CA Paris, 28 octobre 2005
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
Se prévalant d'un brevet européen publié sous le n° 0148662, délivré le 18 mai 1988, souspriorité française du 1(er) décembre 1983, relatif à " un procédé et dispositif de remplissage de boîtes aérosol à deux compartiments ", M. C a fait pratiquer des saisies[1]contrefaçon le 18 janvier 1996, dans les locaux de la société SOMOLAC à LACAUNE et dans les locaux parisiens de la société OCP puis a fait assigner en contrefaçon, par acte d'huissier du 31 janvier 1996, les sociétés SOMOLAC, OCP et UNIMAT pour obtenir des mesures d'interdiction, de confiscation et de publication, ainsi que paiement d'une somme provisionnelle à titre de dommages et intérêts à compléter après expertise.
Ces sociétés s'étaient opposées aux demandes soutenant notamment que le procès-verbal de saisie-contrefaçon ainsi que le brevet devaient être annulés.
SOMOLAC avait appelé en intervention forcée le fabricant du dispositif argué de contrefaçon, la société AEROFILL, et avait demandé à être garantie par cette dernière.
Les sociétés OCP et UNIMAT avaient également à titre subsidiaire demandé à être garanties par la société SOMOLAC.
Par le jugement entrepris, le tribunal a :
- reçu l'intervention volontaire de la société OCP SA, (immatriculée au registre du commerce de Bobigny, cette société ayant absorbé la société OCP inscrite à Paris, assignée),
- débouté les défenderesses de leur demande tendant à la nullité de la partie française du brevet d'invention européen, déposé le 26 novembre 1984 sous le n° 84402411.7, publié sous le n° 0148662 et délivré le 18 mai 1988, dont M. C est titulaire,
- dit valables les saisies-contrefaçon du 18 janvier 1996,
- débouté M. C de toutes ses demandes fondées sur la contrefaçon du brevet n° 01486662 dont il est titulaire,
- condamné M. C à payer à la société MONT ROUCOUS (SOMOLAC) une somme de 20 000 francs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux sociétés OCP et UNIMAT une somme de 10 000 francs à chacune, au même titre,
- condamné la société MONT ROUCOUS à payer à la société AEROFILL Limited une somme de 10 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- rejeté toutes les autres demandes des parties,
- condamné M. C aux entiers dépens.
Par ses dernières écritures du 11 décembre 2003, M. C prie la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a estimé que le brevet dont est titulaire M. C et la saisie-contrefaçon du 18 janvier 1996 sont valables mais de l'infirmer en ce qu'il a estimé que M. C ne rapportait pas la preuve de la contrefaçon invoquée et de :
- dire qu'en faisant réaliser un matériel de conditionnement sous vide de boîtiers aérosols reproduisant les revendications du brevet européen appartenant à M. C, la société des EAUX de MONT ROUCOUS a contrefait le brevet,
- dire qu'en fabriquant et en vendant des objets tels que ceux décrits aux procès-verbaux de saisie du 18 janvier 1996 la société DES EAUX DE MONT ROUCOUS a reproduit les revendications du brevet lui appartenant et a, dans ces conditions commis des actes de contrefaçon de brevet dans les termes de l'article L. 615-1 du Code de la propriété intellectuelle,
- subsidiairement, constater l'identité des produits fabriqués et offerts à la vente par la société DES EAUX DE MONT ROUCOUS avec ceux obtenus par le procédé breveté, ainsi que leur caractère de nouveauté,
- constater que la société " OFFICE COMMERCIAL DE FRANCE " a offert à la vente des produits contrefaits,
- dire qu'ayant parfaitement connaissance de ce que les produits qu'elle commercialisait étaient obtenus par le procédé breveté, elle a agi en toute connaissance de cause,
- dire qu'en offrant à la vente des produits tels que ceux qui ont fait l'objet d'un procès[1]verbal de saisie en date du 18 janvier 1996, la société OCP a commis des actes de contrefaçon du brevet appartenant à M. C,
- constater que la société UNIMAT, ayant introduit en France l'installation contrefaite, et ayant perçu des loyers en exécution du contrat de crédit bail, a commis des actes de contrefaçon au sens des articles L. 613-3 et L. 615-1 du CPI,
- à titre subsidiaire, constater que la société UNIMAT a agi en toute connaissance de cause, et a donc commis des actes de contrefaçon du brevet appartenant à M. C au sens des articles L. 613-3 et L. 615-1 troisième alinéa du CPI,
- à titre infiniment subsidiaire, constater que la société UNIMAT a agi en toute connaissance de cause, à compter du 31 janvier 1996, date de l'assignation, et a donc commis en percevant des loyers et en cédant à la société SOMOLAC le matériel contrefait, des actes de contrefaçon par application des articles L. 613-3 et L.615-1 du CPI, en conséquence,
- condamner solidairement les sociétés SOMOLAC, OCP, UNIMAT à verser à M. C une indemnité provisionnelle de 46 000 euros,
- dire qu'il y aura lieu d'évaluer le préjudice subi par M. C, prenant notamment en. considération comme éléments de préjudice :
- le chiffre d'affaires réalisé sur la vente des microniseurs de 1991 à ce jour, en France et à l'exportation, ainsi que les commissions perçues pour la même période par la société OCP,
- le chiffre d'affaires réalisé sur la vente de l'eau embouteillée ainsi que sur la réalisation de ses actifs au groupe DANONE,
- la détermination des royalties non perçues sur la vente de la ou des machines contrefaites,
- l'impossibilité dans laquelle s'est trouvé M. C du fait du procès de contracter avec d'autres exploitants ou de concéder des licences d'exploitation de son brevet à tout industriel intéressé,
- leur interdire la poursuite des actes de contrefaçon, sous astreinte de 350 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,
- ordonner la confiscation de tout objet comportant les caractéristiques brevetées pour être remis à M. C aux fins de destruction en présence d'un huissier et en particulier le poste n° 9 qui a été démonté par la société SOMOLAC et ce sous astreinte de 350 euros à compter de l'arrêt à intervenir,
- ordonner la publication de l'arrêt dans les journaux et revues au choix de M. C et aux frais des sociétés SOMOLAC, OCP et UNIMAT, et ce, au besoin, à titre de dommages et intérêts complémentaires, en toute hypothèse,
- condamner solidairement les sociétés SOMOLAC, OCP et UNIMAT à verser à M. C la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître M, avoué, qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Par écritures du 17 mars 2004, la société SOMOLAC demande à la cour de :
- confirmer au principal la décision entreprise,
- l'émendant partiellement :
- constater la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon,
- constater l'absence de nouveauté et d'activité inventive ainsi que l'absence d'application industrielle du brevet européen n° 0148662 de M. C,
- subsidiairement, constater l'absence de tous actes de contrefaçon,
- à titre subsidiaire et en tout état de cause,
- dire que la société AEROFILL Limited doit sa garantie,
- la condamner en conséquence à relever et garantir la société SOMOLAC de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre,
- condamner la société UNIMAT, en sa qualité de propriétaire, à la relever et garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre,
- prononcer la résiliation de la vente intervenue au bénéfice de la société AEROFILL et condamner cette dernière au paiement de la somme de 219 688 euros avec intérêts de droit à compter du 16 janvier 1996,
- s'entendre condamner au paiement de la somme de 76 225 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner en tout état de cause les parties succombantes au paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner les parties succombantes aux entiers dépens dont distraction pour les dépens d'appel à la SCP ROBLIN CHAIX DE LAVARENE, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Par ses écritures du 30 décembre 2003, la société UNIMAT prie la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il à débouté M. C de toutes ses demandes, à titre subsidiaire, vu l'article L. 615-1 du CPI, la facture d'achat du matériel établie par la société SOMOLAC le 29 octobre 1991, la facture de cession du 29 octobre 1996,
- constater que la société UNIMAT n'a fait que racheter le matériel à la société SOMOLAC pour lui concéder un contrat de crédit-bail,
- constater que la société UNIMAT ne peut avoir aucune responsabilité dans la contrefaçon alléguée,
- constater que la société UNIMAT n'est plus propriétaire du matériel litigieux depuis le 29 octobre 1996, en conséquence,
- prononcer la mise hors de cause de la société UNIMAT, plus subsidiairement,
- dire que la société SOMOLAC devra garantir la société UNIMAT de toutes éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de M. C,
- débouter la société SOMOLAC de sa demande subsidiaire tendant à la condamnation de la société UNIMAT à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, en tout état de cause,
- dire la société UNIMAT recevable et bien fondée en son appel incident, y faisant droit,
- condamner solidairement M. C et la société SOMOLAC à lui payer la somme de 15 245 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner M. C et la société SOMOLAC au paiement d'une somme de 3049 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner M. C et la société SOMOLAC en tous les frais et dépens tant de première instance que d'appel.
La société OCP par ses conclusions du 23 avril 2001 demande à la cour de :
A titre principal,
- lui donner acte de ce qu'elle fait siens les moyens développés par la société SOMOLAC concernant l'absence de contrefaçon ainsi que les motifs du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 16 juin 2000 concernant l'absence de contrefaçon,
- dire et juger que les actes de contrefaçon ne sont pas prouvés à l'encontre de la société SOMOLAC et par suite ne sont pas prouvés à l'encontre de la société OCP, en conséquence,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
- débouter M. C de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société OCP,
Y ajoutant,
- condamner M. C à lui payer la somme de 20 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en sus de la somme déjà allouée à ce titre par le tribunal, outre les dépens qui seront recouvrés par la SCP NARRAT PEYTAVI dans les termes de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
- dire que la société OCP n'avait pas connaissance du fait que la société SOMOLAC contrefaisait le brevet de M. C,
- constater la bonne foi de la société OCP et le fait qu'elle n'a pas agi en connaissance de cause,
en conséquence,
- débouter M. C de l'intégralité de ses demandes à l'égard de la société OCP,
- condamner M. C à payer à la société OCP la somme de 20 000 francs au titre de l'article 700 du NCPC en sus de la somme déjà allouée à ce titre par le tribunal, outre les dépens qui seront recouvrés par la SCP NARRAT PEYTAVI dans les termes de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,
A titre infiniment subsidiaire,
- condamner la société SOMOLAC à relever et garantir la société OCP de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
- condamner la société SOMOLAC à payer à la société OCP la somme de 25 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, outré les dépens qui seront recouvrés par la SCP NARRAT PEYTAVI dans les termes de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
Par écritures du 16 janvier 2003, la société AEROFILL demande à la cour de :
A titre principal,
- statuer ce que de droit sur la validité du brevet européen déposé par M. C,
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré que les procès-verbaux de saisie contrefaçon dressés le 18 janvier 1996 n'établissent pas le caractère prétendument contrefaisant de l'appareil et de l'installation réalisés par la société AEROFILL conformément aux spécifications de la commande passée par la société SOMOLAC,
Subsidiairement,
- dire la société SOMOLAC tant irrecevable que mal fondée en son appel en garantie compte tenu :
- de son rôle actif dans la conception du matériel et de l'installation taxés de contrefaçon, la société AEROFILL ayant eu pour l'essentiel un rôle de simple exécutant, s'étant conformée aux directives et spécifications imposées par sa cliente,
- et de la clause 11 figurant dans les conditions générales de vente de la société AEROFILL, excluant toute garantie de sa part pour contrefaçon ou contrefaçon alléguée en cas de réalisation d'une commande, conformément aux spécifications du client, et prévoyant bien au contraire dans cette hypothèse la garantie du client à son profit,
- dire pour les mêmes motifs tant irrecevable que mal fondée la demande de la société SOMOLAC tendant à voir condamner la société AEROFILL à lui verser la somme de 76 224,51 euros à titre de dommages et intérêts, demande au demeurant dépourvue de fondement et manifestement fantaisiste en son quantum,
- dire également la société SOMOLAC mal fondée, en tout état de cause, à réclamer la résolution de la vente de matériel intervenue dans l'hypothèse où une contrefaçon serait constatée et la condamnation de la société AEROFILL à lui payer la somme de 219 688,14 euros correspondant aux sommes qu'elle aurait déboursées pour devenir propriétaire dudit matériel, ces demandes étant irrecevables sur la base de l'article 1382 du Code civil, comme sur celle de l'article 1184 du même code, invoqués par ladite société,
A titre superfétatoire,
- dire en tout état de cause la société SOMOLAC mal fondée à réclamer le paiement de la somme de 219 688,14 euros qu'elle aurait payée pour acquérir le matériel litigieux alors :
- d'une part, que ce matériel n'a été vendu par la société AEROFILL qu'au prix hors taxes de 129 282,52 euros,
- que la société SOMOLAC a, en 1996, postérieurement à l'assignation de M. C, le crédit[1]bail étant arrivé à son terme, choisi d'acquérir ledit matériel pour un prix total de plus de 9451,84 euros,
- et compte tenu enfin et surtout que ladite société a utilisé à son profit le matériel et l'installation litigieux d'octobre 1991 à ce jour, soit pendant plus de huit ans,
- dire pour les motifs précités la société SOMOLAC tant irrecevable que mal fondée en toutes ses fins, demandes et prétentions à l'encontre de la société AEROFILL et l'en débouter,
Sur les demandes de la société AEROFILL, condamner la société SOMOLAC à lui payer la somme de 30 489,80 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 7 622,45 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en appel,
- condamner en outre la société SOMOLAC en tous les dépens tant de première instance que d'appel dont distraction au profit de Maître H, en application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
I - Sur la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon
Considérant qu'au soutien de cette demande en nullité, la société SOMOLAC reprend pour partie l'argumentation de première instance, exposant en appel que :
- l'huissier désigné n'a pas respecté les termes de sa mission, saisissant quatre exemplaires d'aérosols au lieu des deux autorisés, ainsi que des cartons d'emballage dont la saisie n'avait pas été prévue,
- l'huissier a également procédé à une enquête débordant largement le cadre ; de la contrefaçon alléguée, en enregistrant les déclarations du conseil en brevet ainsi que celles du technicien présent, M. B, sur une série de questions techniques précises qui étaient posées, et en procédant à des constatations étrangères à sa mission en ce qui concerne les documents comptables puisque la totalité des comptes de résultat de l'entreprise ainsi que le listing informatique des statistiques ont été saisis alors, qu'il n'aurait dû saisir que les documents qui présentaient un lien avec la contrefaçon ;
Mais considérant que la mission conférée à l'huissier suivant l'ordonnance du 28 novembre 1995 l'autorisait à " se faire assister pour l'aider dans sa description par tout homme de l'art ou expert autres que les subordonnés du requérant dont il enregistrera les explications sur les points qui échappent à sa compétence en distinguant nettement, dans les énonciations de son procès-verbal, celles résultant de ses constatations personnelles et celles qui lui sont dictées par l'homme de l'art ou l'expert qui l'assistent " et " à faire toutes recherches et constatations utiles à fin de découvrir l'étendue et la provenance de la contrefaçon, consigner les déclarations des répondants et toutes paroles énoncées au cours des opérations, mais en s'abstenant de toutes interpellations autres que celles nécessaires à l'accomplissement de sa mission " ;
Qu'au regard de cette mission, il ne peut être fait aucun reproche à l'huissier qui a énoncé dans son procès-verbal ses constatations personnelles et les déclarations effectuées par les parties présentes, aucun élément ne permettant de dire qu'il aurait procédé à des interpellations allant au-delà de son rôle de constatant ;
Considérant qu'il ne peut davantage lui être reproché d'avoir procédé à la saisie de quatre exemplaires de produits obtenus suivant le procédé du brevet et non pas deux, comme indiqué dans la mission, dès lors que cette saisie portait sur deux exemplaires différents de produits qui auraient été obtenus suivant le procédé, protégé par le brevet invoqué ;
Considérant enfin que l'huissier n'a pas outrepassé sa mission en saisissant des cartons d'emballage (l'ordonnance précisant que tous " prospectus, brochures, catalogues, notices, tarifs " relatifs à la contrefaçon pouvaient être saisis), ainsi que des documents comptables, même si ces derniers incluaient également des renseignements sur des ventes extérieures au litige, l'huissier ne pouvant faire de distinction à partir de comptes de résultat et de listings ;
Considérant en conséquence que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en nullité de saisie-contrefaçon ;
II - Sur la demande en nullité du brevet
Considérant que la société SOMOLAC conclut à la nullité du brevet européen (en sa partie française) en toutes ses revendications, pour défaut d'application industrielle et pour défaut d'activité inventive ; qu'elle ne fait pas une analyse de chacune des revendications, son argumentation étant essentiellement dirigée à l'encontre des revendications 1 et 13 ;
Considérant que ces deux revendications sont ci-dessous rappelées : revendication 1 : " procédé de remplissage d'un récipient aérosol à valve comportant deux compartiments (3, 5) dont le premier est relié à la valve, séparés par une cloison flexible ou mobile (2), et selon lequel on introduit la substance à conditionner dans le premier compartiment (3), on ferme ce compartiment, puis on introduit ou on produit un fluide propulseur dans le second compartiment (5), caractérisé en ce qu'on élimine la plus grande partie de l'air dans le premier compartiment (3) avant l'introduction de la substance à conditionner en commandant simultanément le mouvement de ladite cloison pour que le volume dudit premier compartiment reste au moins égal au volume final de substance qu'on désire y introduire, en ce qu'on introduit la substance à conditionner dans le premier compartiment (3) à l'aide d'un dispositif doseur (11) et en ce qu'on obture ledit premier compartiment sans le mettre en contact avec l'atmosphère " ; revendication 13 : " dispositif de remplissage d'un récipient aérosol (1) à deux compartiments (3, 5) séparés par une cloison flexible ou mobile (2), comprenant des moyens pour maintenir ledit récipient (1) dans un poste de remplissage avec l'ouverture d'un premier compartiment (3) dudit récipient (1) tournée vers le haut, des moyens pour déverser une quantité dosée de la substance à conditionner dans ledit premier compartiment, des moyens pour fixer une valve de décharge de ladite substance sur ladite ouverture du premier, compartiment, et des moyens pour introduire ou produire un fluide propulseur dans un second compartiment (5) dudit récipient, ledit dispositif étant caractérisé en ce qu'il comprend en outre, des moyens (13) pour enlever la plus grande partie de l'air contenu dans le premier compartiment avant l'introduction de ladite substance, des moyens pour protéger ladite substance de tout contact avec l'air pendant ladite introduction et pendant la fixation de la valve et des moyens pour commander le mouvement de ladite cloison afin de donner à tout instant au premier compartiment un volume au moins égal au volume final de la substance qu'on désire y introduire ; "
Considérant qu'il est essentiellement soutenu par la société SOMOLAC qu'intéressée par le brevet, elle a de 1988 à 1990 tenté de mettre au point le procédé et le dispositif conformes au brevet en travaillant avec la société SANSAIR et M. C sans y parvenir ; qu'en effet, la mise en place de ce procédé a donné lieu à de nombreuses difficultés qui n'ont pas été surmontées, ce qui démontre que l'application industrielle n'était pas possible ; que, contrairement à ce qu'ont dit les premiers juges, il ne s'agit pas d'un résultat imparfait mais d'une impossibilité concrète de mise en oeuvre entraînant la nullité du brevet ;
Mais considérant que le tribunal a, par des motifs pertinents que la cour fait siens, retenu qu'en l'espèce, les difficultés de mise au point invoquées ne révélaient qu'un résultat imparfait, ce qui ne suffisait pas à caractériser le défaut d'application industrielle au sens de l'article 57 de la Convention de Munich (s'agissant d'un brevet européen) ; qu'en effet, il suffit que le procédé ou le dispositif, objets de l'invention puissent être fabriqué ou utilisé dans tout genre d'industrie, ce qui est le cas du brevet en cause dont l'objet s'applique à un procédé de fabrication d'aérosol de manière à remplir celui-ci entièrement de liquide, l'air ayant été en totalité expulsé et d'empêcher tout contact entre le liquide et l'air, et à un dispositif permettant la mise en oeuvre du procédé ; que le jugement sera de ce chef confirmé ;
Considérant que pour démontrer le défaut d'activité inventive, la société SOMOLAC soutient que :
- l'utilisation du vide dans le conditionnement d'un récipient aérosol est déjà mentionnée dans le brevet anglais GB 1 111 534 déposé au nom de M. A,
- le brevet américain BURGER n° 4 140 522 du 24 avril 1979 divulgue une méthode de pressurisation d'un système de diffusion par aérosol bicompartimental,
- la combinaison de ces deux antériorités ne pouvait que conduire avec évidence l'homme de l'art à envisager l'élimination de l'air dans le premier compartiment en commandant simultanément le mouvement de la cloison pour que le volume du premier compartiment reste au moins égal au volume final de substance qu'on désire y introduire ;
Mais considérant que la société SOMOLAC n'apporte aucun élément nouveau de nature à modifier l'exacte analyse faite par les premiers juges qui ont souligné ajuste titre que même en combinant les deux brevets invoqués, l'homme du métier ne trouvait dans ces documents aucun moyen enseignant ou suggérant la commande du mouvement de la cloison pour que le volume du premier compartiment reste à tout instant au moins égal au volume final de la substance qu'on désire y introduire, qu'il ne trouvait aucune indication pour l'élimination de l'air dans le premier compartiment avant l'introduction de la substance à conditionner en commandant simultanément le mouvement de la cloison pour que le volume du premier compartiment reste au moins égal au volume final de substance que l'on veut introduire, en faisant simultanément le vide dans le premier et le second compartiment ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la nullité des revendications 1 et 13 et celle de l'ensemble des revendications qui sont dans la dépendance de ces revendications principales ;
III - Sur la contrefaçon
Considérant qu'il sera observé, comme l'avaient déjà relevé les premiers juges, que si M. C affirme que l'ensemble des revendications du brevet ont été contrefaites, il analyse en réalité les revendications 1, 2, 4 et 5 relatives au procédé et la revendication 13 du dispositif ;
Considérant que le tribunal a estimé que la contrefaçon de la revendication 13 n'était pas établie en retenant essentiellement que l'huissier constatant n'a effectué qu'une description statique du dispositif, non accompagnée de la description de son fonctionnement et qu'aucun élément ne permet d'affirmer que ce dispositif comprend des moyens pour commander le mouvement de la cloison afin de donner à tout instant au premier compartiment un volume au moins égal au volume final de la substance qu'on désire y et que la contrefaçon du procédé n'était pas davantage prouvée dès lors que :
- le demandeur ne justifiait pas ses affirmations selon lesquelles le fait que le premier compartiment accueillant l'eau soit totalement rempli signifie nécessairement que son procédé de mise sous vide des deux compartiments, a été utilisé, et ainsi il n'était pas établi que le premier moyen caractérisant la revendication 1 soit reproduit,
- le fait que les publicités de la société MONT ROUCOUS mentionnent que " l'eau est conditionnée à l'abri de l'air et de la lumière dans un boîtier à double compartiment " ou que le boîtier est bicompartimental, donc l'azote, gaz propulseur inerte, n'est jamais en contact avec l'eau ", ne saurait suffire à démontrer que l'air est retiré du premier compartiment qui est rempli et obturé sans mise en contact avec l'atmosphère,
- M. C ne s'explique pas sur les déclarations effectuées par le père du gérant de la défenderesse lors des opérations de saisie et précisant : " le procédé de remplissage consiste en un soufflage de l'air dans la cavité prévue pour contenir l'eau de source, on appose la valve que l'on sertit, on remplit d'eau et ensuite on pressurise par dessous. On ne fait pas de vide d'air car ce procédé oblige à faire un vide simultané " ;
Considérant que M. C critique cette décision, reprochant essentiellement aux premiers juges d'avoir écrit qu'aucun élément ne permettait d'affirmer que le dispositif comprenait des moyens pour protéger l'eau de tout contact avec l'air pendant son introduction dans le premier compartiment et pendant la fixation de la valve, alors qu'il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon que l'eau n'est introduite dans le premier compartiment de l'aérosol qu'après la fixation et le sertissage de la valve et non avant comme l'a dit le tribunal, ce qui est conforté par la disparition de la pièce n° 9 constatée le 15 septembre 2003, lors de la levée des scellés, qui permettait ce mode de fonctionnement et par les observations de M. F qui assistait M. C lors de ce constat ;
Considérant que la société SOMOLAC qui reprend la motivation des premiers juges expose que :
- le procès-verbal de saisie-contrefaçon :
- ne dit rien sur l'utilisation, les tenants et aboutissants du robinet d'entrée vide en partie basse de la machine,
- ne précise pas où et comment sont reliées les sources de vide dont la présence était constatée, aucun élément ne précisant en outre quelles canalisations sont reliées à la pompe à vide ni leur usage dans le dispositif,
- ne donne aucune indication sur le mode de remplissage des récipients aérosols par la machine,
- le tribunal en déduisait exactement que rien ne permettait d'affirmer que le dispositif comprend des moyens pour protéger l'eau de tout contact avec l'air pendant son introduction dans le premier compartiment et pendant la fixation de la valve et des moyens pour commander le mouvement de la cloison afin de donner à tout instant au premier compartiment un volume au moins égal au volume final de la substance qu'on désire y introduire ;
Qu'elle ajoute que rien n'est dit sur la présence de deux voies de vide permettant d'extirper simultanément l'air des deux compartiments du récipient dans la mesure où aucun dispositif d'aspiration ou d'application sur le deuxième compartiment n'a été aperçu, pas plus d'ailleurs que sur les dispositifs d'étanchéité revendiqués au titre de l'activité inventive et que, certes, s'il existe une pompe à vide les conditions de fonctionnement de la pompe à vide n'ont pas été précisées ;
Qu'elle souligne enfin que les nouveaux documents sur lesquels s'appuie M. C en appel (le procès-verbal du 15 septembre 2003, le " rapport " de M. F, et le plan établi par la société AEROFILL) ne modifient pas le bien fondé de son argumentation ;
Considérant cela étant exposé qu'il sera rappelé que la revendication 13 s'applique à un dispositif de remplissage d'un récipient aérosol à deux compartiments séparés par une cloison flexible ou mobile, comprenant des moyens pour maintenir ledit récipient dans un poste de remplissage avec l'ouverture d'un premier compartiment de ce récipient tournée vers le haut, des moyens pour déverser une quantité dosée de la substance à conditionner dans ce premier compartiment, des moyens pour fixer une valve de décharge de la substance sur l'ouverture du premier compartiment et des moyens pour introduire ou produire un fluide propulseur dans un second compartiment de ce récipient caractérisé par :
- des moyens pour enlever la plus grande partie de l'air contenu dans le premier compartiment avant l'introduction de ladite substance,
- des moyens pour protéger ladite substance de tout contact avec l'air pendant ladite introduction et pendant la fixation de la valve,
- des moyens pour commander le mouvement de ladite cloison afin de donner à tout instant au premier compartiment un volume au moins égal au volume final de la substance qu'on désire y introduire ;
Considérant que si, comme l'ont relevé les premiers juges, le mode de fonctionnement du dispositif de la machine arguée de contrefaçon n'a pas fait l'objet d'une description complète, le procès-verbal de saisie-contrefaçon relève toutefois que la machine d'embouteillage de SOMOLAC comporte divers postes successifs avec des fonctions différentes ayant pour finalité de véhiculer un aérosol bicomportemental vide et sans valvequi, à la suite d'interventions poste par poste deviendra un aérosol rempli conditionné et prêt à la vente, que le processus de fonctionnement est ainsi décrit : l'aérosol arrive en dessous du poste n° 6 afin de mettre la valve sur le récipient vide, l'aérosol passe automatiquement du poste n° 6 au poste n° 7 dont l'objet est de vérifier que la valve a été bien positionnée, au poste suivant non numéroté, la valve est sertie sur l'aérosol, au poste n° 9 a lieu le remplissage ; que s'agissant de ce poste n° 9, il est indiqué " qu'il est relié pour sa partie haute à une source d'eau et à une source de vide qui se trouve être au niveau de la valve du récipient et la partie basse de l'aérosol est quant à elle reliée à une source vide qui se trouve être au niveau du propulseur dans sa partie basse, un joint souple étant posé " ; qu'il est encore précisé que les tuyauteries sont reliées à une pompe à vide ;
Considérant que de cette description et des photographies qui l'accompagnent, il apparaît que les moyens de remplissage sont identiques à ceux du brevet ; qu'ils comportent en effet deux voies de vide reliées à une pompe à vide, ainsi que des moyens assurant le remplissage du premier compartiment en liquide après fixation de la valve, c'est à dire qu'à l'arrivée au poste n° 9 le récipient contenait alors de l'air ;
Considérant que ces moyens ont une fonction identique à celle du brevet en ce que, comme le dit exactement M. C, des moyens ont pour fonction d'enlever la plus grande partie de l'air contenu dans le premier compartiment avant l'introduction du liquide, ce liquide étant protégé de tout contact avec l'air pendant son introduction, après fixation de la valve et des moyens ont pour fonction de commander le mouvement de la cloison interne séparant le liquide du gaz afin de donner à tout instant au premier compartiment un volume au moins égal au volume final de la substance à introduire ; qu'il expose, en effet, exactement que c'est la mise sous vide simultanée (en raison des liens avec les " sources vides ") alliée au dispositif d'étanchéité qui permet d'éliminer tout contact entre la substance à conditionner et les agents réactifs de l'air, et d'éliminer l'air du compartiment pour le remplir du liquide ;
Considérant que d'ailleurs, les encarts publicitaires qui accompagnaient la commercialisation des produits aérosols obtenus par ce dispositif, diffusés par la société SOMOLAC insistent sur les qualités de l'eau conditionnée dans les aérosols en ce qu'elle l'est à l'abri de l'air et de la lumière dans un boîtier à double compartiment et que leboîtier, étant bicompartimenté, l'azote n'est jamais en contact avec l'eau ; qu'il n'est pas
précisé par la société SOMOLAC en quoi les moyens identiques à ceux du brevet, ci-dessus relevés, auraient une fonction autre que celle des moyens du brevet, susceptible de faire échapper le dispositif à la contrefaçon ;
Considérant qu'en outre, lors du constat de levée de scellé effectué le 16 septembre 2003, il a été relevé que le poste n° 9 (poste de remplissage avec mouvement simultané permettant le vide dans les deux compartiments) n'existait plus ; que de ce fait, les slogans publicitaires relatifs à la pureté de l'eau conditionnée à l'abri de l'air et de la lumière, et sans contact avec le gaz propulseur précédemment utilisé ont été supprimés ; que ces éléments confortent l'argumentation de M. C selon laquelle la suppression de la pièce n° 9, reliée à la pompe permettant de faire le vide de manière simultanée par le bas pour le second compartiment et par le haut pour le premier compartiment utilisé pour le remplissage de l'eau, aboutit à un dispositif tout à fait distinct de celui protégé par son brevet puisqu'alors, il n'est pas possible au liquide conditionné d'éviter un contact avec l'air ;
Considérant enfin que les déclarations du père du gérant lors de la saisie suivant lesquelles " on ne fait pas de vide d'air car ce procédé oblige à faire un vide simultané " ne peuvent être utilisées comme preuve d'un défaut de contrefaçon, alors qu'il est évident au vu de la description, des photographies et du constat du 16 septembre 2003 que la pièce n° 9 était reliée à une pompe permettant de faire un double vide ;
Considérant, en conséquence, que la contrefaçon de la revendication 13 est établie ;
Considérant que pour les autres caractéristiques des revendications 14 à 18, M. C ne procède pas à une analyse de chacune d'elles pour démontrer que les moyens revendiqués qui sont dans la dépendance de la revendication 13 sont reproduites ; que la cour ne peut en conséquence que rejeter les demandes ;
Que le jugement sera de ces chefs confirmé mais réformé en ce qui concerne la demande en contrefaçon de la revendication 13 ;
Considérant sur la contrefaçon du procédé tel qu'exposé à la revendication 1, il sera relevé que les produits saisis ont été obtenus par le dispositif ci-dessus décrit ; que ce dispositif met en oeuvre, comme cela a été ci-dessus mentionné en explicitant la fonction des moyens, le procédé suivant : élimination de la plus grande partie de l'air dans le premier compartiment avant l'introduction de la substance à conditionner en commandant simultanément le mouvement de la cloison séparant les deux compartiments pour que le volume du premier compartiment reste au moins égal au volume final de substance qu'on désire y introduire ; qu'il sera ajouté que les autres caractéristiques de la revendication 1 sont également reproduites en ce qu'on introduit la substance à conditionner dans le premier compartiment à l'aide d'un dispositif doseur et en ce qu'on obture le premier compartiment sans le mettre en contact avec l'atmosphère ;
Considérant que la revendication 2 qui caractérise le procédé selon la revendication 1 " en ce qu'on place de façon définitive la valve du récipient avant l'introduction de la substance à conditionner puis on introduit ladite substance dans le premier compartiment en la faisant passer à travers la valve " est également reproduite pour permettre la fabrication du produit, en ce que la valve est placée sur le récipient avant l'introduction de la substance à conditionner qui ensuite est introduite dans le premier compartiment en la faisant passer à travers la valve ; que les revendications 4 et 5 sont également reproduites en ce que la substance à conditionner est introduite dans le premier compartiment sans rompre le vide (revendication 4) et en ce que pour maintenir le volume désiré au premier compartiment, on fait le vide dans le second compartiment (revendication 5) ;
Que le jugement sera en conséquence réformé en ce qu'il a rejeté la demande en contrefaçon de ces revendications ;
IV - Sur la responsabilité des sociétés poursuivies en contrefaçon
Considérant que M. C réclame réparation du préjudice qu'il a subi aux sociétés SOMOLAC, OCP, en sa qualité de distributrice des produits, obtenus par le procédé et le dispositif contrefaisant et UNIMAT, qui était propriétaire du matériel incriminé ;
Considérant que la société UNIMAT conclut à sa mise hors de cause, estimant qu'elle n'a aucune responsabilité dans les actes de contrefaçon reprochés, puisqu'elle n'est intervenue qu'en qualité d'organisme financier pour permettre à SOMOLAC d'acquérir le matériel ; que la société SA OCP fait, pour sa part, valoir qu'elle ne distribue aucun produit, les produits pharmaceutiques étant commercialisés par la SAS OCP REPARTITION, l'une de ses filiales qui a une personnalité juridique distincte de la sienne et que le tribunal a, à tort, refusé de la mettre hors de cause en relevant de manière erronée que des produits et des catalogues avaient été saisis dans les locaux parisiens de la société OCP alors qu'aucun catalogue portant mention des produits fabriqués n'a en réalité été saisi et que les locaux parisiens sont exploités par la société OCP REPARTITION ; qu'elle soutient, à titre subsidiaire, qu'elle ne peut être poursuivie, les faits qui lui sont reprochés n'ayant pas été commis en connaissance de cause ;
Considérant qu'il sera rappelé que selon les dispositions de l'article L. 615-1 du CPI, " toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'il sont définis par les articles L. 613-3 à L. 613-6, constitue une contrefaçon.
La contrefaçon engage la responsabilité civile de son auteur.
Toutefois l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, la détention en vue de l'utilisation ou la mise dans le commerce d'un produit contrefait, lorsque ces faits sont commis par une autre personne que le fabricant du produit contrefait, n'engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause " ;
Que selon l'article L. 613-3 du CPI constituent des actes de contrefaçon : " la fabrication du produit, objet de l'invention brevetée et la mise en oeuvre des moyens ou des procédés brevetés, l'utilisation d'objets contrefaits, la mise dans le commerce, l'offre en vente, l'exposition, la détention d'objets contrefaits, la livraison ou l'offre de livraison des moyens en vue de la mise en oeuvre de l'invention brevetée, l'introduction en France d'objets contrefaits " ;
Considérant que ces textes étant rappelés, M. C reproche, à tort, à la société UNIMAT d'avoir importé le matériel incriminé ; qu'il résulte, en effet, des documents versés aux débats (notamment contrat de crédit bail en date du 24 octobre 2001) que cette société est intervenue en qualité d'organisme financier, pour le matériel commandé auprès de la société AEROFILL (facture du 29 octobre 1991) par la société SOMOLAC et livré à cette dernière ; que la société SOMOLAC s'est engagée à rembourser sur une période de cinq ans dans le cadre d'un crédit-bail et est devenue en définitive propriétaire en octobre 1996 ; que dans ces conditions, c'est à juste titre que la société UNIMAT fait valoir qu'il ne peut lui être reproché aucun acte d'importation de matériel, celui-ci ayant été commandé par la société SOMOLAC ; qu'il convient de la mettre hors de cause ;
Considérant qu'en ce qui concerne la société OCP SA, à qui il est reproché d'avoir distribué des produits obtenus par le procédé et le dispositif contrefaisants, il est constant que la saisie-contrefaçon a été notifiée à la SA OCP ; que les personnes présentes n'ont à aucun moment indiqué que les locaux étaient en réalité exploités par la société OCP REPARTITION ; que la société OCP ne peut, en conséquence, être suivie quand elle prétend que ces locaux ne la concernaient pas et que les produits saisis sont distribués par sa filiale ; que le jugement sera de ce chef confirmé ;
Mais considérant que la société OCP fait valoir à juste raison qu'elle n'a pas de responsabilité dans les actes de contrefaçon, n'ayant pas eu connaissance du caractère délictueux des produits se trouvant dans ses locaux ; qu'elle démontre qu'en réalité, sa filiale avait été sollicitée dès 1988 pour distribuer des produits du MONT ROUCOUS sous l'appellation " Rosée de la Reine " alors que SOMOLAC et M. C ainsi que la société qu'il dirigeait travaillaient ensemble et qu'il n'existait aucune raison de penser que le produit finalisé sous les mêmes appellations avait été effectué de manière fautive ; que la disparition de la mention " selon procédé SANSAIR " sur le descriptif du catalogue de la société OCP alors qu'en 1994 et 1995 cette indication était inscrite ne suffit pas à démontrer que la société OCP aurait eu connaissance de l'origine fautive des produits en cause ; qu'en outre, à aucun moment, M. C ne l'a avisée des difficultés, si ce n'est au moment de la procédure de saisie-contrefaçon ; qu'en conséquence, les demandes dirigées à son encontre sont mal fondées par application du dernier alinéa de l'article L. 615-1 du CPI ;
Considérant que la société SOMOLAC qui a importé en France la machine incriminée et qui a fabriqué des produits mettant en oeuvre le procédé et le dispositif contrefaisant a commis des actes de contrefaçon ;
V - Sur les demandes en garantie et en nullité de vente formées par la société SOMOLAC à l'encontre de la société AEROFILL Limited
Considérant que la société SOMOLAC soutient que la société AEROFILL Limited, son fournisseur, ne peut valablement lui opposer une limitation de garantie sans justifier en quoi cette clause limitative lie contractuellement la société SOMOLAC ni en quoi elle est susceptible d'exonérer AEROFILL de sa responsabilité personnelle ; qu'elle soutient en outre que la vente du matériel litigieux doit être annulée du fait des actes de contrefaçon ;
Considérant que la société AEROFILL Limited fait essentiellement valoir que cet appareil a été réalisé sur des instructions très précises de son client la société SOMOLAC et oppose une clause d'exclusion de garantie ; qu'elle fait en outre valoir que la vente ne saurait être annulée, la machine en cause ayant été utilisée par la société SOMOLAC ;
Considérant que les documents mis aux débats démontrent que :
- la société SOMOLAC avait eu connaissance du brevet de M. C depuis 1988 puisqu'elle a cherché avec celui-ci et la société SANSAIR à conditionner l'eau du MONT ROUCOUS selon le procédé du brevet en aérosol,
- elle a en 1989/1990 pris contact avec la société AEROFILL qui a répondu à son appel d'offres comme le démontre une lettre en date du 7 mars 1990,
- cet appel d'offres (non versé aux débats, la société AEROFILL disant qu'elle ne peut le produire en raison d'un incendie intervenu et la société SOMOLAC n'ayant pas répondu à une sommation de communiquer ce document) comportait nécessairement des indications techniques relatives au dispositif ;
Qu'il se déduit de ces éléments que la société AEROFILL a certes fabriqué le dispositif en cause mais sur instruction de son client ;
Considérant qu'en outre, l'article 11 des clauses générales de vente auxquelles se réfère la réponse à l'appel d'offres précise que le client devra garantir la société AEROFILL contre toute réclamation en matière de contrefaçon dont pourrait faire l'objet l'appareil construit en conformité avec les spécifications du client ;
Considérant qu'ainsi, la société SOMOLAC sera déboutée de sa demande en garantie, la société AEROFILL ayant construit sur commande de la société SOMOLAC qui contenait des indications techniques spécifiques qui s'imposait à elle ;
VI - Sur la demande en garantie formée par la société SOMOLAC à l'encontre de la société UNIMAT
Considérant que cette demande ne saurait prospérer dès lors que, comme il a été dit ci[1]dessus, la société UNIMAT a été sollicitée par la société SOMOLAC afin d'assurer le financement du matériel commandé par cette dernière et qu'elle n'a ainsi eu aucun rôle actif dans la commission des actes de contrefaçon ;
VII - Sur les mesures réparatrices
Considérant qu'il sera fait droit aux mesures d'interdiction, de confiscation sollicitées dans les termes du dispositif ci-dessous énoncé ; que les mesures de publication n'apparaissent pas appropriées ;
Considérant qu'il est soutenu que le dispositif en cause comportant la pièce n° 9 n'a pas fonctionné longtemps ; que néanmoins, il n'est pas donné d'indication sur la date précise de l'arrêt de ce dispositif ni de précision sur les quantités de produits aérosols conditionnés sur le dispositif et selon le procédé contrefaisants ; qu'il convient en conséquence de procéder à une mesure d'instruction afin d'évaluer le préjudice subi par M. C, mais dès à présent, compte tenu des éléments portés à la connaissance de la cour, d'allouer à ce dernier une provision de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
VIII - Sur les autres demandes
Considérant que les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société UNIMAT à l'encontre de M. C et de la société SOMOLAC et par la société AEROFILL à l'encontre de la société SOMOLAC dès lors qu'il n'est pas établi que les demandes formées à l'encontre de ces deux sociétés résulteraient d'un comportement fautif ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à chacune des sociétés suivantes : UNIMAT et OCP une somme complémentaire de 2000 euros au titre des frais d'appel non compris dans les dépens à la charge de M. C ; qu'il sera pour les mêmes motifs alloué la somme de 2000 euros à la société AEROFILL à la charge de la société SOMOLAC ; qu'en revanche, le jugement sera réformé en ce qu'il a alloué une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à SOMOLAC ; que cette dernière succombant en appel, l'équité commande d'allouer à M. C la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Considérant que les dépens seront à la charge de la société SOMOLAC à l'exception de ceux générés par la mise en cause des sociétés UNIMAT et OCP qui resteront à la charge de M. C :
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement en ce qu'il a dit valables les saisie-contrefaçon, rejeté la demande en nullité du brevet et alloué une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile aux sociétés OFFICE COMMERCIAL PHARMACEUTIQUE SA (OCP), UNIMAT SA et AEROFILL Limited ;
Le réforme pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant ;
Dit que la société SOMOLAC SOURCES DU MONT ROUCOUS s'est rendue coupable de contrefaçon des revendications 1, 2, 4, 5 et 13 du brevet européen n° 0148662 ;
Lui fait interdiction de poursuivre les actes de contrefaçon sous astreinte de 350 euros par infraction constatée à compter du délai d'un mois de la signification du présent arrêt ;
Ordonne la confiscation de tout objet contrefaisant les revendications ci-dessus mentionnées pour être remis à M. C aux fins de destruction en présence d'un huissier, et plus particulièrement le poste n° 9, sous astreinte de 350 euros à compter du délai d'un mois de la signification ;
Condamne la société SOMOLAC SOURCES DU MONT ROUCOUS à payer à M. C la somme provisionnelle de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Avant dire droit, désigne M. D, [...] tel : 01 42 88 41 50, en qualité d'expert, avec mission d'entendre les parties et tous sachants, de compulser tous documents afin de :
- recueillir toutes observations utiles sur la période d'exploitation de la machine litigieuse comportant le poste n° 9 ;
- déterminer la masse contrefaisante de produits " Rosée de la Reine " en aérosol réalisé conformément au brevet,
- recueillir tous éléments permettant d'apprécier le préjudice subi par M. C
Fixe le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert à la somme de 5000euros qui devra être versée par M. C au greffe des expertises avant le 31 décembre 2005 ;
Dit que l'expert commencera ses opérations d'expertise dès qu'il en sera avisé par le greffe et déposera son rapport le 1(er) juillet 2006 au plus tard ;
Condamne la société SOMOLAC à payer à la société AEROFILL Limited la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à M. C celle de 4000 euros ;
Condamne M. C à verser aux sociétés UNIMAT et OCP la somme complémentaire de 2000 euros à chacune au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la société SOMOLAC aux entiers dépens excepté ceux relatifs à la procédure diligentée à l'encontre des sociétés UNIMAT et OCP qui seront à la charge de M. C ;
Autorise les avoués concernés à recouvrer les dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.