Cass. 1re civ., 1 février 2017, n° 16-11.599
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Rapporteur :
M. Vigneau
Avocat général :
M. Sassoust
Avocats :
Me Rémy-Corlay, SCP Bénabent et Jéhannin
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le 16 mars 2005 le divorce de M. X...et de Mme Y..., qui s'étaient mariés sans contrat préalable, en fixant ses effets dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date de l'assignation, le 12 mai 2004 ; que des difficultés s'étant élevées à l'occasion du règlement de leurs intérêts patrimoniaux, Mme Y... a assigné M. X...en partage judiciaire ; qu'une ordonnance du juge de la mise en état a condamné M. X...à verser à Mme Y... une provision à valoir sur la soulte qu'il devrait lui payer à l'issue des opérations de liquidation et de partage ;
Sur les troisième et quatrième branches du premier moyen, la première branche du second moyen, du pourvoi principal, la première branche du premier moyen et les quatrième et cinquième moyens du pourvoi incident :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux premières branches :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de limiter la récompense due par M. X...à la communauté, en raison des donations faites aux enfants communs, à la somme de 136 800 euros alors, selon le moyen :
1°) que les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté ; qu'en retenant que « le consentement requis de l'époux du donateur de deniers communs suffit, sans qu'il soit nécessaire qu'intervienne une donation conjointe de sa part » la cour d'appel a violé l'article 1422 du code civil ;
2°) qu'à considérer qu'il s'agisse de donations afférentes à des gains et salaires dont l'époux a la libre disposition, celui-ci en doit récompense à la communauté à défaut d'accord exprès de l'épouse ; qu'un tel consentement ne se présume pas et ne peut résulter d'un comportement passif ; que la seule présence d'une personne à un acte sans opposition ne s'assimile pas à un consentement à une donation sur des biens communs ; qu'en disant le contraire, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 223 et 1422 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que Mme Y... était présente à l'acte notarié par lequel M. X...a donné à deux de leurs enfants communs des fonds provenant de son activité professionnelle et qu'elle ne s'y est pas opposée ; que la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que Mme Y... avait consenti à cette donation, a exactement décidé que M. X...ne devait pas récompense de ce chef ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi incident :
Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir fixer la date de la jouissance divise au 3 ou au 29 octobre 2012 alors, selon le moyen, que c'est au moment du partage que les soultes compensant l'inégalité des lots sont dues ; qu'il en résulte que le juge qui ordonne le versement d'une provision à valoir sur la soulte versée à l'issue des opérations de liquidation et partage, fixe par là-même la jouissance divise au jour de sa décision ou, à tout le moins, au jour de l'exécution de sa décision ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que par ordonnance du 3 octobre 2012, exécutée le 29 octobre 2012, le juge de la mise en état avait condamné M. X...à payer à Mme Y... une provision sur soulte de 1 000 000 euros ; qu'en retenant pourtant que cette décision n'aurait pas « emporté partage de sorte que la date de la jouissance divise, qui doit être la plus proche de celui-ci, à ce jour non encore intervenu, ne peut être fixée à aucune de ces dates », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 826 du code civil ;
Mais attendu que la décision par laquelle le juge de la mise en état accorde une provision à valoir sur le paiement d'une soulte ne revêtant pas un caractère définitif, elle ne peut avoir pour effet de fixer la date de la jouissance divise ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le sixième moyen du même pourvoi :
Attendu que M. X...fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu de faire figurer au crédit de son compte d'administration les sommes qu'il a payées en remboursement d'un prêt souscrit par lui seul durant la communauté alors, selon le moyen :
1°) que la communauté se compose passivement des dettes nées pendant la communauté, même celles résultant d'un emprunt contracté par l'un des époux sans le consentement exprès de l'autre ; qu'en l'espèce, il était constant que le prêt litigieux avait été contracté par M. X...pendant la communauté, et que, postérieurement à la dissolution de celle-ci intervenue le 12 mai 2004, il avait remboursé le capital qui restait dû, soit 53 691 euros ; que pour dire n'y avoir lieu de faire figurer au crédit du compte d'administration de M. X...la somme de 53 691 euros correspondant au remboursement anticipé, effectué de ses propres deniers, du capital restant dû au 12 mai 2004, la cour d'appel a retenu que « l'emprunt en cause ne peut être considéré comme commun » au motif qu'il a été « souscrit par M. X...seul à une date, postérieure au prononcé de l'ordonnance de non-conciliation, où les parties étaient séparées » ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 262-1 dans sa version antérieure à la loi du 26 mai 2004 et 1409 du code civil ;
2°) que la communauté se compose passivement des dettes nées pendant la communauté, même celles résultant d'un emprunt contracté par l'un des époux sans le consentement exprès de l'autre, à moins que ce dernier démontre que l'emprunt a été contracté dans l'intérêt personnel du l'époux souscripteur ; qu'en retenant encore que « l'emprunt en cause ne peut être considéré comme commun » au motif « qu'il n'est pas établi qu'il aurait profité à Mme Y... », cependant qu'il appartenait à Mme Y..., qui contestait le caractère commun de l'emprunt, d'établir qu'il aurait été contracté dans l'intérêt personnel de M. X..., la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 et 1409 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le prêt de 61 000 euros avait été souscrit par M. X...seul, à une date postérieure au prononcé de l'ordonnance de non-conciliation du 19 novembre 2003, que Mme Y... lui avait, dès le 29 janvier 2004, remboursé personnellement une somme équivalente que celui-ci avait mis à sa disposition les 26 et 27 janvier précédents, et restitué, dès avant l'assignation en divorce, la somme de 27 400 euros à nouveau virée par lui sur son compte, la cour d'appel a pu en déduire, sans inverser la charge de la preuve, que cet emprunt avait été souscrit dans l'intérêt exclusif de M. X..., de sorte que son remboursement lui incombait seul ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches, du pourvoi principal :
Vu l'article 1437 du code civil, ensemble les articles 1096 du même code et L. 132-9 du code des assurances ;
Attendu que, pour décider que l'alimentation de deux comptes d'épargne de retraite complémentaire de M. X...par des revenus communs n'ouvre pas droit à récompense, l'arrêt retient que ces contrats désignant comme bénéficiaire en cas de décès le conjoint de l'adhérent pour l'un, Mme Y... pour l'autre, ils profitent au conjoint du souscripteur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, par l'effet du divorce, Mme Y... ne pouvait plus être considérée comme l'épouse bénéficiaire et que la désignation du bénéficiaire en cas de décès du souscripteur est révocable par ce dernier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur la première branche du deuxième moyen, du pourvoi incident :
Vu l'article 815-9 du code civil ;
Attendu que, pour fixer le montant des indemnités d'occupation d ‘ un appartement indivis et des meubles le garnissant dues par M. X...jusqu'au partage, l'arrêt retient que l'ordonnance de non-conciliation a attribué à ce dernier la jouissance privative et onéreuse de ces biens, que la présence des enfants du couple dans cet immeuble ne lui permet pas d'arguer du caractère non exclusif de cette jouissance et que, durant la période considérée, Mme Y... n'a pas pu en avoir la jouissance ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'occupation de l'immeuble par M. X...avec les enfants issus de l'union ne constituait pas une modalité d'exécution, par Mme Y..., de son devoir de contribuer à l'entretien des enfants, de nature à réduire le montant de l'indemnité d'occupation depuis la date des effets du divorce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du même pourvoi :
Vu l'article 815-13 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que, pour le remboursement des dépenses nécessaires à la conservation d'un bien indivis, il doit être tenu compte à l'indivisaire, selon l'équité, de la plus forte des deux sommes que représentent la dépense qu'il a faite et le profit subsistant ; que ce profit se détermine d'après la proportion dans laquelle les deniers de l'indivisaire ont contribué à la conservation du bien indivis ;
Attendu que, pour fixer le montant de la créance de M. X...sur l'indivision post-communautaire en raison du remboursement par celui-ci, postérieurement au divorce, d'une partie du prêt ayant permis l'acquisition d'un immeuble commun, l'arrêt retient que le profit subsistant correspond à la contribution du patrimoine créancier du chef du remboursement de l'emprunt, rapportée à la valeur du bien à la date de dissolution de la communauté, qui correspond à la naissance de l'indivision, le tout appliqué à la valeur actuelle du bien ;
Qu'en calculant ainsi le profit subsistant par rapport à la valeur du bien au moment de la dissolution de la communauté et non à sa date d'acquisition, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de Mme Y... tendant à voir dire M. X...redevable d'une récompense du chef des contrats de retraite complémentaire Victoire assurance investissement retraite et Winthertur, dit que M. X...est redevable à l'égard de l'indivision post-communautaire, à compter du 12 mai 2004 et jusqu'au partage, pour sa jouissance privative du bien immobilier situé ...et du mobilier du ménage, d'une indemnité d'occupation mensuelle calculée selon la méthode déterminée par l'expert, rejette la demande de M. X...tendant à voir réduire de moitié le montant de cette indemnité d'occupation et dit que M. X...détient sur l'indivision post-communautaire une créance de 901 508, 70 euros au titre du remboursement du prêt d'acquisition du bien immobilier situé ..., l'arrêt rendu le 2 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.