Cass. 3e civ., 19 mai 2016, n° 15-15.047
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvin
Avocats :
Me Bertrand, Me Le Prado
Sur les premier et second moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 janvier 2015), qu'en 2006, la société Maison médicale de l'estuaire, aux droits de laquelle se trouve la société civile immobilière Petit Colmoulins (SCI), a sollicité un financement pour la construction d'un hôpital, auprès de la société CIC banque CIN, aux droits de laquelle vient la société CIC nord-ouest (CIC) ; que la société CIC a proposé la mise en place d'un crédit-bail et une offre de financement, expirant le 17 juin 2006, pour un montant de 6 200 000 euros ; que les parties ont adopté le 5 juillet 2006 un contrat d'échange de taux dénommé « swap forward » portant sur un capital de 6 149 000 euros pour gérer leurs flux financiers ; que, le contrat de crédit-bail n'ayant pas été signé, l'offre est devenue caduque en février 2007 ; que la SCI a engagé l'opération immobilière avec un autre partenaire financier ; que la société CIC, estimant que le compte relatif au contrat d'échange de taux était débiteur, a mis la SCI en demeure de payer, avant de résilier le contrat et de l'assigner en paiement ;
Attendu que la société CIC fait grief à l'arrêt de dire que le contrat d'échange de taux était devenu caduc le 28 février 2007, en même temps que le contrat de crédit-bail auquel il était adossé, et de rejeter l'intégralité de ses demandes, alors, selon le moyen :
1°) que la constatation de la caducité d'un contrat adossé ensuite de la caducité du contrat principal, suppose nécessairement que les conventions frappées de caducité aient préalablement existé ; que dans son dispositif, l'arrêt constate que le contrat d'échange de taux du 5 juillet 2006 est devenu caduc le 28 février 2007 en même temps que le contrat de crédit-bail auquel il était adossé ; qu'en statuant de la sorte bien qu'il résulte des constatations de la cour d'appel qu'aucun contrat de cette nature n'ait été signé, l'arrêt relevant que l'offre de crédit-bail est devenue caduque en février 2007, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles 1147 et 1184 du même code ;
2°) que la caducité dont se trouve atteinte une offre de contrat, faute de conclusion de l'acte dans les délais convenus entre l'une des parties et un tiers, ne peut être étendue au contrat souscrit et partiellement exécuté antérieurement entre les parties dès lors que, comme en l'espèce, il n'est ni soutenu ni démontré que le contrat aurait comporté une faculté de rétractation ou aurait été assorti d'une condition ; que pour constater la caducité au 28 février 2007 du contrat d'échange de taux conclu le 5 juillet 2006 entre la Maison médicale de l'Estuaire et le CIC Banque CIN, la cour d'appel retient seulement que « le contrat litigieux était adossé à l'offre de crédit-bail immobilier, de sorte qu'une fois celle-ci devenue caduque, faute de régularisation de l'acte authentique, il a suivi son sort » ; qu'en statuant de la sorte la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles 1147 et 1184 du même code ;
3°) qu'aucune indivisibilité objective ne peut exister entre un contrat d'échange de taux et un contrat de crédit-bail dès lors que la conclusion d'un contrat de swap avec un client suppose que la banque ait elle-même souscrit auprès d'une autre structure bancaire un contrat destiné à assurer sa couverture ; qu'en constatant néanmoins la caducité au 28 février 2007 du contrat de swap souscrit entre les parties le 5 juillet 2006 en conséquence de celle affectant le contrat de crédit-bail aux motifs erronés qu'« il est indifférent que le CIC Nord-Ouest ait pris quelque engagement que ce soit en vue de l'exécution du contrat de swap », la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1218 du code civil ;
4°) que la caducité d'un contrat suppose que celui-ci soit privé d'un élément essentiel à sa validité, sans qu'il ait pu produire ses effets juridiques ; que tel n'est pas le cas lorsque, comme en l'espèce, la convention a été exécutée volontairement postérieurement à la date à laquelle le contrat principal a été frappé de caducité ; qu'en constatant la caducité du contrat de swap conclu entre les parties le 5 juillet 2006 au 28 février 2007 en même temps que le contrat de crédit14 bail auquel il était adossé quand il résulte des propres constatations de l'arrêt que le contrat litigieux avait été exécuté en avril 2009 et octobre 2009, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1218 du code civil ;
5°) que dans ses conclusions signifiées le 15 septembre 2014, la banque faisait valoir que « l'abandon du projet du contrat de crédit-bail initialement prévue ne résultait que de la volonté de la société Petit Colmoulins, venant aux droits de la Maison médicale de l'Estuaire, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la caducité du contrat de swap, quant à lui bel et bien conclu entre les parties » ; qu'en s'abstenant de répondre à ces écritures déterminantes de nature à établir que, sauf à introduire une condition résolutoire implicite purement potestative, il n'y avait pas lieu de prononcer la caducité du contrat de swap, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société CIC avait proposé un financement en crédit-bail avec deux options pour le paiement des loyers, que, dans l'hypothèse du choix d'un taux variable, les parties avaient prévu un contrat d'échange de taux et que le contrat de crédit-bail était devenu caduc faute de régularisation par acte authentique, constaté que le montant du crédit-bail correspondait à celui du contrat d'échange de taux et retenu que le paiement des échéances d'intérêts par la SCI ne saurait valoir adhésion de sa part à un contrat dont il n'était pas établi qu'elle avait connaissance et qu'il était indifférent que la société CIC ait pris des engagements pour l'exécution du contrat d'échange de taux, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire que la preuve de l'indivisibilité des deux contrats était établie et que, loin d'être une opération autonome, le contrat d'échange de taux, adossé à l'offre de crédit-bail, était devenu caduc en même temps que celle-ci ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société CIC nord-ouest aux dépens.