Avocats :

SCP Didier et Pinet, SCP L. Poulet-Odent

Bordeaux, du 29 mai 2019

29 mai 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 29 mai 2019), le 1er juin 2013, la société de La Cadène a consenti à M. U..., qui occupait déjà les lieux et qui avait renoncé à se prévaloir du droit au statut des baux commerciaux lui étant acquis à l'expiration du précédent bail dérogatoire, un bail pour une durée de vingt-quatre mois. Le 1er juin 2015, les parties ont conclu un nouveau bail dérogatoire courant jusqu'au 31 mai 2016.

2. Le 31 mars 2016, la société de La Cadène a informé M. U... de sa volonté de ne pas consentir un nouveau bail.

3. M. U... ayant revendiqué le droit au statut des baux commerciaux, la société de La Cadène l'a assigné en expulsion.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. U... fait grief à l'arrêt de le déclarer sans droit ni titre depuis le 1er juin 2016, alors « que le preneur acquiert son droit à la propriété commerciale à l'issue du bail dérogatoire, lorsqu'il justifie d'une entrée dans les lieux depuis au moins trois ans en application de l'article L. 145-5 du code de commerce en sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ; que, pour dire que M. U... n'avait pas acquis la propriété commerciale, la cour d'appel a retenu que les parties avaient conclu un bail dérogatoire le 1er juin 2013, d'une durée de 24 mois, puis un nouveau bail dérogatoire le 1er juin 2015, d'une durée de 12 mois, ce dont elle a déduit que la durée globale des baux successifs n'excédait pas la durée maximale de trois ans ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que M. U... justifiait d'une entrée dans les lieux antérieure au 1er juin 2013, ce dont il résultait que le preneur avait acquis la propriété commerciale à la date du 1er juin 2016 et qu'il n'était pas, en conséquence, occupant sans droit, ni titre, à cette date, la cour d'appel a violé l'article susvisé».

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 145-5 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014 :

5. La loi du 18 juin 2014 a ajouté à l'article L. 145-5 du code de commerce une disposition selon laquelle les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux à l'expiration d'une durée de trois ans que ne peuvent excéder les baux dérogatoires successifs.

6. Selon ce texte, les parties ne peuvent pas conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux à l'expiration d'une durée totale de trois ans que ne peuvent excéder les baux dérogatoires successifs et qui court dès la prise d'effet du premier bail dérogatoire, même si le preneur a renoncé, à l'issue de chaque bail dérogatoire, à l'application du statut des baux commerciaux.

7. En application de l'article 21 II de la loi du 18 juin 2014, les baux dérogatoires conclus à compter du 1er septembre 2014 sont soumis au nouvel article L. 145-5 du code de commerce.

8. Pour déclarer M. U... occupant sans droit ni titre, après avoir constaté que, le 1er juin 2013, les parties avaient conclu un nouveau bail dérogatoire stipulant que M. U..., qui était dans les lieux en exécution d'un précédent bail dérogatoire, renonçait expressément à se prévaloir du statut des baux commerciaux et que la régularité de cet acte n'était pas contestée, l'arrêt retient qu'à cette date, les parties pouvaient conclure un bail dérogatoire de deux ans sans que l'antériorité du bail précédent n'ait à être prise en compte, que la loi du 18 juin 2014, n'ayant pas d'effet rétroactif, n'a pas remis en cause la situation antérieure de sorte que ne pouvait être prise en compte l'occupation réelle des lieux avant le 1er juin 2013 et le bail conclu le 1er juin 2015, d'une durée d'un an, avait pour effet de porter la durée cumulée des baux pouvant être retenue à trente-six mois, soit la durée maximale désormais autorisée.

9. En statuant ainsi, alors que, pour pouvoir déroger aux dispositions du statut des baux commerciaux, le bail conclu le 1er juin 2015, postérieurement à l'entrée en vigueur du nouvel article L. 145-5 du code de commerce issu de la loi du 18 juin 2014, devait répondre aux exigences de ce texte et, par suite, ne pas avoir une durée cumulée avec celle des baux dérogatoires conclus précédemment pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux de plus de trois ans courant à compter de la date d'effet du premier bail dérogatoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société de La Cadène aux dépens.