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Décisions

Cass. com., 8 juillet 2014, n° 13-16.714

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Piwnica et Molinié, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Paris, du 8 févr. 2013

8 février 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Puma AG Rudolf Dassler sport aux droits de laquelle vient la société Puma SE de droit allemand (la société Puma) est titulaire des marques figuratives internationales désignant la France, dénommées « Form strip », dûment renouvelées et désignant, notamment, les chaussures de sport et de loisirs en classe 25, enregistrées respectivement les 19 novembre 1976, 11 juillet 1978 et 27 mars 1984 sous les numéros 426 712, 439 162 et 484 788 ; que ces marques sont exploitées, en France, par la société Puma France ; que la société Le Coq sportif international BV de droit néerlandais (la société Le Coq sportif), titulaire d'une licence portant sur la marque « Yannick X... », a concédé en 2004 un contrat de sous-licence à la société Sporazur Morris Sportswear (la société Sporazur), distributeur ; qu'estimant que les signes apposés sur deux modèles de chaussures fabriqués pour le compte de cette dernière et commercialisés en France en 2005 portaient atteinte à leurs droits, les sociétés Puma et Puma France (les sociétés Puma) l'ont mise en demeure de les faire retirer du marché ; qu'après les avoir retirées de la vente, la société Sporazur a fait assigner les sociétés Puma en réparation du préjudice causé par ce retrait pour l'un des modèles litigieux ; que les sociétés Puma l'ont fait assigner, ainsi que M. X... et la société Le Coq sportif, en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Puma font grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leurs demandes au titre de la contrefaçon, alors, selon le moyen :

1°) qu'un signe est identique à la marque lorsqu'il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen ; qu'en se bornant à relever, pour écarter la contrefaçon par reproduction des marques n° 426712, 439162 et 484788 déposées par la société Puma AG, que l'existence de modifications et d'ajouts ressortant de la présentation des signes opposés à ces marques excluait que l'action en contrefaçon puisse être fondée sur leur reproduction, sans rechercher si les signes opposés ne recelaient pas des différences si insignifiantes qu'elles pouvaient passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle ;

2°) que dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Puma, d'une part, citaient littéralement des extraits de nombreuses décisions, par ailleurs produites aux débats, des juridictions communautaire et nationale qui soulignaient la notoriété des marques litigieuses et, d'autre part, faisaient référence à des articles de presse, également produits aux débats, de nature à attester de la notoriété de ces marques ; qu'en retenant pourtant, pour écarter la protection particulière accordée par le code de la propriété intellectuelle aux marques jouissant d'une renommée particulière, que les sociétés Puma se contentaient, pour établir la renommée de leurs marques,
de citer en quelques lignes de leurs écritures l'article 5 § 2 de la directive 89/ 104/ CEE et de renvoyer la cour à se reporter à la jurisprudence des juridictions communautaire et nationale ainsi qu'à des chroniques de doctrine en précisant les références des décisions rendues et publications concernées, la cour d'appel a dénaturé les conclusions et le bordereau de pièces des sociétés Puma et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) qu'en tout état de cause, la renommée d'une marque peut s'établir par tous moyens ; qu'en se bornant à relever que pour apprécier la renommée d'une marque le juge doit notamment prendre en considération la part de marché occupée par la marque, l'intensité de son exploitation, son étendue géographique, la durée de son usage ou encore l'importance de l'investissement que lui consacre son titulaire, sans rechercher si la motivation des nombreuses décisions de justice citées et produites par les sociétés Puma ne permettait pas de retenir la notoriété des marques litigieuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle ;

4°) qu'en statuant comme elle l'a fait, sans s'expliquer, même sommairement, sur les articles de presse, cités et produits par les sociétés Puma, desquels il ressortait, d'une part, que la marque Puma figurait au cinquième rang des marques les plus citées en Europe après Coca-Cola, Nike, Nokia et Sony et, d'autre part, que la stratégie de marketing et de distribution de la marque impliquait des dépenses de l'ordre de 15 % du chiffre d'affaires, ce qui était de nature à établir la renommée des marques litigieuses, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°/ que pour l'appréciation de la contrefaçon par imitation de marque, il convient de tenir compte des ressemblances entre les éléments des signes en présence, sans tenir compte du degré de caractère distinctif ni des différences ; que la cour d'appel qui, pour juger que les signes opposés aux marques de la société Puma AG n'imitaient pas ces dernières, s'est attachée à l'examen des seules différences entre ces signes, sans tenir compte des ressemblances entre les éléments des signes en présence, a violé l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

6°) que la contrefaçon par imitation est établie dès lors qu'un risque de confusion dans l'esprit du public est créé par l'impression d'ensemble produite par les signes constituant l'imitation, et ce quand bien même aucun élément précis de la marque protégée n'aurait été imité ; qu'en se bornant à examiner, pour écarter l'imitation des marques de la société Puma AG, les différences existant entre les signes, sans s'attacher au risque de confusion susceptible d'être créé dans l'esprit du public par l'impression d'ensemble produite par les chaussures sur lesquelles figuraient les signes opposés aux marques Puma, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté l'existence de modifications et d'ajouts sur les signes incriminés, dont il résultait que les différences n'étaient pas si insignifiantes qu'elles pouvaient passer inaperçues aux yeux d'un consommateur moyen, la cour d'appel, qui a écarté la contrefaçon par reproduction, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt, après avoir énoncé que le juge ne peut fonder sa décision sur des connaissances personnelles ou le résultat de ses propres investigations et que, pour apprécier la renommée d'une marque, il doit notamment prendre en considération la part de marché occupée par la marque, l'intensité de son exploitation, son étendue géographique, la durée de son usage ou encore l'importance des investissements que lui consacre son titulaire, relève que les sociétés Puma ne peuvent se borner à citer l'article 5, paragraphe 2, de la directive CE n° 89/ 104 et à renvoyer la juridiction à se reporter aux jurisprudences communautaire et nationale et à la doctrine, fût-ce en en précisant les références, puis retient qu'en omettant d'expliciter les éléments factuels susceptibles de caractériser la renommée des marques revendiquées, elles ont privé les parties adverses de la faculté d'y répliquer utilement ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, tenue de se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non par une motivation générale faisant référence à des causes déjà jugées, a, sans dénaturer les conclusions ni le bordereau de pièces, légalement justifié sa décision ;

Attendu, en troisième lieu, que, loin d'ignorer les ressemblances entre les signes en présence, l'arrêt retient que les comparaisons globales menées sur les plans conceptuel, visuel et, pour trois d'entre elles, phonétique, font ressortir que, dans leur ensemble, ces signes présentent de telles différences qu'en dépit de la similarité des produits, le consommateur ne pourra les confondre ou les associer ; que de ces constatations et appréciations souveraines dont elle a déduit que la contrefaçon par imitation des marques invoquées n'était pas caractérisée, la cour d'appel, qui s'est prononcée par une décision motivée et n'avait pas à prendre en considération les modèles de chaussures sur lesquels les signes incriminés étaient apposés, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les sociétés Puma font grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme, alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur le premier moyen de cassation, qui critique notamment les motifs de l'arrêt par lesquels la cour d'appel a écarté la reproduction ou l'imitation des signes opposés, entraînera, par voie de conséquence, la cassation des dispositions de l'arrêt attaqué qui ont écarté la concurrence déloyale et le parasitisme économique, la cour d'appel s'étant, pour ce faire, expressément référée à l'examen comparatif des produits auquel elle s'était préalablement livré, et ce par application de l'article 625 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le rejet du premier moyen rend le moyen sans objet ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Attendu que les sociétés Puma font grief à l'arrêt d'avoir admis le principe de leur condamnation venant indemniser le préjudice commercial subi par la société Sporazur et de les avoir, à ce titre, condamnées in solidum à verser à cette dernière la somme de 40 000 euros, alors, selon le moyen, que la cassation à intervenir sur l'un des deux premiers moyens de cassation, qui critiquent l'arrêt attaqué en ce qu'il a écarté les actions en contrefaçon et concurrence déloyale dirigées notamment contre la société Sporazur, entraînera, par voie de conséquence, la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt qui ont retenu la responsabilité des sociétés Puma à raison du préjudice commercial causé à la société Sporazur par leur action, par application de l'article 625 du code de procédure civile ; Mais attendu que le rejet des premier et deuxième moyens rend sans objet le grief de la première branche du moyen ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Sur la recevabilité du moyen, contestée par la défense :

Attendu que les sociétés Sporazur et Le Coq sportif font valoir que ce moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Mais attendu que dans le dispositif de leurs conclusions, les sociétés Puma avaient sollicité le rejet de l'ensemble des demandes des parties adverses ; que le moyen est recevable ;

Et sur le moyen :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour condamner les sociétés Puma à verser à la société Sporazur la somme indemnitaire de 40 000 euros, l'arrêt retient, par motifs propres, que l'introduction de la procédure a eu des conséquences économiques négatives pour cette société qu'il échet de réparer et, par motifs adoptés, que les sociétés Puma étant déboutées de leurs demandes formées au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale relatives au modèle de chaussure « couleur : chocolate brown », la société Sporazur a nécessairement subi un préjudice du fait de l'arrêt de la commercialisation de ce modèle ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'une faute commise par les sociétés Puma, faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Puma AG Rudolf Dassler sport aux droits de laquelle vient la société Puma SE et la société Puma France à verser la somme de 40 000 euros à la société Sporazur morris sportswear, l'arrêt rendu le 8 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse à la société Sporazur morris sportswear la charge de ses propres dépens ;
Condamne la société Puma AG Rudolf Dassler sport aux droits de laquelle vient la société PUMA SE et la société Puma France au surplus des dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne ces dernières à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Le Coq sportif international BV et la même somme globale à M. Yannick X..., et rejette leur demande ainsi que celle de la société Sporazur morris sportswear ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille quatorze.