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Décisions

Cass. com., 4 décembre 2012, n° 10-16.280

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Pietton

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gatineau et Fattaccini

Paris, du 1 avr. 2010

1 avril 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... exerçait les fonctions salariées de directeur de l'un des établissements de la société anonyme d'expertise comptable et de commissariat aux comptes Comptafrance, filiale de la société Comptafrance Holding ; qu'un plan d'épargne d'entreprise a été établi en 1998 dans les sociétés du groupe ; que M. X... y a adhéré et est devenu titulaire de onze mille deux cent soixante-quatorze actions de la société Comptafrance Holding ; qu'en sa qualité d'actionnaire, il s'est engagé, en signant la " charte des associés du groupe Comptafrance ", en cas de départ de la société, à céder, par une promesse de vente irrévocable prenant effet le jour suivant la cessation des fonctions salariées, toutes les actions qu'il détenait, au profit des membres du conseil d'administration de la société Comptafrance Holding ou de toute autre personne, physique ou morale s'y substituant ; que la charte prévoyait une méthode de calcul du prix de cession de l'action ; que le 30 décembre 2002, M. X... a donné sa démission de ses fonctions salariées, avec prise d'effet au 30 juin 2003 ; que M. X... a refusé le prix de cession qui lui était proposé ; que, par acte du 20 décembre 2004, les sociétés Comptafrance, Comptafrance Holding et Foncière du Val-d'Auron, Mmes Y..., Z..., A..., B...et C...et MM. D..., E..., F..., G..., H..., I...et J... ont fait assigner M. X... aux fins d'obtenir la cession de ses titres pour la somme de 193 385, 59 euros ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de fixer à 191 545, 26 euros la somme due au titre de l'acquisition des onze mille deux cent soixante-quatorze actions de la société Comptafrance Holding et de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°) que le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que, dans ses conclusions d'appel, M. X... faisait valoir que les critères de détermination du prix de cession des actions de la société Comptafrance Holding fixés par la charte des associés du 25 septembre 2000 et son avenant du 19 décembre 2002 n'étaient pas conformes aux dispositions d'ordre public de l'article L. 443-5 ancien du code du travail (devenu l'article L. 3332-20), qui précisent, en leur alinéa premier, que « lorsque les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé, le prix de cession est déterminé conformément aux méthodes objectives retenues en matière d'évaluation d'actions en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d'activités de l'entreprise » ; qu'en réponse, la société Comptafrance Holding et ses associés se bornaient à faire valoir que dispositions de ce texte étaient sans application aux cessions de titres conclues entre associés et n'étaient pas d'ordre public, de sorte qu'il aurait été permis aux associés d'y déroger dans le cadre de la charte des associés sus-mentionnée ; qu'en relevant dès lors d'office le moyen tiré de ce que les critères de détermination du prix de cession des actions de la société Comptafrance Holding fixés par la charte des associés du 25 septembre 2000 et son avenant du 19 décembre 2002 auraient été conformes aux dispositions de l'article L. 443-5 ancien du code du travail, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) que les critères de détermination du prix de cession des actions de sociétés non-cotées fixés par l'article L. 443-5 ancien du code du travail (devenu l'article L. 3332-20), dans sa rédaction issue de la loi du 19 février 2001, sont hiérarchisés ; qu'ainsi, ce n'est qu'« à défaut » de pouvoir fixer le prix de cession de ces actions « conformément aux méthodes objectives retenues en matière d'évaluation d'actions en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d'activités de l'entreprise » qu'il est, par dérogation, permis de déterminer ce prix d'après le montant de l'actif net réévalué divisé par le nombre de titres ; qu'en jugeant au contraire que ce texte aurait ouvert une option entre les deux critères d'évaluation successivement énoncés, pour en déduire que la clause de la charte des associés du groupe Comptafrance prescrivant l'évaluation des actions de la société d'après la valeur nette comptable de la société divisé par le nombre de titres aurait été conforme au texte susvisé, la cour d'appel l'a violé par fausse interprétation ;

Mais attendu que les dispositions de l'article L. 443-5 du code du travail, devenu l'article L. 3332-20 du même code, dans sa version alors applicable, ne concernant pas la cession par le salarié, des actions qu'il détient au sein d'un plan d'épargne d'entreprise, le moyen tiré de la violation de ce texte est inopérant ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1843-4 du code civil ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que M. X... invoque à tort les dispositions de l'article 1843-4 du code civil puisque les parties n'ont aucunement convenu, en cas de désaccord, de désigner un expert pour la détermination du prix de cession des actions ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé par refus d'application ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu entre les parties, le 1er avril 2010 par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.