Cass. com., 26 octobre 1993, n° 91-21.707
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Gomez
Avocat général :
M. de Gouttes.
Avocats :
Me Barbey, Me Thomas-Raquin
Attendu, selon l'arrêt déféré que la société Gesellschaft für Medizinische Technik (société GMT), titulaire de la demande de brevet déposée le 5 octobre 1978, enregistrée sous le numéro 78-28.476, ayant pour objet une endoprothèse d'articulation du genou, avec le bénéfice d'une priorité d'une demande allemande du 5 octobre 1977, a assigné, pour contrefaçon, la Société de fabrication, d'études et de réalisation d'implants (société SFERI), fabricant, et la société Instruments chirurgicaux et Prothèses (société ICP) distributeur, qui ont, reconventionnellement, demandé que soit prononcée la nullité du brevet ;
Sur le premier moyen pris en ses deux branches :
Attendu que les sociétés SFERI et ICP font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande en nullité du brevet litigieux alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en vertu de l'article 49 de la loi du 2 janvier 1968, avant sa modification par la loi du 13 juillet 1978 non applicable en la cause, la nullité du brevet est prononcée... si la description n'expose pas l'invention de manière suffisante pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter, de sorte que le juge ne peut retenir le caractère suffisant ou insuffisant de la description que par référence à une possibilité ou une impossibilité d'exécution par l'homme du métier du secteur industriel considéré ; qu'en l'espèce, ainsi que le précisaient leurs conclusions, dès lors qu'il y avait matière à insuffisance de description par l'emploi des termes guidage à la façon d'un cardan, palier de cardan, l'arrêt ne pouvait résoudre la difficulté par le seul biais d'une interprétation des revendications à l'aide de la description et des dessins et se devait de faire appel à l'homme du métier ; que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale par violation du texte susvisé ; alors, d'autre part, qu'il se déduit aussi des articles 6 et 7 de la loi du 2 janvier 1968 non modifiée que l'invention, telle que décrite dans ses revendications, doit avoir un caractère industriel en produisant un résultat industriel, ce qui implique un contenu technique cohérent et qu'il ressortait d'une note d'un homme du métier, spécialiste en mécanique générale, régulièrement versée aux débats et visée aux conclusions, que les revendications n° 1, 2 et 3 n'avaient pas de contenu technique compréhensible, notamment en ce qui concerne le guidage à la façon d'un cadran et le palier à cadran ; que, dans ces conditions l'arrêt ne pouvait de plus fort, résoudre ces questions techniques qui commandaient tant la caractère industriel de l'invention que la suffisance de la description sans aucune référence à l'homme du métier ; qu'il est donc entaché d'un défaut de base légale au regard des textes susvisés, comme de l'article 49 précité ;
Mais attendu que l'arrêt constate que la revendication 1 concernait une endoprothèse d'une articulation du genou comprenant un composant fémoral et un composant tibial entre lesquels est placé un palier comprenant une moitié tibiale et une moitié fémorale pouvant être guidées l'une par rapport à l'autre par un cardan disposant d'un degré de liberté dans la direction verticale et d'un degré de liberté dans la direction horizontale ; qu'il retient que la revendication litigieuse pouvait être interprétée à la lumière de la description et du dessin accompagnant l'invention, qu'un cardan constituait un mécanisme fait de deux pivots solidaires et permettant les mouvements dans tous les sens et que les termes " degrés de liberté dans la direction verticale et horizontale " signifiaient que la prothèse résultant de l'invention permettait le mouvement dans deux plans tandis que les prothèses utilisées antérieurement ne pouvaient se mouvoir que dans un seul plan ; que de ces constatations et de ces appréciations souveraines, la cour d'appel a déduit que l'invention litigieuse était suffisamment décrite et avait un caractère industriel ce dont il résultait que l'homme du métier pouvait l'exécuter ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le deuxième moyen pris en ses trois branches : (sans intérêt) ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu les articles 1 et 3 de la loi du 2 janvier 1968 ;
Attendu que pour accueillir la demande de contrefaçon du brevet de la société GMT par les sociétés SFERI et ICP la cour d'appel retient que le brevet Cuilleron, dont ces dernières soutenaient que leur produit argué de contrefaçon n'était que la mise en oeuvre, a été publié postérieurement au brevet litigieux ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir retenu que les produits incriminés reproduisaient le brevet litigieux sans rechercher si le brevet Cuilleron avait un contenu différent ou identique au brevet litigieux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que les sociétés SFERI et ICP avaient contrefait le brevet GMT, l'arrêt rendu le 5 novembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar.