Cass. com., 22 mai 1973, n° 71-13.912
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. MONGUILAN
Rapporteur :
M. BALMARY
Avocat général :
M. ROBIN
Avocat :
M. COUTARD
SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES TROIS BRANCHES : ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE (DOUAI, 17 MAI 1971), QUE LA SOCIETE OUTINORD A POURSUIVI LA SOCIETE LOEB EN CONTREFACON DE SON BREVET N° 1180699, DEMANDE LE 17 JUIN 1957, " CONCERNANT UN COFFRAGE DEMONTABLE POUR CONSTRUCTIONS EN MATERIAUX COULES (INVENTION GUY X...) " ;
ATTENDU QUE LA SOCIETE LOEB AYANT SOULEVE POUR SA DEFENSE LA NULLITE DE CE BREVET EN INVOQUANT DES FAITS DE DIVULGATION ACCOMPLIS PAR LA SOCIETE OUTINORD ANTERIEUREMENT ALA DATE PRECITEE DU DEPOT, IL EST FAIT GRIEF A LA COUR D'APPEL D'AVOIR FAIT DROIT A CETTE EXCEPTION DE NULLITE, ALORS, SELON LE POURVOI, QUE, D'UNE PART, L'ESSAI REALISE PAR L'INVENTEUR NE CONSTITUE PAS EN PRINCIPE LA PUBLICITE DESTRUCTRICE DE NOUVEAUTE AU SENS DE L'ARTICLE 31 DE LA LOI DU 5 JUILLET 1844 ;
QUE, D'AUTRE PART, IL NE POUVAIT ETRE REPROCHE A LA SOCIETE OUTINORD DE NE PAS AVOIR PRIS DE PRECAUTIONS POUR EVITER LES INDISCRETIONS, PUISQUE L'ESSAI DE L'APPAREIL A ETE EFFECTUE DANS L'ENCEINTE PRIVEE DE L'ENTREPRISE CARONI ET A LA DEMANDE DE CELLE-CI, EN PRESENCE DES DIRIGEANTS DES DEUX SOCIETES ET DES OUVRIERS DONT LE CONCOURS ETAIT NECESSAIRE, TOUTES PERSONNES ASSUJETTIES AU SECRET PROFESSIONNEL ;
QU'ENFIN, L'ARRET SE CONTREDIT, PUISQUE S'IL RELEVE QUE LA SEULE VUE DU MATERIEL OBJET DU BREVET LITIGIEUX, EN REND L'EXECUTION POSSIBLE PAR UN HOMME DE L'ART, IL NE CONSTATE PAS QUE LES TIERS ETRANGERS AUX DEUX SOCIETES, QUI AURAIENT PU ETRE TEMOINS DE L'ESSAI EFFECTUE, ONT ETE EN SITUATION DE COMPRENDRE ET DE REPRODUIRE EXACTEMENT ET UTILEMENT LE MECANISME DE L'INVENTION ;
MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QUE LES JUGES DU FOND N'ONT, A AUCUN MOMENT DECLARE QUE LE SEUL FAIT POUR UN INVENTEUR DE PROCEDER A L'ESSAI DE SON INVENTION CONSTITUE LA DIVULGATION DE NATURE A ENTRAINER LA NULLITE DU BREVET ULTERIEUREMENT DEMANDE ;
ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE L'ARRET CONSTATE QU'OUTINORD A FAIT TRANSPORTER SON APPAREIL A L'USINE DE PREFABRICATION DE CARONI OU IL A ETE ESSAYE DU 30 AVRIL AU 2 MAI 1957, DANS UNE ENCEINTE A L'AIR LIBRE, DONT LE PORTAIL RESTAIT OUVERT, QUE CETTE ENCEINTE, NON INTERDITE AUX PERSONNES ETRANGERES A L'ENTREPRISE, ETAIT ALORS ACCESSIBLE A TOUS LES CLIENTS DE CARONI VENUS PRENDRE LIVRAISON DE MATERIAUX, QU'EN OUTRE, LES PHOTOGRAPHIES PRISES LORS DES ESSAIS MONTRENT QUE LE MUR, MOINS HAUT QUE LA TAILLE DES ASSISTANTS, LAISSE DECOUVRIR NON LOIN DE LA DE NOMBREUSES HABITATIONS D'OU UN INDISCRET A PU A LOISIR DECELER LE SECRET DE FABRICATION DE L'APPAREIL, DONT LA HAUTEUR DEPASSE DE BEAUCOUP CELLE DU MUR D'ENCEINTE ;
QU'EN CONSIDERANT, EN L'ETAT DE CES CONSTATATIONS, QU'OUTINORD, QUI NE PRETEND PAS AVOIR PRIS LA MOINDRE PRECAUTION POUR EVITER DES INDISCRETIONS, A AINSI DONNE AUX ESSAIS DE L'APPAREIL UNE PUBLICITE SUFFISANTE POUR PERMETTRE L'EXECUTION DE L'INVENTION, LA COUR D'APPEL N'A FAIT QU'USER DE SON POUVOIR SOUVERAIN D'APPRECIATION ;
ATTENDU, ENFIN, QUE DES LORS QU'ELLE DECLARAIT QUE LES ELEMENTS COMPOSANT L'APPAREIL D'OUTINORD SONT DE DIMENSIONS SI GRANDES ET D'UN AGENCEMENT SI SIMPLE QUE LE SECRET DE LEUR FABRICATION ET DE LEUR MECANISME SE REVELE A LA SEULE VUE DE TOUT INDISCRET ET RENDENT LEUR EXECUTION POSSIBLE POUR UN HOMME DE L'ART, LA COUR D'APPEL N'AVAIT PAS A CONSTATER QUE LES ETRANGERS QUI AVAIENT PU ETRE TEMOINS DES ESSAIS ETAIENT PRECISEMENT APTES A COMPRENDRE ET A REPRODUIRE LE MECANISME DE L'INVENTION ;
QUE L'ARRET N'EST ENTACHE D'AUCUNE CONTRADICTION ;
D'OU IL SUIT QUE, MANQUANT EN FAIT DANS SA PREMIERE BRANCHE, LE MOYEN EST MAL FONDE DANS SES DEUX AUTRES BRANCHES ;
SUR LE SECOND MOYEN : ATTENDU QU'IL EST ENCORE FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF D'AVOIR CONDAMNE LA SOCIETE OUTINORD A VERSER DES DOMMAGES ET INTERETS A LA SOCIETE LOEB, EN REPARATION DU PREJUDICE SUBI PAR CETTE DERNIERE SOCIETE DU FAIT DES SAISIES-CONTREFACON ET DE L'ACTION EXERCEE CONTRE ELLE, ALORS QUE L'EXERCICE D'UNE ACTION EN JUSTICE NE DEVIENT ABUSIF QUE S'IL EST CONSTITUTIF D'UN ACTE DE MALICE, DE MAUVAISE FOI OU D'ERREUR GROSSIERE EQUIVALENTE AU DOL, TOUTES CONDITIONS QUI SE RETROUVENT D'AUTANT MOINS EN L'ESPECE QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS MEMES DE L'ARRET ATTAQUE QUE LA SOCIETE OUTINORD A INVOLONTAIREMENT REVELE LE SECRET DE SA FABRICATION ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A SOUVERAINEMENT RETENU QUE, DEPUIS LA PUBLICITE DE L'ESSAI DE SON APPAREIL, LA SOCIETE OUTINORD NE POUVAIT MECONNAITRE LA NULLITE DU BREVET QU'ELLE ALLAIT FAIRE PRENDRE, NI, EN CONSEQUENCE, FAIRE OPERER A L'ENCONTRE DE LA SOCIETE LOEB DES SAISIES-CONTREFACON EN INTRODUISANT L'ACTION LITIGIEUSE ;
QU'ELLE A PU, DANS CES CIRCONSTANCES, RETENIR LA FAUTE DE LA SOCIETE OUTINORD ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 17 MAI 1971, PAR LA COUR D'APPEL DE DOUAI.