Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, 11e ch. b, 8 novembre 2018, n° 16/09609

AIX-EN-PROVENCE

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BM DISVAR (Sarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Konstantinovitch

Conseillers :

Mme Fillioux, Mme Peltier

T. com. Toulon, du 27 avr. 2016, n° 2014…

27 avril 2016

FAITS, PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE :

Suivant acte du 24 septembre 2008, Monsieur M. Henry-Paul a donné à bail dérogatoire à la société Disvar pour une durée de 23 mois c'est à dire du 1er octobre 2008 jusqu'au 31 août 2010, un local constitué d'un entrepôt de 100m² avec une mezzanine de 40m², situé [...].

Un deuxième bail a été signé le 24 août 2008 avec effet au 1er septembre 2010 pour une durée de 23 mois avec une fin le 31 juillet 2012.

Un troisième bail a été signé le 1er août 2012 pour une durée de 23 mois se terminant le prenant effet le 1er août 2012 et fin le 30 juin 2014.

Le local a été définitivement restitué le 17 novembre 2014.

Par jugement contradictoire du 27 avril 2016, le tribunal de commerce de Toulon a débouté la société BM Disvar de ses demandes, dit qu'elle est soumise aux stipulations du bail dérogatoire du 1er août 2012 et l'a condamné à payer au titre du solde locatif la somme de 7 649,17€ à Monsieur M. Henry-Paul au titre de la dette locative au 17 novembre 2014 et 1 268€ au titre de la remise en état des locaux et 1 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La juridiction a estimé que la société Disvar avait valablement renoncé par écrit à la propriété commerciale pour le local occupé lors de la signature du deuxième bail, et dans des courriers du 20 janvier 2011 et du 18 juillet 2012, que les baux doivent être qualifiés de bail dérogatoire ayant une durée de moins de 24 mois, que la société Disvar s'est maintenue dans les lieux loués jusqu'au 17 novembre 2014, date de la restitution des locaux et que le contrat de bail fixant une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, que les constats d'huissiers font état de désordres affectant le faux plafond.

Le 25 mai 2016, la société Disvar a interjeté régulièrement appel de ce jugement.

Dans ses conclusions déposées et notifiées le 18 mai 2017, elle demande à la cour de :

* infirmer le jugement,

* débouter Monsieur M. Henry-Paul de ses demandes

* dire que la société Disvar est titulaire d'un bail commercial soumis au statut de droit commun,

*condamner Monsieur M. Henry-Paul à lui régler :

- 1 660€ au titre du remboursement de la caution,

- 5 000€ à titre de dommages et intérêts,

- 2 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

et à prendre en charge les dépens.

Elle expose qu'un bail précaire ne peut être renouvelé qu'une fois, qu'elle a donc nécessairement acquis le bénéfice de la propriété commerciale, qu'il s'agit de dispositions d'ordre public que le bailleur fait état de deux courriers de renonciation du preneur à la propriété commerciale, mais que le preneur est resté en possession dans les lieux et qu'un nouveau bail s'est opéré soumis au statut des baux commerciaux, que la renonciation au statut, si elle est possible, doit être explicite et éclairée, qu'elle ne peut se déduire de la conclusion de nouveaux baux précaires ; que les lettres de renonciation sont tardives puisque dès le 31 août 2010 soit à l'expiration du premier bail, le preneur a acquis le bénéfice du statut et qu'il ne pouvait y renoncer ultérieurement c'est à dire dans un courrier du 20 janvier 2011, que la renonciation de la société Disvar n'est pas éclairée puisqu'il abandonne la propriété commerciale sans contrepartie du bailleur, que les baux précaires contiennent une clause soumettant le bail en cas de poursuite au-delà du terme au statut des baux commerciaux.

Elle soutient que Monsieur M. Henry-Paul soutient que le bail est résilié du fait de la non-exploitation par le preneur mais que la clause de résiliation ne peut produire effet qu'après un commandement resté infructueux après l'expiration du délai donné, que les clés ont été restituées en novembre 2014 et qu'il n'y a plus lieu à statuer sur la résiliation du bail.

Elle conteste l'état de sortie des lieux établi de façon non contradictoire, que le plafond est endommagé par un dégât des eaux mais qu'il convenait de faire intervenir les assurances, que l'indemnité d'occupation a été réglée jusqu'en novembre 2014 par chèques que le bailleur refuse d'encaisser, que l'indemnité d'occupation ne peut être supérieure au montant du loyer puisque le préjudice subi est exactement le montant du loyer que le bailleur n'a pas pu percevoir.

Aux termes de ses écritures déposées et notifiées le 29 août 2018, l'intimé demande à la cour de:

*déclarer irrecevable les conclusions de la société Disvar en ce qu'elles ne font pas mention de la liquidation de la société Disvar et indique un siège social erroné,

* débouter la société Disvar de ses demandes,

* confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la société Disvar soumise au bail dérogatoire du 1er août 2012 et l'a condamné au paiement d'un solde locatif de 7 649,17€ et 1 268€ au titre de la remise en état des locaux après déduction du dépôt de garantie,

* la déclarer occupante sans droit ni titre à compter du 30 juin 2014, date d'expiration du bail,

* rejeter des demandes adverses,

* infirmer la décision en ce qu'elle a rejeté les demandes de dommage et intérêts,

* condamner la société Disvar à lui régler :

- 4 000€ à titre de dommages et intérêts

- 2 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel et à prendre en charge les dépens.

Il expose que le 23 avril 2014, il rappelait à son locataire que le bail devait se terminer le 30 juin 2014, courrier réitéré le 30 avril 2014, que le 16 juin 2014, il proposait un état des lieux fixé au 1er juillet 2014, que la société Disvar a cessé toute activité le 31 décembre 2013 ainsi que le mentionne son registre du commerce, que la société Disvar est devenue occupante sans droit ni titre du 30 juin 2014 date de fin au bail au 17 novembre 2014.

Il soutient que par procès-verbal d'assemblée générale du 31 décembre 2014, la société Disvar a approuvé la dissolution de la société, que Monsieur L., ancien gérant a été nommé liquidateur de la société, que le siège social était transféré au domicile de Monsieur L. 35 rue du soldat Ferrari à Hyères, que néanmoins la société Disvar a omis de mentionné dans ses écritures sa qualité de société en liquidation et a indiqué le domicile du liquidateur qui ne correspond pas au siège social tel que figurant dans le RCS, que ces irrégularités de forme sont de nature à entraîner la nullité de ses écritures puisque source de confusion, elles ont causé un grief certain au bailleur.

Il réfute l'existence d'un bail commercial entre les parties, qu'en vertu des dispositions de l'article L 145-5 du code de commerce, plusieurs baux dérogatoires peuvent se succéder pourvu que la durée totale n'excède pas 2 ans, que si à l'expiration de la durée, le preneur reste en possession, il s'opère un bail soumis au statut des baux commerciaux mais qu'il est admis qu'à l'issue d'un bail de 2 ans, les parties puissent renoncer clairement à la propriété commerciale et conclure un nouveau bail de courte durée même si la durée totale des baux excède deux ans dès lors que les parties ont renoncé à leur droit d'invoquer le statut des baux commerciaux, une fois né le droit du preneur à l'invoquer, qu'en l'espèce un 1er bail a été conclu le 24 août 2008 avec une prise d'effet au 1er octobre 2008 pour se terminer le 31 août 2010 ; que par acte du 1er septembre 2010 prenant effet le 1er octobre 2010 et fin le 31 juillet 2012, un deuxième bail était conclu mais que dès le 20 janvier 2011, passé un délai de 24 mois d'occupation, le preneur par courrier express renonçait à la propriété commerciale, que par courrier du 18 juillet 2012, la société Disvar sollicitait le renouvellement en renonçant toujours à la propriété commerciale.

Il souligne que la société Disvar elle-même indique qu'il n'y a plus de discussion sur la nature du contrat liant les parties, les clés ayant été restituées en novembre 2014.

Enfin il note que la société Disvar n'a pas engagé d'action en qualification de son bail en bail commercial, qu'elle se plaint de la perte de son droit à poursuivre son activité ou de la céder mais qu'elle n'a pas été contrainte de quitter les lieux, mais qu'elle a volontairement cessé toute activité pour cause de retraite, ainsi qu'elle l'exprime dans ses conclusions, et ce dès le 31 décembre 2013, qu'elle a donc elle-même renoncé à céder son droit au bail, qu'elle a mis en sommeil son activité en violation de ses obligations contractuelles et légales qui l'obligent à exploiter personnellement les locaux, que cette faute revêt le caractère de gravité nécessaire pour justifier le prononcé de la résiliation du bail, sans qu'il soit nécessaire de délivrer sommation au préalable.

Sur la dette locative, il estime que la société Disvar est occupante sans droit ni titre depuis le 1er juillet 2014, qu'en vertu du bail du 1er juillet 2014, elle est redevable d'une indemnité d'occupation égale au double du loyer mensuel, que la société Disvar affirme être à jour de ses loyers sans en rapporter la preuve, le bailleur ne refusant nullement d'encaisser les soi-disant chèques.

Sur la remise en état, il soutient que le procès-verbal établi le 18 novembre 2014 par Maître F. fait état de dégradation affectant un faux plafond mais nullement d'un dégât des eaux que les plaques de BA13 ont été arrachées et les tiges métalliques de support déformées alors que le sol en bois sous le faux plafond ne comporte pas de trace d'eau, que le 5 décembre 2014, l'huissier a constaté l'absence de désordres affectant la toiture.

Par arrêt avant dire droit du 28 juin 2018, la présente cour a ordonné la réouverture des débats.

Par conclusions du 02 septembre 2018 La société Disvar réitère ses précédentes écritures en mentionnant qu'elle est représentée par Monsieur L. Alain, liquidateur et domicilié route de l'éguille à Montbrison-sur-Lez 26770.

Pour plus ample exposé, la cour renvoie aux écritures déposées par les parties

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 mars 2018

Sur ce

Attendu qu'il est fait grief aux écritures de la société Disvar d'avoir mentionné un domicile inexact ou ne correspondant pas à celui figurant sur le registre du commerce et des sociétés, que toutefois, une telle irrégularité n'est cause de nullité que si elle cause un grief pour les intérêts de la partie adverse, que Monsieur D. ne justifie pas d'une nuisance dans l'exécution de la décision de première instance ou d'un obstacle à son exécution en raison de cette erreur, de nature à caractériser un grief, qu'ainsi, ces irrégularités ne sont pas de nature à entraîner la nullité des écritures adverses ;

Attendu qu'en vertu des dispositions de l'article L 145-5 du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce, les parties pouvaient avoir recours à un bail dérogatoire au statut des baux commerciaux à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans au bénéficie du même locataire et pour les mêmes locaux ;

Attendu qu'en l'espèce, les parties ont conclu successivement un bail le 24 août 2008 avec un effet le 1er octobre 2008 pour se terminer le 31 août 2010, puis un bail le 1er septembre 2010 pour se terminer le 31 juillet 2012 et enfin un bail le 1er août 2012 pour se terminer le 30 juin 2014 ; que la durée totale des baux successifs excède la durée de deux ans prévue au texte sus visé ;

Attendu toutefois que les parties peuvent valablement décider de déroger au statut des baux commerciaux, qu'il leur est donc loisible de conclure plusieurs baux dérogatoires successifs dès lors que le preneur renonce à son droit d'invoquer le statut des baux commerciaux une fois que son droit est né, que le droit au statut naît à l'expiration du délai de deux, ce n'est qu'à partir de ce moment que le locataire peut exprimer valablement cette renonciation, qu'en l'espèce le 20 janvier 2011, soit après l'acquisition de son droit au statut résultant du second bail qui a pris effet le 1er septembre 2010, Monsieur L., gérant de la société Disvar, a indiqué renoncer valablement et explicitement au statut des baux commerciaux ; que cette renonciation expresse et exprimée de manière non équivoque et en connaissance de cause, doit dès lors être retenue comme valable ; que la société Disvar n'a pas acquis le droit au statut des baux commerciaux nonobstant la durée des baux dérogatoires successifs en raison de cette renonciation dont la validité est retenue ;

Attendu qu'à l'expiration du dernier bail soit le 30 juin 2014, le locataire s'est maintenu dans les lieux loués, que toutefois, il ne s'est pas opéré un nouveau bail soumis automatiquement au statut des baux commerciaux en raison de l'opposition du bailleur, qu'en effet ce dernier a, le 23 avril puis le 30 avril 2014 et enfin le 16 juin 2014 par lettres recommandées, informé le locataire du terme du bail à venir, de la nécessité de restituer les locaux et sollicité une date afin d'établir un constat de sortie des lieux contradictoire manifestant ainsi sa volonté certaine de reprendre possession des lieux et de mettre fin à leur rapport contractuel ; que le locataire, qui s'est maintenu dans les lieux sans droit ni titre nonobstant l'opposition du bailleur, ne peut revendiquer le statut des baux commerciaux ;

Attendu que la locataire a restitué les clés au bailleur le 17 novembre 2014 ainsi qu'en a pris note le Tribunal de commerce, qu'elle est donc redevable d'une indemnité d'occupation égale au double du loyer conformément aux dispositions contractuelles pour la période du 1er juillet 2014 au 17 novembre 2014, que le preneur indique qu'il a remis au bailleur des chèques correspondant au loyer du mais que le bailleur se refuserait à les encaisser ;

Attendu toutefois elle n'en justifie nullement, la seule pièce produite à l'appui de ses dires est un courrier établi par son conseil sur ses seules affirmations et dont la valeur probante est insuffisante pour emporter la conviction de la juridiction ;

Attendu que le bailleur produit deux procès-verbaux de constat établi par Maître F., le premier daté du 18 novembre 2014, puis un second du 5 décembre 2014 qui font état de la chute du doublage du plafond avec des barres métalliques pliées dans le bureau du fond, qu'il souligne qu'il ne retrouve aucune trace d'infiltration d'eau laissant supposer qu'un dégât des eaux serait à l'origine du désordre, que la bailleresse produit une facture de la société ASV électricité générale qui décrit des travaux de réparations correspondant à ceux rendus nécessaires par les désordres dénoncés, pour un montant de 2 928€ ; que la locataire devra assumer le coût de cette réparation après compensation avec le dépôt de garantie versé lors de l'entrée dans les lieux ;

Attendu que le droit d'agir en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime léser dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui ; qu'en l'espèce, l'appréciation inexacte de ses droits par la société Disvar n'est pas constitutive d'une faute ; que s'estimant lésées dans leur droit, elle a pu, sans abus, demander à ce qu'il soit statué sur ses demandes ; que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive doit être rejetée ;

Attendu qu'aucun élément ne milite en faveur de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à la disposition des parties au greffe de la Cour, conformément à l'article 450 al 2 du Code de procédure civile.

Déclare recevable les écritures de la société Disvar,

CONFIRME le jugement du 27 avril 2016.