Cass. com., 14 novembre 2018, n° 17-15.828
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Haas, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. X... était salarié de la société Lithek conseil, détenue à hauteur de 95,06 % par la société ACD Ingénierie, le reste du capital étant réparti entre MM. D..., Z... et Y... ; que l'article 11 des statuts de la société ACD Ingénierie prévoyait que les parts étaient librement cessibles entre associés, qu'elles ne pouvaient être cédées à d'autres personnes, même entre ascendants et descendants et entre conjoints, qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales et que si la société refusait de consentir à la cession, les associés devraient, dans le délai de trois mois à compter de la décision de refus, acquérir ou faire acquérir les parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil ; que par acte du 15 janvier 2010, conclu entre, d'une part, MM. Y... et Z... et, d'autre part, M. X..., les deux premiers ont, chacun, cédé à M. X... trente deux des parts sociales qu'ils détenaient dans le capital de la société ACD Ingénierie ; que cet acte prévoyait en son article 8, qu'« en cas de départ de la société, pour quelque nature que ce soit », tout actionnaire ou ayant droit devrait céder l'intégralité de ses parts au profit des actionnaires de la société ACD Ingénierie au prorata de leurs parts détenues au moment de la cession, et précisait les modalités de calcul du prix de cession ; que le 6 novembre 2013, M. X..., ayant été licencié de la société Lithek Conseil, a assigné MM. Y... et Z... pour les contraindre, en exécution de l'acte du 15 janvier 2010, à lui racheter ses parts dans la société ACD Ingénierie à un prix évalué selon les modalités prévues par l'acte du 15 janvier 2010 ;
Sur le moyen unique, pris en ses quatrième et cinquième branches :
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, et l'article 1843-4 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 ;
Attendu que les dispositions du second de ces textes, qui ont pour finalité la protection des intérêts de l'associé cédant, sont, sauf stipulations contractuelles contraires, sans application à la cession de droits sociaux ou à leur rachat résultant de la mise en oeuvre d'une promesse unilatérale de vente librement consentie par un associé ;
Attendu que pour confirmer le jugement du tribunal de commerce qui avait jugé la demande de M. X... irrecevable, motif pris de la compétence exclusive et d'ordre public du président du même tribunal statuant en référé, et l'inviter à mieux se pourvoir, l'arrêt retient que l'article 1843-4 du code civil trouve à s'appliquer en raison du constat de contestation de valeurs et du désaccord entre les parties et que M. X... ne peut se soustraire à l'article 11 des statuts de la société ACD Ingénierie prévoyant qu'en cas de projet de cession par un associé de ses parts et de refus d'acquisition par la société au prix demandé, le prix des parts serait fixé en application de l'article 1843-4 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ni les stipulations de l'acte de cession du 15 janvier 2010, ni, s'agissant d'une cession entre associés, les statuts ne prévoyaient de soumettre l'évaluation des parts ainsi cédées à la procédure prévue par l'article 1843-4 du code civil, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen.