CA Nancy, 2e ch. com., 5 février 2014, n° 10/03403
NANCY
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Tricotage des Vosges (SA), Ephigea (SA)
Défendeur :
Mme Leulliette, Mme Petit, Dolci Calze 2 (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Meslin
Conseillers :
M. Bruneau, Mme Thomas
Avocats :
SCP Millot-Logier et Fontaine, SELARL Leinster Wisniewski Mouton, Me Sellier
ARRÊT : Contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 05 février 2014, par Madame Juliette JACQUOT, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Madame Sylvie MESLIN, Président de chambre et par Madame Juliette JACQUOT, greffier ;
Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
Vu l'appel déclaré le 23 décembre 2010 par la société anonyme Tricotage des Vosges, société Tricotage des Vosges, contre le jugement prononcé le 9 novembre 2010 dans l'affaire qui l'oppose à Mme Martine Bellanger épouse Leuliette, Mme Nadine Hollard épouse Petit, la société anonyme Phildar (société Phildar) ainsi que la société de droit italien Dolce Calze,
Vu le jugement attaqué,
Vu, enregistrées le 28 janvier 2013, les dernières e-conclusions présentées par la société anonyme EPHIGEA (la société EPHIGEA) anciennement dénommée société Phildar, Mmes Martine Bellanger épouse Leulliette (Mme Martine Leulliette) et Nadine Hollard épouse Petit (Mme Nadine Petit), intimées,
Vu, enregistrées le 29 mai 2013, les e-conclusions récapitulatives présentées par la société Tricotage des Vosges,
Vu l'ensemble des éléments du dossier,
SUR CE,
La Cour se réfère au jugement entrepris pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales.
Il suffit, après lecture des dernières écritures des parties, de rappeler les éléments constants suivants :
1. données analytiques, factuelles et procédurales, du litige
La société Tricotage des Vosges exploite depuis 1994 à Vagney (88), une activité de fabrication de bas, de collants et de chaussettes : ses fabrications sont commercialisées sous la marque «'Bleu Forêt » déposée le 19 octobre 1994 auprès de l'Institut National de Propriété Industrielle (INPI).
Ayant constaté en 2007 que les magasins exploités à Epinal et à Remiremont sous l'enseigne Phildar proposaient à la vente, un modèle de collants pour femmes présentant les mêmes caractéristiques que le modèle de sa création, objet d'un dépôt à l'INPI sous le numéro 07/1229 du 9 mars 2007, la société Tricotage des Vosges a présenté une requête en saisie-contrefaçon auprès du président du Tribunal de Grande Instance d'Epinal.
Ce dernier a fait droit à la requête par ordonnance du 8 janvier 2008 et les mesures autorisées ont donné lieu à l'établissement d'un constat d'huissier dès le 15 janvier suivant.
La société Tricotage des Vosges a par acte extrajudiciaire du 28 janvier 2008, fait assigner au visa des dispositions des articles L. 122-4, L. 335-2 et L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle, Mmes Martine Leuliette exploitant le magasin Phildar d'Epinal et Nadine Petit exploitant le magasin Phildar à Remiremont ainsi que la société Phildar devant le Tribunal de Commerce d'Epinal en cessation de toute production, offre à la vente ou vente des collants du modèle «'Lucie'» Phildar ou tout autre modèle identique ou similaire présenté sous une autre dénomination ou forme ainsi qu'en paiement in solidum d'une somme provisionnelle de 75 000 euros à titre de dommages et intérêts outre 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
La société demanderesse concluait encore à l'organisation d'une mesure d'expertise tendant à déterminer exactement l'étendue de son préjudice financier et partant, le nombre de collants « Lucie'» Phildar ou de tout autre modèle identique ou similaire présenté sous une autre dénomination ou forme vendu par la société Phildar à l'ensemble de ses distributeurs ainsi que le prix de vente à ces distributeurs et de revente au public, d'une part et le chiffre d'affaires global enregistré depuis le début de la commercialisation du modèle « Lucie » Phildar ou de tout autre modèle identique ou similaire présenté sous une autre dénomination ou forme, par l'ensemble des distributeurs du réseau considéré, d'autre part. Elle priait enfin le tribunal d'ordonner la publication du jugement à intervenir aux frais des parties défenderesses dans trois journaux professionnels de l'habillement dont « Le journal du Textile » et « LSA ».
La société Phildar a appelé en intervention forcée la société de droit italien Dolce Calze en qualité de fournisseur des collants litigieux.
Par jugement du 9 novembre 2010, le tribunal de commerce d'Epinal a énoncé sa décision sous forme de dispositif dans les termes suivants':
- vu les articles L. 111-1 et suivants, L. 122-4, L. 335-2, L. 511-2 et L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle,
- vu les articles 325, 326, 331 et 367 du code de procédure civile,
- vu les pièces versées aux débats,
- reçoit la société Tricotage des Vosges en sa demande mais l'en déboute,
- condamne la société Tricotage des Vosges à payer à Madame Martine Leuliette née Bellanger la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts,
- condamne la société Tricotage des Vosges à payer à Madame Nadine Marie Petit née Hollard la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts,
- condamne la société Tricotage des Vosges à payer à la société Phildar la somme de 21 591, 01 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamne la société Tricotage des Vosges à payer à Mme Marine Leuliette née Bellanger la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société Tricotage des Vosges à payer à Madame Nadine Marie Petit née Hollard la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société Tricotage des Vosges à payer à la société Phildar la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la société Tricotage des Vosges aux entiers dépens liquidés pour frais de greffe à la somme de 139, 93 euros TTC.
La société Tricotage des Vosges a régulièrement déclaré appel de cette décision.
La société Phildar a fait assigner la société Dolci Calze en appel provoqué et en dénonciation de conclusions par acte extrajudiciaire du 1er mars 2012.
La société Tricotages des Vosges a pour sa part, par actes extrajudiciaires des 7, 14 et 28 juin 2011, régulièrement fait assigner Mmes Martine Leulliette, Nadine Petit ainsi que la société Phildar pour notamment leur dénoncer ses conclusions.
Le magistrat de la mise en état a par ordonnance du 15 octobre 2013, donné acte à la société Phildar de son désistement d'appel provoqué à l'égard de la société Dolci Calze.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 15 octobre 2013 et l'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoiries tenue en formation collégiale.
A cette audience, les débats ont été ouverts et l'affaire a été mise en délibéré.
2. Prétentions et Moyens des parties
Vu les articles 455 et 954 du code de procédure civile.
Les conclusions des parties ci-avant visées récapitulent les demandes par l'énoncé des dispositifs suivants :
La société Tricotage des Vosges demande qu'il plaise à la Cour de :
- vu les dispositions des Livres I et V du code de la propriété intellectuelle,
- vu le règlement communautaire n° 6/2002 du 12 décembre 2001 relatifs aux dessins et modèles communautaires,
- vu l'article 1382 du code civil,
- vu la loi du 19 juillet 1991,
- vu l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer la société Tricotage des Vosges recevable et bien fondée dans ses demandes,
- infirmer en son entier dispositif le jugement rendu le 9 novembre 2010 par le Tribunal de commerce d'Epinal,
- y faisant droit,
- dire et juger que les collants Bleu Fôret «'Velouté rayures dégradées » de la société Tricotage des Vosges sont une création originale,
- dire et juger que le modèle de collant BLEU FORET « Velouté rayures dégradées » de la société Tricotage des Vosges est nouveau et présente un caractère propre,
- en conséquence,
- reconnaître la validité des droits d'auteurs de la société Tricotage des Vosges sur ses collants Bleu Forêt «'Velouté rayures dégradées » au sens du Livre I du code de la propriété intellectuelle,
- reconnaître la validité du modèle de collant « Velouté rayures dégradées » de la société Tricotage des Vosges au sens du Livre V du code de la propriété intellectuelle,
- en conséquence,
- dire et juger qu'en important, représentant et commercialisant des articles reproduisant les collants «'Velouté rayures dégradées » de la société Tricotage des Vosges, la société Phildar s'est livrée, au préjudice de la société Tricotage des Vosges, à des actes de contrefaçon de droit d'auteur,
- dire et juger qu'en important, représentant et commercialisant des articles reproduisant le modèle «'Velouté rayures dégradées » de la société Tricotage des Vosges, la société Phildar s'est livrée, au préjudice de la société Tricotage des Vosges à des actes de contrefaçon de modèle,
- dire et juger que la société Phildar s'est livrée au préjudice de la société Tricotage des Vosges à des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,
- en conséquence,
- interdire à la société Phildar d'importer, représenter et commercialiser des modèles de collants contrefaisant le modèle Bleu Forêt «'Velouté rayures dégradées » appartenant à la société Tricotage des Vosges et ce, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée, passé le délai de 48 heures de la signification du présent arrêt,
- ordonner soit la confiscation sous contrôle d'huissier, en vue de leur destruction, des exemplaires du modèle contrefaisant, qui se trouveraient entre les mains de la société Phildar tant à son siège social que dans ses points de vente ou franchises soit l'acheminement par la société Phildar, à ses frais, des collants contrefaisants auprès d'associations caritatives choisies par la société Tricotage des Vosges,
- condamner la société Phildar à verser à la société Tricotage des Vosges :
-la somme de 87 629 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de ses droits d'auteur sur ses collants «'Velouté rayures dégradées »,
- la somme de 87 629 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de son modèle «'Velouté rayures dégradées »
- la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts forfaitaire en réparation du préjudice subi du fait de la constitution d'un stock contrefaisant de 3 863 collants,
- la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des actes de contrefaçon commis par la société Phildar,
- la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des agissements de concurrence déloyale et parasitaire
- ordonner à titre de complément de dommages et intérêts, la publication de la décision infirmative à intervenir dans trois revues, magazines ou quotidiens au choix de la société Tricotage des Vosges et aux frais de la société Phildar sans que le coût de chacune de ces publications ne soit inférieur à 8 000 euros HT,
- ordonner également à titre de dommages et intérêts la publication de l'arrêt infirmatif à intervenir sur la vitrine de chacun des points de vente Phildar durant un mois à compter de la signification de la décision et ce, sous astreinte de 800 euros par jour de retard,
- ordonner enfin à titre de dommages et intérêts la publication de l'arrêt infirmatif à intervenir sur la page d'accueil du site Internet de la société Phildar, www.phildar.fr, durant un mois à compter de la signification de la décision et ce, sous astreinte de 800 euros par jour de retard,
- se réserver la liquidation de l'astreinte conformément aux dispositions de l'article 35 de la loi du 9 juillet 1991,
- débouter la société Phildar, Madame Martine Leulliette et Madame Nadine Petit de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner la société Phildar à verser à la société Tricotage des Vosges la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Phildar en tous les dépens en ce compris les frais de saisie-contrefaçon et les frais d'achat des modèles incriminés.
La société Ephigea, anciennement dénommée Phildar, ainsi que Mmes Martine Leulliette et Nadine Petit prient la Cour de :
- dire bien jugé, mal appelé,
- dire irrecevable les demandes formées pour la première fois en appel par la société Tricotage des Vosges au titre de la concurrence déloyale,
-débouter la société Tricotage des Vosges de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce d'Epinal en tous ses points,
- y ajoutant,
- dire et juger nul le modèle n° 15, référencé 3006, déposé par la société Tricotage des Vosges à l'INPI le 9 mars 2007 sous le n° 07/1229
- condamner la société Tricotage des Vosges à payer à la société Ephigea, anciennement dénommée Phildar et à Mesdames Leulliette et Petit une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du [N]CPC
- condamner la société Tricotage des Vosges aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la Selarl Leinster Wisniewski Mouton Gérard conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- subsidiairement,
- condamner la société de droit italien Dolci Calze 2 à garantir la société Ephigea, anciennement dénommée Phildar et Mesdames Leulliette et Petit de toutes condamnations prononcées à leur encontre au profit de la société Tricotage des Vosges,
- condamner la société Dolci Calze 2 à payer à la société Ephigea, anciennement dénommée Phildar, ainsi qu'à Mesdames Leulliette et Petit la somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du [nouveau] code de procédure civile.
La Cour renvoie à chacune de ces écritures pour un exposé complet des argumentaires de chaque partie dont l'essentiel sera développé lors de l'analyse des prétentions et moyens qui sont articulés.
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
Considérations élémentaires
1. sur les points à juger
Attendu que la dispute née entre les parties porte à hauteur d'appel, non seulement sur la matérialité du délit de contrefaçon au regard des dispositions cumulatives relatives au droit d'auteur et à la protection des dessins et modèles mais également, sur la matérialité d'acte de concurrence déloyale et parasitaire et enfin, sur la gravité et l'étendue du préjudice subi du fait de ces délits civils ;
2. sur l'exception de demande nouvelle.
Attendu que la société Ephigea ainsi que Mmes Martine Leuliette et Nadine Petit relèvent que la société Tricotage des Vosges prétend pour la première fois à hauteur d'appel que la société Phildar, en vendant ses modèles « Lucie » à un prix inférieur au prix pratiqué par ses revendeurs sur les modèles revendiqués, se serait rendue coupable de concurrence déloyale ;
Attendu que la société Tricotage des Vosges défend la recevabilité de ce chef de demande, observant qu'une demande en concurrence déloyale tend en réalité aux mêmes fins qu'une action en contrefaçon ;
Qu'elle expose : - que dans les circonstances précises de cette espèce, la constatation des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale emporte les mêmes conséquences et partant, tend à voir interdire à la société Phildar d'importer, de représenter et de commercialiser ses modèles de collants prétendument contrefaisants ainsi qu'à voir ordonner la confiscation des exemplaires des dits modèles ; - que quoi qu'il en soit, elle a dans les écritures présentées aux premiers juges évoqué le préjudice qu'elle pourrait subir en raison de l'atteinte à son image, des réductions de prix pratiquées par la société Phildar ; - que les prétentions et demandes qu'elle forme aujourd'hui étaient donc déjà exprimées de manière sous-jacente dans le cadre de l'assignation introductive d'instance';
Vu les articles 564 et suivants du code de procédure civile ;
Attendu que le principe du double degré de juridiction interdit de soumettre à la juridiction d'appel un litige dont la juridiction du premier degré n'aurait pas préalablement connu'; qu'une demande est nouvelle au sens de cet article lorsqu'elle crée, quant aux parties protagonistes et quant à la matière qui en est l'objet, un lien n'ayant pas été instauré devant le premier degré de juridiction'; qu'au demeurant, les parties peuvent toujours expliciter les prétentions virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément ;
Attendu qu'une demande fondée sur la concurrence déloyale est généralement analysée comme étant le prolongement naturel et donc, le possible complément au sens des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile d'une demande initiale en contrefaçon'; que tel apparaît bien être le cas dans les circonstances procédurales de la présente espèce puisque cette prétention évoquée devant les premiers juges du chef du préjudice corrélatif aux agissements incriminés permet, si elle s'avère être juridiquement établie, d'appréhender explicitement les agissements accompagnant l'acte de reproduction permettant soit, d'entretenir la confusion avec une entreprise rivale soit, de tirer profit de la notoriété d'un tiers en se plaçant dans le sillage de celui-ci ;
Attendu que sur ces constatations et pour ces raisons, ce chef de demande sera déclaré recevable ;
3. sur la structure des motifs de la présente décision
Attendu que cette structure s'ordonnera autour de deux axes principaux afin de respecter la logique d'ensemble de l'argumentaire des parties, après une présentation des données de départ tirées des écritures des parties ;
1. les données de base du présent litige
1.1 les données circonstancielles
Attendu que dans un souci de clarification propre à ce litige, la Cour estime utile de présenter sommairement les parties en présence, à l'aide d'éléments informatifs tirées des écritures des parties ;
Attendu en premier lieu': - que l'activité de la société Tricotage des Vosges consiste depuis sa création en 1994 à fabriquer et vendre des articles de bonneterie et plus particulièrement des bas, collants et chaussettes'; - que ces fabrications sont commercialisées sous la marque « Bleu Forêt » déposée le 10 octobre 1994 auprès de l'INPI'; - que cette société fabrique l'ensemble de ses produits sur le territoire français dans son usine sis à Vagney 88120 ; - que cette marque 100 % française qui après plus de 17 années d'existence, s'est imposée non seulement en France mais également à l'étranger au moyen de lourds investissements en matière de protection juridique et de publicité, est une « exception » dès lors que 90 % des chaussettes et collants vendus sur le territoire français sont en réalité fabriqués dans des pays dits à «'bas coûts » ; - qu'elle est par ailleurs perçue comme étant une marque haut de gamme qui utilise dans la fabrication de ses collants tissés et de ses chaussettes des matières dites «'nobles'» (fil d'Ecosse, laine, soie, coton)'; - que ses collections sont commercialisées dans les grands magasins parisiens et dans leurs succursales de province (Galeries Lafayette, Printemps, Bon Marché, Samaritaine) ainsi que dans l'ensemble du réseau Monoprix et auprès d'un grand nombre de détaillants spécialisés'; - que pour protéger les droits de propriété intellectuelle attachés à ses créations, la société Tricotage des Vosges dépose les modèles de ses collections à l'INPI deux fois par an, pour les saisons automne/hiver, d'une part et printemps/été, d'autre part ; - qu'elle est ainsi, notamment titulaire d'un modèle de collant pour femme dénommé Velouté rayures dégradées'» déposé auprès de l'INPI le 9 mars 2007, enregistré sous le numéro 07/1229 et caractérisé par une succession de rayures de largeurs différentes, de couleurs de même ton sur fond marron foncé ou noir, disponible dans les couleurs « Noirs AR5 » et «'Rouge CX7 » pour la collection BLEU FORET 20070 ;
Attendu en second lieu': - que la société Phildar est une société anonyme immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Roubaix-Tourcoing depuis 1954 ; - qu'elle commercialise ses produits au moyen d'un réseau de franchisés présents sur près de quatre cents points de vente sur le territoire français ; - que contrairement à la société Tricotage des Vosges dont la production se concentre autour des collants et chaussettes pour hommes et femmes, la société Phildar est exclusivement connue pour son fil à tricoter ; - que le site Internet de la marque Phildar www.phildar.fr, présente uniquement les collections et les ventes de fils à tricoter ainsi que les accessoires correspondants (aiguilles et crochets)'; - que cependant, constatant le désintéressement du public pour le tricot qui constitue son métier, la société Phildar a récemment décidé de modifier son positionnement en tentant de développer une activité de prêt à porter'; - que pour cette raison, la société Phildar a commencé à commercialiser des chaussettes et collants sans que cette activité ne constitue la majeure partie de ses ventes ;
Attendu quoi qu'il en soit que le mode de fonctionnement de l'une et l'autre société n'est pas identique ; que la société Tricotage des Vosges dispose d'une équipe de stylistes internes notamment Mme Véronique Robbe chargée de la conception stylistique, graphique et coloristique des collections Bleu Forêt tandis que la société Phildar délègue la conception de ses produits à des cabinets extérieurs';
1.2 en ce qui concerne les données juridiques
Attendu que les textes applicables constituant le siège de la matière, sont les suivants :
1.2.1 quant aux agissements incriminés sous le délit civil de contrefaçon
- article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) : « L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. /Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les articles 1er et III du présent code. » ;
- article L. 511-1 constituant le livre V du CPI : « Peut-être protégée à titre de dessin ou modèle, l'apparence d'un produit, ou d'une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation. /Est regardé comme un produit tout objet industriel ou artisanal, notamment les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe, les emballages, les présentations, les symboles graphiques et les caractères typographiques, à l'exclusion toutefois des programmes d'ordinateur. » ;
- article L. 511-2 CPI : «'Seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre. » ;
- article L. 511-3 du CPI : «'Un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants. » ;
- article L. 511-4 du CPI : «'Un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée. Pour l'appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle. » ;
- article L. 511-8 du CPI': « N'est pas susceptible de protection : 1° l'apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit'; 2° l'apparence d'un produit dont la forme et la dimension exactes doivent être nécessairement reproduites pour qu'il puisse être mécaniquement associé à un autre produit par une mise en contact, un raccordement, un placement à l'intérieur ou à l'extérieur dans des conditions permettant à chacun de ces produits de remplir sa fonction./Toutefois, un dessin ou modèle qui a pour objet de permettre des assemblages ou connexions multiples à des produits qui sont interchangeables au sein d'un ensemble conçu de façon modulaire peut être protégé. » ;
- article L. 511-9 du CPI : «'La protection du dessin ou modèle conférée par les dispositions du présent Livre s'acquiert par l'enregistrement. Elle est accordée au créateur ou à son ayant cause. L'auteur de la demande d'enregistrement est, sauf preuve contraire, regardé comme le bénéficiaire de cette protection. » ;
- article L. 512-4 du CPI : «'L'enregistrement d'un dessin ou modèle est déclaré nul par décision de justice': a) s'il n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 511-1 à L. 511-8 ; b) si son titulaire ne pouvait bénéficier de la protection prévue à l'article L. 511-9 ; c) si le dessin ou modèle méconnaît des droits attachés à un dessin ou modèle antérieur qui a fait l'objet d'une divulgation au public après la date de présentation de la demande d'enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, après la date de priorité, et qui est protégé depuis une date antérieure par l'enregistrement d'un dessin ou modèle communautaire, d'un dessin ou modèle français international désignant la France, ou par une demande d'enregistrement de tels dessins ou modèles'; d) s'il porte atteinte au droit d'auteur d'un tiers'; e) s'il est fait usage dans ce dessin ou modèle d'un signe distinctif antérieur protégé, sans l'autorisation de son titulaire. Les motifs de nullité prévus au b), c), d) et e) ne peuvent être invoqués que par la personne investie du droit qu'elle oppose. » ;
- article L. 513-5 du CPI : « La protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente. » ;
- article L. 521-1 du CPI : «'Toute atteinte portée aux droits du propriétaire d'un dessin ou modèle, tels qu'ils sont définis aux articles L. 513-4 à L. 513-8 constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. ;
- article L. 512-2 du CPI : «'L'action civile en contrefaçon est exercée par le propriétaire du dessin ou modèle. » ;
- article L. 521-3-1 du CPI : « Les actions civiles et les demandes relatives aux dessins et modèles, y compris lorsqu'elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire. » ;
- article L. 521-4 du CPI : «'La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens. » ;
- article L. 331-1-3 du CPI : «'Pour fixer les dommages et intérêts [en matière de contrefaçon de droits d'auteur], la juridiction prend considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire de ces droits du fait de l'atteinte. » ;
- article L. 521-7 du CPI : « Pour fixer les dommages et intérêts [en matière de contrefaçon de dessins et modèles], la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisées par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte. » ;
- article L. 623-28-1 du CPI : «'En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée./ La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication aux public en ligne qu'elle désigne selon les modalités qu'elle précise /Les mesures mentionnés aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur.»
1.2.2 quant aux agissements incriminés sous le délit civil de concurrence déloyale
- article 1382 du code civil : «'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » ;
- article 1315 du code civil : «'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. » ;
- article 1353 du code civil : « Les présomptions qui ne sont point établies par la loi, sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet les preuves testimoniales, à moins que l'acte ne soit attaqué pour cause de fraude ou de dol. » ;
2. sur la matérialité des comportements litigieux (contrefaçon, concurrence déloyale et parasitaire)
2.1 en ce qui concerne la matérialité de la contrefaçon alléguée
Attendu que la société Tricotage des Vosges souligne que selon les procès-verbaux régulièrement établis par huissier, les modèles de collants «'Lucie Chocolat'» et « Lucie Anthracite » de marque Phildar sont parfaitement «'similaires [à son] modèle de collant, n°15 référence 3006, objet du dépôt 07/1229 » ; - qu'elle est ainsi, subséquemment fondée à obtenir la mise en oeuvre de mesures réparatrices correspondantes dès lors que la matérialité du délit de contrefaçon ne peut être contestée, ni au regard des dispositions relatives au droit d'auteur sur les modèles déposés (article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle), ni au regard de celles relatives à la protection des dessins et modèles (articles L.511-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle) ;
Attendu qu'elle explique qu'il est en effet parfaitement concevable de soumettre au régime légal de protection des dessins et modèles des tissus ornés de rayures différentes, dès lors que ces rayures présentent un caractère de nouveauté et un caractère propre ; - que le seul moyen de démontrer l'absence de nouveauté d'un modèle est de rapporter la preuve d'un modèle reprenant exactement la même combinaison que le modèle authentique'; - que précisément en l'espèce, les modèles prétendument antérieurs présentés par la partie adverse ne font que confirmer le caractère unique du modèle de la marque ' Bleu Forêt ', peu important la couleur, puisqu'aucun ne reprend l'ensemble des caractéristiques des modèles de cette marque, qu'il s'agisse du modèle « Velouté rayures dégradées -rouge » correspondant à des collants à rayures orangées, roses-violet et roses fuchsia sur fond marron ou du modèle « Velouté rayures dégradées-noir'» correspondant à des collants de rayures bleues, violet-clair et violet sur fond noir, ordonnées selon une logique symétrique ; - qu'aucun de ces mêmes modèles ne reprend davantage des rayures de couleurs différentes avec une largeur et un écartement constants (3 rayures épaisses de 1 cm chacune suivies de 5 fines rayures de 0,5 cm chacune) similaires au modèle ' Bleu Forêt ' litigieux'; - que le caractère propre de ses collants ne saurait être davantage mis en doute, les agencements de couleurs, adoptés suivant une logique symétrique traduisant un effort de création guidé par l'esthétique et non pas, par des contingences fonctionnelles'; - que quoi qu'il en soit, elle a le 9 mars 2007 valablement pu déposer à l'INPI son modèle de collant n° 15 référencé 3006 présentant des rayures dans les tons rose ; - que les modèles de collant «Velouté rayures dégradées - Rouge'» et « Velouté rayures dégradées ' Noir » sont donc «'protégeables'» au titre du Livre V du code de la propriété intellectuelle ; - que le jugement entrepris doit pour cette raison être infirmé, le délit civil de contrefaçon étant au regard de la protection des dessins et modèles à l'évidence constitué ;
Attendu que la société Tricotage des Vosges conteste par ailleurs les allégations de la partie adverse déniant toute réalité de contrefaçon de ses droits d'auteurs sur les modèles litigieux au seul motif que l'idée d'orner des collants ou des bas de rayures parallèles et horizontales de couleurs vives serait une idée ancienne remontant aux années 60, remise au goût du jour à l'initiative de Sonia Rykiel, styliste de renom ;
Qu'elle explique': - que l'originalité se définissant comme l'expression de la personnalité de son auteur, l'auteur d'une oeuvre originale doit avoir mis en oeuvre une réelle activité créatrice'; - que l'originalité d'une création ayant, selon une jurisprudence constante, été reconnue dans l'hypothèse de combinaison de rayures, le caractère original des collants « velouté rayures dégradées'» est établi'; - que la combinaison des couleurs retenues (rose fuchsia, orange et rose-violet/violet foncé, bleu, violet clair), le nombre de couleurs (trois), le nombre de rayures (48 au total), la largeur de ces dernières (1,5 cm, 0,4 cm, 1 cm, 0,8 cm et 1,1 cm) ainsi que l'ordonnancement des rayures font du modèle ' Bleu Forêt ' un modèle unique, ce choix de couleurs et cet ordonnancement de rayures ainsi que la largeur de celles-ci n'étant en effet pas dus au hasard mais résultant d'un travail réfléchi et partant, d'un effort créatif constitutif d'originalité ;' - qu'il est encore établi que les modèles Phildar « Lucie Chocolat » et « Lucie Anthracite » reproduisaient fidèlement les modèles BLEU FORET «'velouté rayures dégradées' - rouge'» et «'velouté rayures dégradées – Noir » dans l'agencement de ses rayures et dans ses largueurs'; - que quoi qu'il en soit, les collants Phildar « Lucie » produisent exactement la même impression d'ensemble que les collants BLEU FORET précités et cette reproduction est nécessairement délibérée';
Attendu que les parties intimées dénient toute réalité de contrefaçon pouvant leur être imputée en observant': - qu'il ne suffit pas de créer un modèle ou de le déposer auprès de l'INPI pour que celui-ci bénéficie de la protection attachée au droit des dessins et modèles ou au droit d'auteur'; - qu'une telle protection n'est en effet conférée qu'aux modèles originaux exprimant l'effort créatif de leurs auteurs et par suite, aux modèles pouvant être estimés nouveaux au regard des modèles existants faute de susciter une impression de déjà-vu dans son ensemble ; - que dans les circonstances de cette espèce, la preuve de l'originalité et de la nouveauté n'est pas rapportée et les caractéristiques esthétiques revendiquées par son adversaire ne présentent à l'évidence aucun caractère propre au regard des modèles antérieurs commercialisés tant par la société Phildar que par d'autres enseignes depuis de nombreuses années'; - qu'en tout état de cause, les collants vendus par elles diffèrent distinctement des modèles revendiqués et ne constituent pas des actes de contrefaçon ;
Qu'elles précisent': - que la société Tricotage des Vosges ne peut revendiquer la protection attachée au droit des dessins et modèles que sur le modèle qu'elle a déposé à l'INPI à savoir, le modèle de collant pour femme n° 15 référencé 3006 présentant de la pointe du pied au haut de la jambe six séries de bandes horizontales de couleur rose et noire'; - que les conditions posées par l'article L. 511-2 du code de la propriété intellectuelle sont des conditions cumulatives'; - que le seul changement de destination ou de matière ne confère pas un caractère nouveau au modèle revendiqué'; - que le modèle de collant déposé par leur adversaire à l'INPI ne possède aucun caractère propre puisqu'il ne suscite, par rapport aux modèles divulgués antérieurement à son dépôt, aucune impression globale différente dans son ensemble sur un observateur averti, autrement dit un observateur doté d'une vigilance particulière en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré ; - que le type de collant à rayures horizontales revendiqué par la société Tricotage des Vosges a été commercialisé bien avant le dépôt intervenu en mars 2007 notamment dans les années 60, avant d'être remis au goût du jour à l'initiative de Sonia Rykiel ; - que ce style de rayures qui a été utilisé par de nombreuses enseignes telles que Chanel, Sonia Delaunay ou encore Kenzo, est toujours en vogue de nos jours ainsi qu'en témoigne le fait qu'il est proposé à la vente par des enseignes de luxe et de grandes surfaces telles CARREFOUR ou encore H&M ; - qu'aucun acte de contrefaçon ne saurait ainsi être caractérisé par le fait qu'elle propose à la vente les collants « Lucie » litigieux, d'autant qu'elle distribue ce type de collants depuis de nombreuses années et qu'elle bénéficie de ce fait, d'une large antériorité sur le modèle revendiqué par son adversaire'; - qu'au demeurant, cette antériorité est démontrée par des extraits de catalogues PHILDAR destinés aux franchisés versés aux débats, établissant qu'elle distribue depuis 2003 des modèles de collants ou de bas fantaisie à rayures comportant diverses bandes de couleurs plus ou moins larges ainsi que le font ressortir, les modèles « CARLA » 101 573, « IRLANDAIS » 417, « FANNY » 101843 et «'FLIBUSTIER'» 101854 et encore, les modèles « INITIAL » 101 906 et « HACHURE » 101 893 ; - qu'il convient donc de rejeter les demandes formées au titre du Livre V du CPI et de dire nul, le modèle n° 15 référencé 3006 déposé à l'INPI le 9 mars 2007 sous le n° 07/1229 ;
Attendu que les intimées expliquent par surcroît : - que les documents qu'elle verse aux débats établissent que le modèle velouté rayures dégradées rouge a été commercialisé via le catalogue automne/hiver 2006 et le modèle velouté rayures dégradées noir via le catalogue Automne/Hiver 2007; - qu'aucune antériorité du modèle velouté rayures dégradées noir par rapport aux modèles Lucie commercialisés en septembre 2007, n'étant par conséquent démontrée, la société Tricotage des Vosges n'est pas fondée à se prévaloir de droits d'auteur sur son modèle velouté rayures dégradées noir ; - que seules les oeuvres de l'esprit originales manifestant l'effort créatif de leur auteur peuvent être protégées au titre du droit d'auteur'; - que cet effort créatif s'apprécie indépendamment du mérite ou de la destination de l' oeuvre comme de l'antériorité applicable en matière de dessins et modèles; - que l'originalité de l' oeuvre relève quant à elle du pouvoir souverain du juge du fond'; - qu'en l'espèce, les modèles revendiqués par la société Tricotage des Vosges n'ont rien d'originaux puisqu'il ressort des pièces versées aux débats que des modèles parfaitement similaires ont été commercialisés avant leur création par la société Phildar et par des tiers ; - qu'il est de principe, lorsque l'originalité est contestée au moyen de modèles antérieurs versés aux débats par la partie défenderesse, que le seul fait pour le demandeur de lister les différences existants entre son modèle et ceux produits par ceux de la partie adverse est insuffisant ;
Qu'elles concluent que les modèles Lucie commercialisés par elle se distinguent du modèle référencé 3006 déposé par son adversaire comportant une alternance de rayures noires et roses et une série de trois bandes de couleur roses larges en alternance avec deux fines bandes noires suivie d'une série de six bandes noires horizontales en alternance avec cinq bandes de couleurs roses horizontales; - que les modèles Lucie qu'elle commercialise se distinguent encore des modèles revendiqués et non déposés par la partie adverse; - qu'ainsi les modèles Lucie Chocolat comportent des couleurs bien différentes de celles des modèles revendiqués (couleurs marron foncé, marron clair et orangé et non, couleurs rose fuchsia, orange, rose-violet et noir) et également, des rayures de tailles différentes de celles présentes sur le modèle «'velouté rayures dégradées rouge »; - que l'impression visuelle de symétrie des coloris caractérisant le modèle revendiqué ne se retrouve pas dans le modèle Phildar où la couleur orange est beaucoup moins présente et se situe sur les cuisses et en dessous du genou de manière à modifier l'axe visuel du collant'; - que finalement, la comparaison des modèles « velouté rayures dégradées rouge » et « velouté rayures dégradées noir » avec les modèles « Lucie chocolat » et « Lucie Anthracite » qu'elle commercialise, conduit à relever des différences esthétiques importantes excluant tout risque de confusion et de contrefaçon ;
Vu les dispositions légales précitées ;
Attendu qu'il ressort de ces dispositions que le dépôt de dessins et modèles s'inscrit dans un cadre juridique privilégié grâce à la théorie dite de l'unité de l'art; que tout objet industriel caractérisé par une esthétique particulière, quelle que soit son utilisation ou sa valeur artistique, bénéficie ainsi, à condition d'être original, d'une protection par droit d'auteur en plus de la protection par dessin ou modèle'; que le droit d'auteur n'exigeant aucune formalité de dépôt, il suffit au créateur de prouver l'antériorité de sa conception, cette preuve pouvant au demeurant être apportée par le dépôt de dessins et modèles ; que finalement, si l'appréciation de la nouveauté d'une création et celle de son originalité procèdent de deux démarches distinctes une oeuvre, pour prétendre à l'originalité, doit nécessairement se différencier de celles qui existent ou plus exactement préexistent dans le même champ intellectuel et l'existence de cette différence rend compte des choix non contingents et personnels effectués par l'auteur'; que ces éléments permettent ainsi d'apprécier si l’ oeuvre, considérée dans son ensemble, constitue ou non une création propre à cet auteur, éligible à la protection précisément conférée par le droit d'auteur ;
Attendu qu'il s'infère de la confrontation de ces règles et principes avec les données factuelles et circonstancielles ci-dessus rappelées que c'est à tort que les premiers juges ont, dans les circonstances de la présente espèce, estimé qu'aucun acte de contrefaçon du modèle de collant « Velouté rayures dégradées », quelle que soit sa couleur et du droit d'auteur de la société Tricotage des Vosges, était caractérisé ;
Qu'il s'évince en effet de la simple comparaison de ces derniers avec les modèles présentés par la partie adverse comme des modèles antérieurs - tels les modèles « Ambiance » de Stella Candente, Kenzo, Cyrillus, « Coton rayé » de Julie Fantaisies, Phildar « Loanna », Phildar « Laponie », Phildar « La Plagne », Phildar « Lima », Phildar « Initial », Phildar « Hachure », Phildar « Flibustier », Phildar « Fanny », Phildar «'Irlandais'», Phildar «'Carla'» -, qu'aucun ne reprend exactement la même combinaison de rayures de couleurs différentes caractérisée par une largeur et un écartement constants (3 rayures épaisses de 1 cm chacune, suivies de 5 fines rayures de 0, 5 cm chacune)'; que la nouveauté du modèle de collants « Velouté rayures dégradées » au demeurant déposé à l'INPI est ainsi établie, aucun élément de nature à justifier l'annulation de l'enregistrement de ce modèle à l'INPI au visa de l'article L. 511-8 du code de propriété intellectuelle ne se trouvant quoi qu'il en soit caractérisé ; que l'originalité de ce modèle s'induit par ailleurs à l'évidence de la disposition parfaitement symétrique des rayures, de leur largeur, de leur écartement et de l'agencement identique des couleurs utilisées, quelle que soient ces couleurs, le tout contribuant à une configuration de lignes et de couleurs singulière ;
Attendu que sur ces constatations et pour ces raisons il y a lieu, de considérer sur la base des constats d'huissier régulièrement versés aux débats que le délit de contrefaçon est dans les circonstances précises de la présente espèce caractérisé, de faire subséquemment interdiction à la société Phildar d'importer, de représenter et de commercialiser des modèles de collants contrefaisant le modèle Bleu Fôret «Velouté rayures dégradées'» appartenant à la société Tricotage des Vosges dans les termes du dispositif ci-après et d'ordonner par ailleurs en vue de leur destruction et selon des modalités fixées au même dispositif, la confiscation sous contrôle d'huissier des exemplaires de ce modèle contrefaisant qui se trouveraient notamment entre les mains de la société Phildar ;
Attendu qu'aucune circonstance ne justifie que la Cour se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte prononcée conformément aux dispositions de l'article 15 de la loi du 9 juillet 1991 ;
2.2 en ce qui concerne les actes de concurrence déloyale et parasitaire
Attendu que la société Tricotage des Vosges souligne : - que la société Phildar a nécessairement commis une faute en se plaçant délibérément dans son sillage en imitant ses créations et qu'elle a ainsi indûment profité de ses investissements ; - qu'elle a par surcroît, vendu ses produits contrefaisants de qualité moindre (les collants diffusés par la société Phildar étant composés de polyamide ou d'élasthanne et non comme ceux commercialisés par la société Tricotage des Vosges de coton et de lycra) à un prix inférieur, voire très inférieur ; - que de tels agissements sont constitutifs de faute dès lors qu'ils ont eu pour effet de détourner le public des modèles authentiques et de dévaloriser ces derniers auprès du consommateur moyen, peu important qu'aucun risque de confusion entre les deux produits ne soit possible ; - qu'au demeurant, la commercialisation de produits contrefaits, de moindre qualité et pour un prix bien inférieur au modèle original, peut caractériser en tant que tel un risque de confusion constitutif d'une hypothèse de concurrence déloyale ; - qu'enfin, cette reproduction de modèles de collants est constitutif d'un agissement parasitaire puisqu'à l'évidence, la société Phildar a de cette manière, pu réaliser des économies sur les frais de conception et de stylisme en usurpant sa notoriété et son effort créatif mais également, sur les frais de promotion nécessaires au succès d'une campagne publicitaire et commerciale, en profitant de la promotion d'une certaine ampleur engagée par elle courant décembre 2006 et janvier 2007 ainsi qu'en témoignent les diverses pièces qu'elle verse aux débats (voir pièces 29 à 34) ; - que les campagnes publicitaires qu'elle a orchestrées ont en effet eu lieu dans le même secteur géographique que celui des points de vente de la société Phildar ; - qu'au demeurant, cette dernière ne justifie pas avoir tenté de promouvoir ses modèles contrefaisants « Lucie Chocolat » ou « Lucie Anthracite » ;
Attendu d'autre part, que la société Ephigea dénie l'existence d'agissements de concurrence déloyale susceptibles de lui être imputés en objectant': - qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les produits revendiqués et les produits prétendument contrefaisants alors qu'il incombe au demandeur à toute action en concurrence déloyale, d'établir une faute dommageable distincte de la contrefaçon ; - que la société Tricotage des Vosges reconnaît au demeurant elle-même que la société Phildar n'est pas une de ses concurrentes directes ; - qu'elles n'usent pas du même mode de distribution puisque son adversaire commercialise ses produits via les grands magasins parisiens et les succursales de ces derniers situés en province outre le réseau Monoprix et les détaillants spécialisés alors qu'elle-même commercialise ses produits par le biais de magasins franchisés ; - que les produits vendus par l'une et l'autre visent donc une clientèle bien distincte, la vente de collants ne constituant pour elle-même qu'une activité très accessoire à son activité principale de vente de fil à tricoter ; - qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, la vente de collants litigieux à un prix inférieur étant justifiée par la différence de mode de fabrication, la différence de matières premières utilisées ainsi que la différence de clientèle qui n'est pas la clientèle haut de gamme de la société Tricotage des Vosges ; - qu'il ne peut donc en aucun cas, être sérieusement soutenu que la commercialisation de ses collants prétendument contrefaisants a fait perdre des parts de marché à son adversaire ;
Qu'elle ajoute : - qu'en l'absence de tout acte distinct de celui caractérisant la contrefaçon alléguée, la société Tricotage des Vosges ne saurait se prévaloir d'un préjudice spécifique consécutif à cette concurrence déloyale'; - qu''elle n'avait au demeurant aucun intérêt à se positionner dans le sillage de la société Tricotage des Vosges dont la renommée est moindre que la sienne et dont l'activité et la clientèle diffèrent en tous points'; - qu'il ne saurait être sérieusement soutenu qu'elle a profité des investissements et des frais de promotion engagés par cette société puisqu'elle dispose elle-même d'une équipe de stylistes compétents dont les efforts de création sont démontrés depuis longtemps et qu'elle n'a commercialisé les collants litigieux qu'en septembre 2007, soit un an après la commercialisation des modèles revendiqués ; - que quoi qu'il en soit, la société Tricotage des Vosges ne démontre pas, alors qu'il lui appartient de le faire, que non seulement le public associe le genre de rayures revendiqué à son nom mais encore, que la combinaison de rayures reproduites sur les collants litigieux expose le public à un risque de confusion ; - que dans ces conditions, l'action en concurrence déloyale doit être écartée ;
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu qu'il ressort de ces dispositions que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer'; que s'agissant d'un grief de concurrence déloyale, il incombe à la société Tricotage des Vosges de rapporter, par tous moyens, la preuve de l'acte de concurrence incriminé';
Attendu qu'il est constant que les collants contrefaisants offerts à la vente par la société Phildar ont été vendus à un prix beaucoup plus faible que les collants vendus par la société Tricotage des Vosges ; que de tels agissements sont en eux-mêmes constitutifs de concurrence déloyale puisqu'ils permettent à l'évidence à la société Phildar de bénéficier de l'effort créatif, publicitaire et promotionnel de la société Tricotage des Vosges et établissent ainsi l'intention délibérée de tirer parti des investissements engagés par un concurrent ;
Que sur ces constatations et pour ces raisons, le grief de concurrence déloyale et parasitaire sera retenu ;
3. sur l'indemnisation des préjudices allégués
3.1 en ce qui concerne les préjudices, matériel et moral, né de la contrefaçon
Attendu que la société Tricotages des Vosges se prévaut non seulement d'un préjudice matériel au regard de la contrefaçon de ses droits d'auteurs et de ses modèles mais aussi moral ;
3.1.1. Quant au préjudice matériel
Attendu d'une part, que la société Tricotage des Vosges rappelle : - qu'en matière de contrefaçon de droit d'auteur et de contrefaçon de dessins et modèles, les méthodes d'indemnisation de préjudice sont similaires ; - que la commercialisation par la société Phildar, de collants contrefaisant les modèles Bleu Forêt ont nécessairement eu des répercussions économiques négatives sur son activité'; - que les ventes de collants Bleu Forêt «'velouté rayures dégradées'» sont ainsi passées de 9 343 en 2006 à 5 563 en 2007 alors que les ventes des autres modèles Bleu Forêt ont augmenté;
Attendu d'autre part que la société Ephigea s'oppose à ces réclamations en objectant : - que la diminution de ventes alléguée par la partie adverse s'explique aisément par le fait qu'en 2007, les collants concernés (velouté rayures dégradées) étaient une «'réédition'» de collants déjà commercialisés en 2006 ; - qu'ils ne constituaient donc plus une nouveauté en matière de mode ; - que les contrefaçons pratiquées au sein de ses magasins établissent qu'en réalité, le nombre de collants vendus par ces derniers était très faible (2 pour le magasin de Remiremont et cinq pour celui d'Epinal dont le stock en comportait par ailleurs deux); - que les pièces qu'elle verse aux débats établissent que sur un nombre de 10 183, seuls 3 863 articles contrefaisants restaient invendus en 2009 ; - qu'elle a donc vendu 6 320 collants dont le prix de revient s'établit à 3, 44 euros par collant, le prix de vente aux franchisées à 6, 92 euros et le prix de vente au consommateur à 13, 95 euros'; - que son bénéfice sur les articles argués de contrefaçon s'établit finalement à 35 322, 48 euros et non pas, à 66 423, 20 euros comme le prétend la société Tricotage des Vosges'; - que quoi qu'il en soit, il est de jurisprudence établie que pour apprécier le bénéfice perdu, il faut tenir compte du nombre d'articles vendus et du bénéfice moyen brut réalisé par le contrefacteur en considération de l'augmentation des charges d'exploitation qu'aurait entraîné la vente supplémentaire des articles contrefaisants ; - que de manière plus précise, le manque à gagner évoqué par la société Tricotage des Vosges doit être calculé en tenant compte, de l'absence de concurrence entre les parties, du faible caractère distinctif des modèles contrefaits, de l'état du marché et de l'existence de nombreux produits similaires aux produits revendiqués ; - que pour ces raisons, les ventes manquées par la partie adverse ne sauraient équivaloir à la différence de ventes constatées entre 2006 et 2007 (soit 3 789) d'autant que la diminution des ventes constatée en 2007 s'explique aisément par l'essoufflement d'une tendance de la mode par nature éphémère'; - que la société Tricotage des Vosges ne démontre pas davantage que les quantités vendues auraient dû l'être par elle-même compte tenu de sa capacité de production et de sa capacité de vente'; - que dans ces conditions, il convient d'appliquer un abattement d'au moins 50 % sur les chiffres invoqués d'autant que cette même société ne justifie pas de son prix de revient à l'époque des faits argués de contrefaçon ; - que la société Tricotage des Vosges ne saurait par ailleurs être déclarée fondée en sa demande de dommages et intérêts complémentaires en raison de l'existence d'un stock contrefaisant dès lors qu'il est établi que les 3 863 paires de collants qui le constituaient ont été retirés de la vente et qu'ils n'ont donc pu en rien, lui occasionner un quelconque préjudice ;
Vu les articles L. 331-1-3, L. 521-7 et L. 623-28 du code de la propriété intellectuelle ci-dessus visés ;
Attendu qu'il ressort de ces dispositions que l'objet de la sanction civile de la contrefaçon est non seulement de réparer le préjudice subi par celui dont le monopole a été méconnu mais également, d'empêcher que la contrefaçon persiste et se renouvelle ; que par ailleurs, les éléments d'appréciation qui y sont visées sous l'expression « conséquences économiques négatives » correspondent au gain manqué et à la perte subie ;
Attendu qu'en ce qui concerne le gain manqué il est constant dans les circonstances de cette espèce qu'en 2007, la structure contrefaisante comportait 10 183 articles dont 6 320 vendus au prix de 13, 95 euros au consommateur moyen pour un prix de revient de 3, 44 euros'; que si le contrefacteur entend limiter le bénéfice qu'il a réalisé à 35 211, 48 euros, la Cour ne peut que relever, à l'instar de la partie adverse, que la société Ephigea ne justifie par aucun élément probatoire de la répartition des ventes dont elle se prévaut (en magasins succursales et auprès de franchisés) pour asseoir cette évaluation ; que partant, faute pour la société Ephigea d'établir de manière circonstanciée que la société Tricotage des Vosges qui bénéficiait d'un monopole en raison du dépôt du modèle contrefait, n'aurait pas pu, compte tenu de sa capacité de production et de commercialisation, vendre le volume d'articles correspondant au bénéfice qu'elle a elle-même réalisé au cours de la période incriminée, le gain manqué de la société Tricotage des Vosges imputable à la société intimée s'établit bien à 66 423, 20 euros ;
Attendu en ce qui concerne la perte subie, qu'il est établi qu'entre 2006 et 2007 les ventes de collants « velouté rayures dégradées » Bleu Forêt ont chuté de 40 % ; que s'il est exact que ces modèles n'avaient plus l'avantage d'être nouveaux en termes de mode comparativement aux années précédentes, il peut être raisonnablement considéré qu'une chute de 20 % s'expliquant par la banalisation du modèle et sa commercialisation par des articles de moins bonne qualité, reste logique et que par suite, la société Tricotage des Vosges apparaît bien avoir subi une perte de 10 602, 90 euros selon les données chiffrées rappelées dans ses écritures de l'appelante ;
Attendu que sur ces constatations et pour ces raisons, le préjudice matériel subi par la société Tricotage des Vosges au titre de la contrefaçon de ses droits d'auteur s'établit à 77 026, 10 euros ; qu'en outre, le préjudice subi au titre de la contrefaçon du modèle de collant « velouté rayures dégradées » est de même montant, par simple application des dispositions légales rappelées au point 1.2.1 du présent arrêt ;
Attendu en revanche que la société Tricotage des Vosges ne saurait être fondée à obtenir l'indemnisation du préjudice qu'elle prétend subi subi en raison de l'existence d'un stock de collantes contrefaisants (3863 collants « Lucie ») puisqu'il est établi par les éléments du débat que ce stock a immédiatement été retiré de la vente ;
3.1.2 quant au préjudice moral
Attendu d'une part, que la société Tricotage des Vosges soutient : - qu'eu égard aux circonstances de contrefaçon établies elle subit un préjudice moral évident, les produits contrefaisants étant de moindre qualité que ses propres articles et étant par surcroît, commercialisés dans des conditions inférieures à ses conditions de vente ; - que cet avilissement de l'image de qualité de la marque Bleu Forêt, réputée pour ses fabrications « 100 % française'» et haut de gamme, justifie l'indemnisation de ce préjudice à hauteur de 60 000 euros ;
Attendu d'autre part, que la société Ephigea réplique:- que le préjudice allégué n'est nullement démontré'; - qu'aucun élément des débats ne permet de soutenir que les conditions de vente des collants contrefaisants aient été avilissantes'; - que la société Tricotage des Vosges reconnaît elle-même dans ses écritures qu'elle commercialise ses propres collants en faisant appel au Groupe Monoprix'; - que quoi qu'il en soit, la clientèle des deux marques n'est pas la même, le réseau de distribution est différent et aucune confusion n'a pu être opérée entre les deux marques dans l'esprit du public ; - que la société Tricotage des Vosges ne vend pas directement au consommateur final et la société Phildar est réputée pour la qualité de ses produits ; - qu'à supposer que ce préjudice moral soit reconnu établi, il ne saurait être admis que dans une très faible proportion ;
Attendu que la société Ephigea s'oppose vainement à l'indemnisation de ce chef de préjudice puisqu'en commercialisant des produits contrefaisants fabriqués avec des ingrédients de moins bonne qualité, elle n'a pu que porter atteinte à la notoriété de la marque Bleu Forêt ; qu'eu égard à l'importance des ventes effectuées et à la durée relative des actes de contrefaçon répréhensibles, l'indemnisation de ce préjudice spécifique sera justement réparé par l'attribution de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
3.1.3 synthèses des préjudices nés de la contrefaçon
Attendu que ces chefs de préjudices se résument finalement de la manière suivante :
- préjudice du chef de la contrefaçon du droit d'auteur :77 026, 10 euros
- préjudice du chef de la contrefaçon des dessins et modèles : 77 026, 10 euros
- préjudice moral : 20 000 euros
3.2 en ce qui concerne le préjudice né de la concurrence déloyale et parasitaire
Attendu d'une part, que la société Tricotage des Vosges expose subir un préjudice commercial consécutif à la banalisation de son modèle en tant que produit commercial ainsi qu'à l'atteinte portée à sa notoriété et à son image commerciale ;
Qu'elle précise que ce préjudice est aggravé par le fait que le modèle contrefaisant imite ostensiblement le modèle original, qu'il est de qualité moindre et qu'il est vendu à un prix très inférieur ; qu'elle s'estime subséquemment en droit d'obtenir, en raison des frais qu'elle a déboursés, une indemnisation de l'ordre de 80 000 euros ;
Attendu d'autre part, que la société Ephigea s'oppose à ce chef de réclamation en se bornant à observer qu'en l'absence de tout risque de confusion et de faute démontrée qui lui seraient imputables, ce chef de demande doit être écarté ;
Attendu que l'imitation servile imputée à la société Ephigea pour les raisons retenues au point 2.2 de cet arrêt a nécessairement occasionné un préjudice économique à la société Tricotage des Vosges qui apparaît devoir être, en raison du contexte spécifique du présent litige notamment rappelé au point 1.1 de cet arrêt, justement et raisonnablement réparé par l'attribution d'une somme de 70 000 euros à titre de dommages et intérêts';
3.3 en ce qui concerne la demande complémentaire de publication du présent arrêt.
Attendu que nonobstant l'opposition exprimée sur ce point de réclamation par la société Ephigea, il y a lieu de compléter l'indemnisation de la société Tricotage des Vosges de ses préjudices en ordonnant la publicité du dispositif de cet arrêt dans les termes réclamés par elle durant un mois ;
Qu'aucune circonstance particulière ne justifie une publication sur la vitrine de chacun des points de vente Phildar ni le prononcé d'une astreinte';
4 sur les autres demandes
4.1 en ce qui concerne les demandes de la société Ephigea
La société Ephigea succombant ne saurait être fondée à obtenir l'attribution de dommages et intérêts pour procédure abusive et indemnisation d'un prétendu préjudice moral ;
4.2 en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles
Vu l'article 696 du code de procédure civile ;
Attendu que la société Ephigea qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de saisie-contrefaçon et les frais d'achat des modèles incriminés ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que l'équité commande de condamner la société Ephigea au paiement d'une indemnité de 13 000 euros à titre de frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions,
STATUANT de nouveau :
DIT que les collants BLEU FORET « Velouté rayures dégradées » de la société anonyme TRICOTAGE DES VOSGES sont une création originale,
DIT que le modèle de collant BLEU FORET « Velouté rayures dégradées » de la société anonyme TRICOTAGE DES VOSGES est nouveau et présente un caractère propre,
DIT qu'en important, représentant, commercialisant des articles reproduisant les collants « Velouté rayures dégradées » de la société anonyme TRICOTAGE DES VOSGES, la société anonyme EPHIGEA anciennement dénommée société PHILDAR s'est livrée au préjudice de la société anonyme TRICOTAGE DES VOSGES à des actes de contrefaçon de droit d'auteur, ainsi qu'à des actes de contrefaçon de modèle, courant 2007-2008,
DIT que la société anonyme EPHIGEA anciennement dénommée société PHILDAR s'est livrée au préjudice de la société anonyme TRICOTAGE DES VOSGES à des actes de concurrence déloyale et parasitaire courant 2007-2088,
INTERDIT à la société anonyme EPHIGEA anciennement dénommée société anonyme PHILDAR d'importer, de représenter et commercialiser des modèles de collants contrefaisant le modèle BLEU FORT « Velouté rayures dégradées » appartenant à la société anonyme TRICOTAGE DES VOSGES sous astreinte de cent euros (100 €) par infraction constatée, passé quarante-huit heures de la signification de cet arrêt,
ORDONNE la confiscation sous contrôle d'huissier et aux frais de la société EPHIGEA anciennement dénommée société anonyme PHILDA en vue de leur destruction des exemplaires du modèle contrefaisant qui se trouveraient entre les mains de la société anonyme EPHIGEA anciennement dénommée société anonyme PHILDAR tant à son siège social que dans ses points de vente ou franchises,
CONDAMNE la société anonyme EPHIGEA anciennement dénommée société anonyme PHILDAR à verser à la société anonyme TRICOTAGE DES VOSGES :
- soixante-dix-sept mille vingt-six euros dix centimes (77 026,10 €) à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de ses droits d'auteur sur ses collants « Velouté rayures dégradées »,
- soixante-dix-sept mille vingt-six euros dix centimes (77 026,10 €) à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de son modèle de collant « Velouté rayures dégradées »,
- vingt mille euros (20 000 €) en indemnisation de son préjudice moral,
- soixante-dix mille euros (70 000 €) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des agissements de concurrence déloyale et parasitaire,
ORDONNE à titre de complément de dommages et intérêts la publication du dispositif de cet arrêt dans trois revues, magazines ou quotidiens au choix de la société anonyme TRICOTAGE DES VOSGES et aux frais de la société anonyme EPHIGEA anciennement dénommée société anonyme PHILDAR, sans que le coût de chacune des publications ne soit inférieur à huit mille euros hors taxes (8 000 €),
ORDONNE à titre de complément de dommages et intérêts la publication de cet arrêt sur la page d'accueil du site Internet de la société anonyme EPHIGEA anciennement dénommée PHILDAR, www.phildar.fr, durant un mois à compter de la signification de cette décision,
CONDAMNE la société anonyme EPHIGEA anciennement dénommée société anonyme PHILDAR aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de saisie-contrefaçon et les frais d'achat des modèles incriminés,
CONDAMNE la société anonyme EPHIGEA anciennement dénommée société anonyme PHILDAR à payer à la société anonyme TRICOTAGE DES VOSGES une indemnité de treize mille euros (13 000 €) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.