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Décisions

Cass. crim., 7 février 2017, n° 15-85.275

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Société nationale des chemins de fer français (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

M. Larmanjat

Avocat :

SCP Coutard et Munier-Apaire

Paris, du 30 juin 2015

30 juin 2015

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société nationale des chemins de fer français (SNCF),

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 30 juin 2015, qui, pour blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois, l'a condamnée à 5 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 111-3, 111-4, 121-2, 121-3, 222-19, 222-21, 131-38, 131-39 du code pénal, L. 4741-1, L. 4741-2, R. 4323-62, R. 4323-63 du code du travail, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;

en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré la SNCF coupable du délit de blessures involontaires par personne morale avec incapacité supérieure à trois mois dans le cadre du travail, l'a condamnée au paiement d'une amende de 5 000 euros, a déclaré recevable la constitution de partie civile de M. Xet a déclaré la SNCF responsable du préjudice subi par celui-ci ;

 aux motifs propres qu'il résulte de la procédure et des débats que M. X, engagé en qualité de  technicien de production caténaire  au sein d'une unité de production de l'établissement Infrapole rattaché à la direction de la production industrielle du territoire Atlantique de la SNCF, est intervenu le 20 mars 2010, dans le cadre de son astreinte et en sa qualité de chef de l'équipe caténaire de Montrouge sur une ligne TGV à Verrières-le-Buisson, ayant été averti qu'une disjonction s'était produite sur la ligne et avait interrompu le trafic ; que M. X et son co-équipier, M. Nicolas Yont donc récupéré le matériel d'astreinte mis à leur disposition, comprenant, notamment, des perches, caisses à outils, échelles, harnais et lignes de vie, et sont arrivés en camion vers 8 heures 40 sur les lieux de l'intervention où ils ont constaté que la disjonction était due à la présence d'un nid de pie sur la caténaire ; que, pendant que M. Y préparait le matériel d'intervention, M. X a préparé les documents de demande de voie et de consignation afin d'obtenir la coupure de l'électricité sur la portion de voie 2 concernée entre 8 heures 50 à 9 heures 15 ; que M. X a posé une ligne de mise à terre du courant électrique et est monté avec une échelle, sans harnais ni ligne de vie, pourtant présents dans l'équipement d'astreinte, sans casque, ni article de visualisation, ni chaussures sécurisées, pour retirer le nid ; qu'ayant constaté qu'un autre nid de pie se trouvait sur une autre caténaire à une dizaine de mètres, et pensant qu'il s'agissait de la même zone, il a décidé de le retirer sans demander au préalable de nouvelle coupure électrique ; que, sans installer les quatre lignes de mise à terre de courant électrique, il est monté à l'échelle après l'avoir déplacée sur un autre support, mais sans fixation au sol, sans harnais, ni ligne de vie ; qu'arrivé à proximité du nid, le salarié a été électrisé par 25 000 volts et qu'il a fait une chute d'environ huit mètres, subissant une incapacité totale de sept mois en raison de brûlures et de multiples fractures ; que M. Y, présent sur les lieux de l'accident a confirmé le déroulement des faits et indiqué qu'il avait relevé l'imprudence de son chef d'équipe, celui-ci voulant que l'intervention aille vite ; qu'informé le 22 mars 2010, de l'accident, l'inspection du travail de Paris s'est rendue au CHSCT de l'établissement de l'Infrapole qui a tenu une réunion extraordinaire le jour même et ouvert une enquête pour connaître les causes de cet accident ; que le CHSCT a conclu à plusieurs erreurs de la part de M. X quant au respect des procédures  caténaire , travaux en hauteur et port des EPI puisqu'il aurait omis d'installer quatre CRL, ainsi que la ligne de vie, et de mettre son harnais pour monter à l'échelle, qu'il n'avait pas le schéma des installations électriques sur lui comme l'exige pourtant la procédure et que Nicolas Y ne l'avait pas non plus regardé ; que l'employeur fait valoir pour sa défense qu'à la date de l'accident, M. X disposait d'une expérience de dix ans d'intervention sur caténaires, que ses différentes formations dans le domaine de la sécurité étaient à jour, son dernier stage en hauteur datant de mars 2007, et qu'il avait suivi une formation sur la gestion des incidents caténaires du 15 au 19 mai 2006, en sorte qu'il devait connaître les procédures ; qu'il ajoute que le salarié qui avait réussi la première intervention, avait reconnu être intervenu de son propre chef sur la deuxième caténaire et ne pas avoir respecté les règles élémentaires de sécurité concernant le port du harnais ; qu'au reste, son co-équipier a indiqué que M. X ne mettait pas systématiquement ses protections ; que l'employeur relève en appel, d'une part, qu'il n'existait pas, à l'époque de l'accident, d'échelles avec crochets de fixation et garde-corps assurant une protection collective contre les chutes, que le fait de monter sur une échelle à une hauteur de huit mètres n'implique pas en soi un risque important, et qu'en tout état de cause, il ressort des constatations de police que l'échelle était toujours en place après l'accident, d'autre part, que le président de la SNCF ne peut être l'organe ou le représentant engageant la responsabilité de la personne morale, enfin et surtout qu'aucun lien de causalité certain n'est établi entre les agissements reprochés au prévenu et l'accident subi par la victime ; mais que la SNCF est poursuivie pour n'avoir mis à disposition de son personnel que des échelles mobiles sans démontrer, ainsi qu'en disposent les articles R. 4323-62 et R. 4323-64 du code du travail applicables à la date des faits, soit qu'elle était dans l'impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs, soit que le risque était faible et concernait des travaux de courte durée ne présentant pas un caractère répétitif ; que les manquements de M. X, lequel n'a, semble-t-il bien, ni installé les quatre lignes de mise à terre du courant électrique, ni fixé son harnais et sa ligne de vie pourtant présents dans l'équipement d'astreinte, n'exonèrent pas l'employeur de sa responsabilité s'il est lui-même coupable d'un manquement en lien de causalité avec le dommage subi par le salarié ; que s'agissant de la possibilité d'utiliser une échelle mobile en cas de risque faible et de travaux de courte durée ne présentant pas un caractère répétitif, il y a lieu de relever que, si le travail demandé à M. X peut être qualifié de courte durée, son intervention à plus de huit mètres de hauteur ne permet pas de parler de  risque faible  ; que le seul fait qu'une première intervention ait eu lieu sans accident ainsi que le soutient la prévenue ne peut établir cette faiblesse du risque ; qu'au sujet de l'impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs, la SNCF ne rapporte pas la preuve des contraintes de l'environnement et des difficultés d'accès au lieu d'intervention alors qu'il ressort des constatations de l'inspection du travail en date du 22 mars 2010 que la caténaire était tout à fait accessible avec un véhicule pour permettre l'accès d'une plateforme élévatrice mobile ou de nacelles et que, d'ailleurs, l'échelle portable en bois était habituellement utilisée pour intervenir sur les caténaires, notamment dans le cadre des astreintes ; qu'au reste, l'employeur a lui-même expliqué à l'inspection du travail que c'était l'urgence de ce type d'intervention qui lui interdisait de mettre en place une PEMP qui n'était possible que par le biais du ripage de sept câbles, ce qui aurait représenté  une opération très importante  ; qu'en l'état de ces éléments dont il résulte que la SNCF n'a mis à disposition de M. X qu'une échelle mobile sans avoir prioritairement fait la cherche d'une protection collective, le manquement poursuivi à l'encontre de la SNCF est établi ; que M. Jean Z, directeur du territoire de production Atlantique au sein de la direction de l'infrastructure de la SNCF couvrant tout l'entretien et la maintenance du réseau, a déclaré aux enquêteurs qu'il représentait bien M. Guillaume A, président du conseil d'administration de la SNCF dans le cadre de la présente procédure, mais qu'il n'était bénéficiaire d'aucune délégation générale de ce dernier ; qu'en l'absence de délégation interne, la responsabilité de la personne morale à raison du manquement relevé est nécessairement imputable à son président ; qu'il est établi par les pièces de la procédure qu'à la suite de son accident, M. X a été conduit en urgence à l'hôpital universitaire de Garches où il a été constaté qu'il présentait de très nombreuses fractures responsables de sa paraparésie niveau D8 : traumatisme crânien, hématome du ventricule latéral droit, fracture de T8, fracture antéro-supérieure de T9, fracture de L1 avec recul du mur postérieur, fracture des apophyses transverses gauche de L2 à L5 et avulsion radiculaire partielle de L1 ; que chacune de ces blessures a été directement causée par la chute du salarié d'une hauteur de huit à neuf mètres, non par son électrisation à l'origine d'importantes brûlures évaluées à 20 % de la surface cutanée au 1er et 2e degrés, serait-elle antérieure à la chute ; que le lien de causalité directe entre la faute de la SNCF et le dommage subi par M. X est dès lors établi ; qu'en l'état de ces éléments, le jugement doit être confirmé sur la culpabilité de la SNCF comme sur la peine, le montant ayant été décidé au regard des circonstance de l'infraction et de la situation de la personne morale ; que sur l'action civile, il y a également lieu de confirmer la décision du tribunal et de condamner la SNCF au paiement à M. X de la somme de 1 000 euros pour ses frais de procédure d'appel ;

et aux motifs adoptés que M. X était salarié de la SNCF, technicien de production caténaire, il intervenait le 20 mars 2010 dans le cadre de son astreinte, il était chef d'équipe, à la suite d'une disjonction sur une ligne TGV à Verrières-le-Buisson qui avait entraîné une interruption de trafic ; à 8 heures 40, il arrivait sur les lieux avec son co-équipier, M. Y, après avoir pris le matériel d'astreinte mis à sa disposition ; qu'il constatait que la disjonction était due à la présence d'un nid de pie sur une caténaire, il obtenait la coupure de l'électricité sur la portion de voie où se trouvait le nid, après avoir posé une ligne de mise à terre du courant électrique il montait avec une échelle, sans harnais ni ligne de vie, retirait le nid de pie sans incident ; qu'il remarquait un autre nid de pie sur une autre caténaire et décidait de le retirer également ; qu'il décidait d'intervenir sur ce second nid de pie sans demander de nouvelle coupure électrique pensant, à tort qu'il s'agissait de la même zone ; qu'il n'installait pas les quatre lignes de mise à terre du courant électrique qui aurait pu le protéger, montait à l'échelle simple sans que celle-ci ne soit fixée, sans harnais ni ligne de vie (pourtant présents dans l'équipement d'astreinte) ; qu'arrivé à proximité du nid de pie il était électrisé et faisait une chute d'environ 8 mètres ; que M. Y confirmait ce déroulement des faits et indiquait qu'il avait constaté les imprudences commises par son chef d'équipe mais précisait qu'il n'avait pas osé intervenir ; que M. X subissait une incapacité totale de travail de sept mois en raison des blessures subies résultant des brûlures liées à l'électrocution et des blessures liées à sa chute ; qu'il est reproché à la SNCF d'avoir dans le cadre du travail commis un délit de blessures involontaire ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de trois mois sur la personne de M. X en mettant à sa disposition uniquement une échelle mobile sans démontrer l'impossibilité technique de recourir à un équipement assurant une protection collective soit que le risque était faible et concernait des travaux de courte durée et ne présentant pas un caractère répétitif en violation des articles R. 4323-62 et R. 4323-63 du code du travail ; que la SNCF ne conteste pas que cette obligation est équivalente à celle du règlement SNCF approuvé par arrêté ministériel RH347 ; qu'aux termes de ces textes, l'usage des échelles mobiles n'est possible que dans les deux hypothèses suivantes :

1°) l'impossibilité technique de recourir à un moyen assurant une protection collective,

2°) la présence d'un risque faible pour des travaux de courte durée sans caractère répétitif, les trois conditions devant être réunies ; en l'espèce, dans ses conclusions, la SNCF indique qu'il était matériellement impossible d'utiliser des plateformes élévatrices, rails route qui en raison de la configuration des lieux ne pouvaient pas être enraillées sur place et ne pouvaient être enraillées plus loin puisque les voies étaient bloquées par des rames à l'arrêt, que les engins routiers ne pouvaient accéder à la zone de l'accident ; qu'en raison de l'absence de constatations précises dans le dossier sur les lieux, il n'est pas possible d'infirmer cette version des faits ; que, cependant, il existait depuis 2009, des échelles avec crochets de fixation et garde-corps qui assuraient une protection collective contre les chutes qui auraient pu être utilisées dans les mêmes conditions que l'échelle simple en cause mais qui n'était pas présente dans l'équipement de l'équipe d'astreinte ; que l'usage de cet équipement aurait évité la chute de M. X ; que la deuxième dérogation permettant l'usage d'une échelle simple ne peut être invoquée puisqu'elle suppose un risque faible alors que le fait de monter sur une échelle à une hauteur de huit mètres implique un risque important ; que la matérialité de la faute de la SNCF est donc établie ; que la SNCF conteste également l'existence d'un lien de causalité entre son éventuelle faute et le préjudice subi ; qu'en l'espèce, le lien de causalité est direct puisqu'une grande partie des blessures subies par M. X sont liées à sa chute d'une hauteur de huit mètres ; que, s'il avait bénéficié d'un garde-corps empêchant sa chute ses blessures auraient été d'une gravité bien moindre que celles effectivement subies ; que la SNCF conteste également sa responsabilité en invoquant le fait que rien dans le dossier ne permet d'identifier l'organe ou le représentant de la SNCF qui serait à l'origine d'une absence de protection collective ; que, cependant, il appartenait au président de la SNCF de s'assurer que toutes les équipes d'astreinte susceptibles d'avoir à effectuer des travaux en hauteur bénéficient dans leur équipement d'une échelle avec crochet et garde-corps ; qu'en ne le faisant pas il a commis une abstention de nature à engager la responsabilité de la personne morale ; qu'il résulte des éléments du dossier que les faits reprochés à la SNCF sont établis ; qu'il convient de l'en déclarer coupable et d'entrer en voie de condamnation ; que, sur l'action civile, il y a lieu de déclarer recevable en la forme la constitution de partie civile de M. X et de lui allouer la somme de mille euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

 1°) alors que les personnes morales ne peuvent être déclarées responsables pénalement que s'il est établi que les manquements relevés résultaient de l'abstention d'un des organes ou représentants des sociétés prévenues et qu'une infraction a été commise, pour leur compte ; qu'en l'espèce, pour retenir que la responsabilité de la personne morale à raison du manquement relevé était nécessairement imputable à son président, M. Guillaume A, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que M. Jean Z, directeur du territoire de production Atlantique au sein de la direction de l'infrastructure de la SNCF couvrant tout l'entretien et la maintenance du réseau, avait déclaré aux enquêteurs qu'il représentait M. Guillaume A, président du conseil d'administration de la SNCF, dans le cadre de la présente procédure mais qu'il n'était pas bénéficiaire d'une délégation générale de ce dernier et qu'il n'était ainsi titulaire d'aucune délégation interne ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans mieux rechercher comme elle y était invitée si, au regard des référentiels applicables et à la chaîne de délégations internes, le manquement relevé résultait de l'abstention, au moment de l'accident, de l'un des représentants de la SNCF, bénéficiaire d'une délégation de responsabilité aux fins de veiller à l'application des règlements, dès lors que ledit représentant de la SNCF, n'était ni nécessairement, ni automatiquement le même que celui qui était bénéficiaire d'une délégation de pouvoir à effet de représenter la SNCF en justice, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

 2°) alors que les juges du fond ne peuvent déclarer responsables pénalement une personne morale que s'il est établi que les manquements relevés résultaient de l'abstention d'un des organes ou représentants des sociétés prévenues et qu'une infraction a été commise, pour leur compte et ils sont tenus de répondre et d'analyser, ne serait-ce que sommairement, les moyens de défense et les éléments de preuve versés aux débats par la partie poursuivie ; que la SNCF avait soutenu devant la cour d'appel ; que dans une entreprise telle que la SNCF, compte tenu de son importance, tant en raison du nombre de salariés que de l'étendue géographique de son exploitation, les pouvoirs de direction faisaient l'objet de nombreuses délégations en fonction des compétences et activités de ses organes et représentants, et elle avait versé aux débats différents référentiels de la SNCF relatifs aux délégations de pouvoirs ; que pour retenir que la responsabilité de la personne morale à raison du manquement relevé était nécessairement imputable à son président, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que M. Jean Z, directeur du territoire de production Atlantique au sein de la direction de l'infrastructure de la SNCF couvrant tout l'entretien et la maintenance du réseau, avait déclaré aux enquêteurs qu'il représentait M. Guillaume A, président du conseil d'administration de la SNCF, dans le cadre de la présente procédure mais qu'il n'était pas bénéficiaire d'une délégation générale de ce dernier et qu'il n'était ainsi titulaire d'aucune délégation interne, sans répondre aux conclusions ni viser ni analyser, ne serait-ce que sommairement, les pièces précitées versées aux débats par la SNCF, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

 3°) alors, et subsidiairement qu'un employeur ne peut être déclaré responsable pénalement d'un manquement aux exigences posées par les articles R. 4323-62 et R. 4323-63 du code du travail pour l'exécution d'un travail en hauteur que dans la mesure où il est établi qu'il a lui-même demandé le travail à l'origine du dommage subi par le salarié, ou à tout le moins, qu'il en ait été informé préalablement et qu'il connaissait l'existence et les conditions d'une telle intervention, à laquelle il ne s'est pas opposé ; qu'en l'espèce, il est constant et il résulte des propres constatations de l'arrêt qu'appelé en urgence, dans le cadre de son astreinte, en sa qualité de chef de l'équipe caténaire, sur une disjonction de la ligne TGV à Verrières-le-Buisson, qui avait entraîné une interruption de trafic, M. X était intervenu sans incident, après avoir constaté la présence d'un nid de pies sur la caténaire et sollicité une coupure de l'électricité sur la portion de voie concernée mais aussi qu'il avait décidé, de son propre chef, d'intervenir une deuxième fois, pour retirer un autre nid de pies qui se trouvait sur un autre tronçon de la voie, à une dizaine de mètres, sans demander au préalable de nouvelles coupures électriques et sans installer les lignes de mise à terre du courant électrique, sans respecter les règles de sécurité, et sans fixation au sol de l'échelle, ni harnais, ni ligne de vie et qu'ainsi, il a été électrisé par 25 000 volts et a fait une chute d'environ 8 mètres ; qu'en cet état, dès lors qu'il est constant que c'est le salarié, de son propre chef, qui avait seul décidé de cette seconde intervention, sans y avoir été autorisé par SNCF ni ne l'avoir prévenue au préalable et sans avoir respecté les règles de sécurité impératives qui s'imposaient à lui, aucun manquement de nature à entraîner la responsabilité pénale de la SNCF ne pouvait être retenu ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

 4°) alors, et subsidiairement, que selon les articles R. 4323-62 et R. 4323-63 du code du travail, une échelle peut être utilisée comme poste de travail en cas d'impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait reprocher à la SNCF de ne pas avoir prioritairement fait la recherche d'une protection collective au prétexte qu'elle ne démontrait pas les contraintes environnementales ou les difficultés d'accès au lieu d'intervention, quand, d'une part, il est constant qu'il ne lui a pas été reproché une insuffisance des équipements de travail pour éviter la chute et prévenir la survenance de dommages corporels ni une inappropriation des règles de sécurité, dont le salarié avait décidé seul de s'affranchir, et qu'elle a, d'autre part, elle-même constaté que  l'échelle portable en bois était habituellement utilisée pour intervenir sur les caténaires, notamment dans le cadre des astreintes  et, enfin, relevé, la nature et les conditions particulières de l'intervention, en urgence, par seulement deux salariés qui se trouvaient sous astreinte, sur une ligne TGV dont le trafic avait dû être interrompu, tous éléments qui, en cet état, caractérisaient, ici, l'impossibilité technique pour l'employeur à rechercher et à mettre en place une plate-forme élévatrice mobile de personnes PEMP ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes précités ;

 5°) alors, et subsidiairement, que selon les articles R. 4323-62 et R. 4323-63 du code du travail, une échelle peut être utilisée comme poste de travail en cas d'impossibilité technique de recourir à un équipement assurant la protection collective des travailleurs ; que la SNCF faisait valoir qu'il fallait dissocier le cas de l'exécution de travaux temporaires en hauteur, dans des conditions normales et celle litigieuse, intervenue en urgence dans des conditions telles que, par hypothèse, elles empêchaient de rechercher prioritairement une protection collective ou sa mise en place ; qu'en se bornant à énoncer que la SNCF n'ayant mis à la disposition de M. X qu'une échelle mobile sans avoir prioritairement fait la recherche d'une protection collective, le manquement poursuivi à son encontre était établi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les conditions particulières d'intervention sur la voie litigieuse, en urgence, n'empêchaient pas de mettre en place prioritairement une protection collective, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

 6°) alors, et subsidiairement que la SNCF faisait valoir qu'il est constant que l'échelle était toujours en place après la chute du salarié, ce que les juges du fond ont eux-mêmes constaté, ce dont il se déduisait que ladite échelle ne pouvait être la cause de l'accident et que seules les fautes de M. X étaient à l'origine de son électrisation et de sa chute et étaient ainsi la cause de ses dommages ; qu'en ne répondant pas à ces conclusions dirimantes, de nature à écarter toute faute pénale de la SNCF et à prononcer sa relaxe, la cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision ;

 7°) alors, et subsidiairement que la SNCF avait fait valoir et démontré qu'au jour de l'accident de M. X, les échelles à crochets et garde-corps n'avaient pas été homologuées pour une intervention sur une ligne à haute-tension (à la différence des lignes à basse tension), que ce n'est qu'en novembre 2011 que les échelles portables avec plateforme compatible avaient été créées et qu'en tout état de cause, ici, l'utilisation de tout autre moyen qu'une échelle aurait entraîné des une prise de risque dangereuse car il aurait fallu interrompre la circulation sur les deux voies, arrêter sept TGV et bloquer 2 100 personnes avec le risque qu'elles descendent sur les voies ; qu'en s'abstenant de vérifier et rechercher si, l'état des normes qui existaient au jour de l'accident autorisait ou non la SNCF à utiliser des échelles à garde-corps, la cour d'appel qui ne s'est pas non plus expliquée sur l'impossibilité technique d'agir en l'espèce autrement, eu égard à l'urgence de l'intervention en astreinte et du risque sécuritaire pour les passagers et la circulation des TGV, n'a pas légalement justifié sa décision ;

 8°) alors, et subsidiairement que, si tout travail en hauteur présente un risque et justifie que certains équipements de travail soient utilisés pour le minimiser, l'appréciation de la faiblesse du risque dépend non pas de la hauteur mais des règles de sécurité mises en place et des équipements mis à disposition par l'employeur ; qu'en l'espèce, en excluant d'office et de manière aussi générale qu'absolue, la faiblesse du risque du seul fait d'une exécution d'un travail à huit mètres de hauteur et en fixant ainsi arbitrairement à huit mètres, la hauteur à partir de laquelle un employeur n'était plus autorisé à utiliser une échelle pour l'exécution de travaux en hauteur, la cour d'appel n'a pas apprécié globalement et concrètement l'évaluation du risque et n'a pas vérifié si M. X, qui bénéficiait d'une grande expérience et de la formation adaptée, avait respecté les règles de sécurité obligatoires mises en place par la SNCF, quand, précisément, celles-ci étaient de nature à rendre faible (voire inexistant) le risque d'une chute ; qu'en statuant in abstracto, comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

 9°) alors, subsidiairement, que la responsabilité pénale ne peut être retenue que s'il existe un lien de causalité certain entre une faute du prévenu, que le juge doit caractériser, et les blessures de la victime ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de la cour d'appel que M. X a été électrisé par 25 000 volts et a fait une chute de huit mètres et que son échelle était toujours en place après l'accident ; qu'il s'en déduisait que les dommages subis par le salarié étaient dus, non pas à la chute de l'échelle ou à l'insuffisance des équipements de sécurité mis à sa disposition puisque le salarié ne s'en était pas servi mais à son refus de suivre les consignes de sécurité obligatoires pour éviter tout risque électrique et tout risque de chute ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

 10°) alors, et en tout état de cause, que pour retenir la responsabilité pénale de la SNCF la cour d'appel ne pouvait se borner à dire que l'électrisation était à l'origine des brûlures du salarié et la chute à l'origine des blessures sans vérifier ni rechercher si l'électrisation du salarié et ses multiples manquements aux règles de sécurité, étaient à l'origine de sa chute, de sorte qu'ils étaient la cause directe et unique, non seulement des brûlures, mais aussi des fractures et blessures qui s'en sont suivies ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision  ;

Sur le moyen pris, en ses deux premières branches :

Vu les articles 121-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, d'une part, les personnes morales, à l'exception de l'Etat, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ;

Attendu que, d'autre part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que M. X, technicien de production de la société nationale des chemins de fer français (SNCF), intervenant sur une ligne TGV à l'aide d'une échelle de huit mètres environ, pour en retirer des nids d'oiseaux à l'origine d'une disjonction électrique, a été gravement blessé par son électrisation et sa chute consécutive ; que, sur citation directe du procureur de la République, la SNCF a été poursuivie du chef de blessures involontaires, pour avoir, par l'intermédiaire de l'un de ses organes ou représentants agissant pour son compte, causé des blessures à M. X en n'ayant mis à la disposition de son personnel que des échelles mobiles ; que le tribunal correctionnel l'ayant condamnée, la prévenue a, avec le ministère public, relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l'arrêt relève qu'au cour de l'enquête, M. Z, directeur du territoire de production Atlantique au sein de la direction de l'infrastructure de la SNCF, a déclaré représenter le président de ladite société dans le cadre de la procédure sans être toutefois titulaire d'une délégation générale de pouvoirs, puis énonce qu'en l'absence de délégation interne, la responsabilité de la personne morale à raison du manquement relevé est nécessairement imputable à son président ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans établir si les faits reprochés résultaient de l'action ou de l'abstention d'un organe ou représentant de la société prévenue, éventuellement détenteur d'une délégation de pouvoirs, et si ceux-ci avaient été commis pour le compte de cette société, au sens de l'article 121-2 du code pénal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 30 juin 2015, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.