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Décisions

Cass. com., 12 juin 2012, n° 11-20.132

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Petit

Avocats :

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Thouin-Palat et Boucard

Paris, du 1 avr. 2011

1 avril 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Agatha Diffusion (la société Agatha), titulaire de la marque figurative n° 93 496 162, constituée par la représentation stylisée d'un chien de race scottish-terrier, debout, vu de profil gauche, avec un collier autour du cou pour désigner des produits des classes 3, 14, 18 et 25 dont les bijoux, déposée le 10 décembre 1993 auprès de l'INPI, et régulièrement renouvelée le 5 décembre 2003, a fait assigner en contrefaçon de sa marque et paiement de dommages -intérêts la société Swarovski France (la société Swarovski) qui commercialisait un pendentif représentant un chien stylisé, et la société Swarovski AG, qui offrait à la vente le pendentif sur le site internet de vente en ligne que cette société exploitait ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Swarovski et Swarovski AG font grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes alors, selon le moyen :

1°) que l'utilisation du signe litigieux à des fins autres que l'identification d'une marque (comme élément de décoration par exemple) ne constitue pas un acte de contrefaçon, sauf si le public perçoit un lien entre le signe argué de contrefaçon et la marque prétendument contrefaite ; qu'en accueillant la demande en contrefaçon de la société Agatha, après avoir relevé qu'aux yeux du public, le chien Swarovski n'apparaissait que comme un pendentif, ce qui excluait tout lien avec la marque Agatha, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle interprété à la lumière de l'article 5 de la directive 89/104 du 21 décembre 1988 devenue la directive 2008/95 du 22 octobre 2008 ;

2°) qu'en retenant que le chien Swarovski créait un risque de confusion avec la marque Agatha, sans rechercher si les sociétés Swarovski ne faisaient pas du signe litigieux un usage autre que celui de distinguer l'origine du produit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-1, L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle interprétés à la lumière de l'article 5 de la directive 89/104 du 21 décembre 1988 devenue la directive 2008/95 du 22 octobre 2008 ;

3°) que commet un abus de droit le titulaire d'une marque qui, sous couvert d'exercer une action en contrefaçon aux fins de faire sanctionner les atteintes portées à la marque, cherche en réalité à rendre plus difficile la vente de produits concurrentiels à ceux couverts par sa marque ; que la société Swarovski soutenait que la société Agatha avait détourné l'action en contrefaçon dès lors qu'elle avait exercé celle-ci dans le but de protéger non pas sa marque mais les parts qu'elle détient sur le marché des bijoux ayant la forme d'un scottish-terrier stylisé ; qu'en s'abstenant de rechercher si la société Agatha n'avait pas exercé l'action en contrefaçon pour dissuader voire empêcher ses concurrents de commercialiser des bijoux en forme de scottish-terrier stylisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-36 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle interprétés à la lumière de la directive 2008/95 du 22 octobre 2008, ensemble l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le public associera nécessairement le pendentif à la marque de la société Agatha en raison de sa renommée et du grand degré de similitude existant entre les dessins ; qu'il retient encore que la vente du bijou par la société Swarovski peut faire croire à l'existence d'un lien matériel dans la vie des affaires entre les produits litigieux et le titulaire de la marque ainsi qu'à une origine commune des produits ; qu'il relève que l'action diligentée par la société Agatha ne cherche pas à faire interdire la commercialisation d'un bijou où figure un scottish-terrier mais celle d' un bijou qui dans sa forme reproduirait la marque ou en serait une imitation illicite ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la société Agatha n'avait pas agi en contrefaçon pour empêcher de façon générale ses concurrents de commercialiser des bijoux en forme de scottish-terrier stylisé, la cour d‘appel a, sans être tenue à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche :

Vu les articles L. 711-1 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour retenir le risque de confusion entre la marque litigieuse et le pendentif, l'arrêt retient que leurs dessins présentent une stylisation identique ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, en considérant les seuls dessins et sans prendre en compte la couleur, le matériau, la taille en facettes, ainsi que l'aspect d'ensemble tridimensionnel du pendentif, la cour d'appel, qui n'a pas procédé à l'examen de l'impression d'ensemble produite par la marque et le bijou, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Agatha aux dépens.