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Décisions

Cass. com., 3 mars 2009, n° 08-11.235

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Paris, du 21 déc. 2007

21 décembre 2007

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 décembre 2007), que la société Packetis, titulaire du brevet européen n° 0 673 870 déposé le 24 mars 1995, ayant pour titre " procédé et installation pour réaliser des documents imprimés, document et emballage ainsi réalisé ", a, après avoir fait procéder à une saisie contrefaçon, assigné la société Pharmapost en contrefaçon des revendications 1, 4, 5, 6 et 7 de son brevet ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Packetis fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nulles les revendications 1, 4, 5, 6 et 7 de la partie française du brevet européen, et dit en conséquence sans objet l'action en contrefaçon, alors, selon le moyen :

1°) que suivant l'approche «problème solution» de l'Office européen des brevets, pour définir l'homme du métier compétent, il convient, sans anticiper sur la solution trouvée, de déterminer le problème technique qu'il s'est proposé de résoudre à partir de la divulgation de l'état de la technique le plus proche, indépendamment de toute autre définition de l'homme du métier suggérée dans le brevet en cause ; que l'homme du métier est celui du domaine technique de l'invention ainsi défini par référence au problème technique résolu ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que «l'homme du métier était confronté à la difficulté de réaliser des notices comprenant plus d'informations et donc de plus grandes dimensions, sans modifier les machines découpeuses plieuses dont il disposait et cherchait à éviter tout déplacement et froissement de ces notices, notamment lorsqu'elles passent autour des supports cylindriques» et que «l'article publié en 1977 par l'industrie pharmaceutique», intitulé «les notices thérapeutiques sur bobines dans l'industrie du conditionnement des produits pharmaceutiques - un compte-rendu pratique» constituait l'antériorité la plus proche», qu'il en résultait que le problème technique à résoudre était celui de la réalisation de «notices sur bobines» destinées à être pliées et disposées dans un conditionnement ; qu'en retenant néanmoins que «l'homme du métier serait le spécialiste de la fabrication et du traitement (façonnage, découpage, pliage) de documents imprimés» et non celui des notices pharmaceutiques ou autres, la cour d'appel a violé les articles 56 et 138 de la convention de Munich sur les brevets européens et L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) que l'objet d'un brevet est déterminé par la teneur des revendications qui doivent se fonder sur la description et s'interpréter au regard de celle-ci ; qu'aux termes du protocole interprétatif de l'article 69 de la Convention de Munich, la portée d'un brevet ne doit pas être déterminée par le sens étroit et littéral du texte des revendications ; qu'en l'espèce, la description du brevet indique que «l'invention concerne un procédé et une installation pour réaliser, à partir d'au moins une bande de papier imprimé, des documents imprimés à un ou plusieurs feuillets assemblés, tels que des notices destinées à être pliées et disposées avec un objet dans un emballage ou conteneur», précise que l'invention vise à «réaliser des notices de relativement grandes dimensions et ce, sans modification majeure des coupeuses plieuses usuelles», se réfère exclusivement au domaine technique de réalisation des notices devant être imprimées, pliées et disposées dans un emballage et ne mentionne qu'à titre exemplatif les notices pharmaceutiques auxquelles se rapporte plus spécifiquement l'invention à seule fin de ne pas exclure du champ de celle-ci les notices destinées à un autre domaine de l'industrie, tel que celui de la cosmétologie ; que la revendication 1 porte quant à elle sur «un procédé pour réaliser, à partir d'au moins une bande de papier imprimée, des documents imprimés à plusieurs feuillets assemblés, tels que des notices, destinées à être pliées et disposées avec un objet dans un conteneur» ; qu'en retenant néanmoins que l'invention portait «sur la réalisation de documents imprimés à plusieurs feuillets» en général et dépassait donc la réalisation de notices destinées à être disposées avec un objet dans un conteneur en sorte que l'homme du métier serait le spécialiste de la fabrication et du traitement de documents imprimés, la cour d'appel a méconnu la portée du brevet, en violation des articles 56, 69, 84, 138 de la Convention de Munich et L. 614-12 du Code de la propriété intellectuelle ;

3°) qu'ayant retenu que l'homme du métier auquel il convenait de se référer pour apprécier l'activité inventive était «le spécialiste de la fabrication et du traitement de documents imprimés», la cour d'appel ne pouvait juger, sans en justifier autrement, que l'antériorité Hitner, dont elle constate qu'elle est relative «à une bande de papier paraffiné non imprimé», lui était accessible et devait donc être prise en compte dans l'appréciation de l'activité inventive ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles 56, 138 de la Convention de Munich et L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) qu'en relevant tout à la fois que «l'antériorité Hitner … ne pose ni ne résout le problème du déplacement latéral des bandes» et que «cette antériorité préconisait … un revêtement en feutre pour empêcher le papier de glisser et de s'écarter de la trajectoire prévue avant l'enroulement des sous bandes … superposées», la cour d'appel a entaché sa décision de contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) qu'en retenant que la revendication 1 du brevet était dépourvue d'activité inventive, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le fait, que dans les trois procédures distinctes où la validité du brevet était contestée, chacune des trois sociétés adverses n'avait invoqué ni le même état antérieur de la technique, ni le même document comme étant le plus proche de la technique de l'invention, et n'avait pas suivi le même raisonnement pour conclure à l'absence d'activité inventive, ne démontrait pas que l'invention était bien le fruit d'une activité inventive et ne résultait pas de simples opérations techniques à la portée de l'homme du métier au regard de l'état de la technique qui lui était accessible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 56, 138 de la Convention de Munich et L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt constate que l'invention est relative à un procédé et une installation aptes à réaliser des documents imprimés à un ou plusieurs feuillets, tels que des notices destinées à être pliées et disposées avec un objet dans un emballage ; qu'il retient par motifs propres et adoptés que les notices existantes sont réalisées à partir de bandes de papier pré-imprimées disposées sur des bobines, ces bandes étant ensuite déroulées et découpées transversalement puis soumises à des pliages successifs au moyen d'une découpeuse-plieuse, et que l'invention vise à permettre de réaliser des notices de grande dimension, sans modifier les machines découpeuses plieuses existantes, et est plus particulièrement destinée au domaine de l'industrie pharmaceutique ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a retenu, sans méconnaître la portée du brevet, que la référence faite à des notices pharmaceutiques n'était pas limitative, a pu décider que l'homme du métier était le spécialiste de la fabrication, et du traitement (façonnage, pliage et découpage) de documents imprimés ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient que le brevet Hitner est relatif à une bande de papier paraffiné non imprimé, déroulée pour être pliée longitudinalement à l'endroit désiré au moyen d'une tôle profilée pour former deux sous-bandes superposées, avant d'être rembobinée ; qu'ayant ainsi fait ressortir que cette antériorité relevait du domaine technique du façonnage du papier, la cour d'appel a pu décider qu'elle était accessible à l'homme du métier et qu'il était en mesure d'en apprécier l'intérêt comme la portée ;

Attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel a retenu sans contradiction que l'antériorité Hitner, si elle préconisait un revêtement en feutre pour empêcher le papier de glisser et de s'écarter de sa trajectoire, n'enseignait pas à l'homme du métier comment résoudre le problème du déplacement latéral des sous bandes entre elles ;

Et attendu, en dernier lieu, que la cour d'appel n'avait pas à effectuer une recherche, relative à des moyens et pièces invoqués par des tiers dans des procédures distinctes, qui était inopérante ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Packetis fait grief à l'arrêt d'avoir annulé la saisie contrefaçon effectuée le 19 juillet 2004, alors, selon le moyen :

1°) qu'il n'est pas interdit à l'huissier de transcrire intégralement, lors de la saisie, la description technique faite par le technicien qui l'assiste régulièrement dans ses opérations dès lors qu'il prend soin de le préciser et qu'il vérifie, sur objections des détenteurs des objets décrits, l'exactitude des points de fait énoncés par le technicien ou, si une telle vérification lui apparaît impossible, qu'il mentionne l'objection dans son procès-verbal en précisant pourquoi il n'a pas pu procéder à la vérification ; qu'en l'espèce, conformément à l'ordonnance l'autorisant à se faire assister par tout homme de l'art, l'huissier s'est fait assister de M. Christian X..., conseil en propriété industrielle ; qu'il a seul procédé à la saisie des pièces, plans ou dossiers techniques ; qu'il a précisé les descriptions et observations techniques qui étaient faites par M. X... en les distinguant clairement de ses propres constatations, a noté de la même façon les objections, précisions ou approbations qu'elles suscitaient de la part du saisi, a vérifié l'exactitude des points de fait énoncés par M. X... en indiquant confirmer « dans l'atelier face à la machine dont s'agit » « la description de la machine et de son procédé, dans son état et son fonctionnement, telle que décrite par M. X...» ; qu'en annulant néanmoins le procès-verbal de saisie contrefaçon au motif d'une inversion des rôles entre l'huissier et le technicien parce que le second aurait fourni au premier «une longue description orale du procédé de fabrication des notices», «répondu aux observations du représentant de la société Pharmapost et produit un dessin» qu'il avait fait pour illustrer sa démonstration, la cour d'appel a violé l'article L. 615-5 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) qu'en retenant que M. X... aurait «directement demandé au directeur général de la société Pharmapost de produire des factures» quand l'huissier a indiqué dans son procès-verbal : «Monsieur X... demande de présenter à M. Y... des factures correspondant à ce type de produit, suite à ma demande, M. Y... me présente deux factures…», la cour d'appel a dénaturé le procès-verbal de saisie contrefaçon, en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé, par une interprétation des termes ambigus du procès-verbal de constat, exclusive de dénaturation, que l'expert avait demandé directement au saisi de produire des factures, qu'il avait répondu aux observations de ce dernier, et produit pour illustrer sa démonstration un dessin qu'il avait lui-même fait dans des conditions ignorées, et qui avait été annexé au procès verbal, a pu en déduire qu'il ne s'était pas limité à assister l'huissier dans ses opérations, et que la saisie-contrefaçon devait être annulée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Packetis aux dépens.