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Décisions

Cass. crim., 19 juin 2012, n° 11-81.654

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Avocat :

SCP Célice, Blancpain et Soltner

Caen ch. corr., du 28 févr. 2011

28 février 2011

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Mme Sophie X, épouse Y,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 28 février 2011, qui, pour entrave à l'exercice des fonctions d'inspecteur du travail, l'a condamnée à 3 500 euros d'amende ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 8113-4, L. 8114-1 du code du travail, 551, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme Y coupable du délit d'obstacle aux fonctions d'inspecteur du travail visé à la prévention et l'a condamnée à une amende de 3 500 euros ;

aux motifs que la réalité de la non-production, le 28 janvier 2088, des décomptes horaires des personnels de la SARL les Motels de Normandie pour le mois de décembre 2007, documents dont le caractère obligatoire n'est pas contesté, est certaine ; qu'il s'agit là d'une entrave ou d'un obstacle aux fonctions d'inspecteur du travail, délit visé à la prévention, dès lors que cette non-production, suffisante en elle-même, doit être rapprochée des tergiversations, ne serait-ce, que pour obtenir un rendez-vous, des tentatives d'intimidation, visant à déstabiliser le fonctionnaire, caractérisées par les courriers au directeur départemental du travail pour se plaindre du comportement de l'inspectrice, des explications fluctuantes et variables sur la raison de la non-remise (documents se trouvant ailleurs qu'au siège social, puis documents non établis, enfin, documents non réclamés par l'inspectrice lors de sa visite du 28 janvier 2008, cf. audition de la prévenue le 20 mai 2008) ;

1°) alors que, viole les textes visés au moyen, la cour qui, tout en constatant que la citation délivrée à Mme Y, rédigée en termes généraux, visait  une entrave aux fonctions d'inspecteur ou de contrôleur du travail, pour la période de janvier à mars 2008, sans aucune précision sur la nature des entraves visées , ce dont il se déduisait que Mme Y n'avait pas été informée de façon suffisamment précise des faits qui lui étaient reprochés et n'avait, par conséquent, pas été en mesure de se défendre, entre néanmoins en voie de condamnation à son encontre ;

2°) alors que l'absence de communication de documents à l'inspecteur du travail ne caractérise le délit d'obstacle aux fonctions de ce dernier que si les documents litigieux sont rendus obligatoires par le code du travail ; qu'en affirmant que le délit d'obstacle résultait de la non-production, le 28 janvier 2008, des décomptes horaires des personnels de la société Les Motels de Normandie, quand la réalité des horaires de travail des salariés était établie par les plannings qui, pour leur part, avaient été remis à l'inspecteur du travail, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

3°) alors que le délit d'obstacle à l'accomplissement des missions d'un inspecteur du travail suppose que soit opposée une obstruction aux demandes de ce fonctionnaire en vue de l'empêcher d'exercer sa mission ; qu'en affirmant que le délit était caractérisé au vu du rapprochement du retard dans la fourniture des décomptes horaires, de  tergiversations  dans la prise de rendez-vous et des lettres adressées par Mme Y à la DDTEFP, sans rechercher si ce retard, ces prétendues tergiversations et les lettres litigieuses avaient effectivement fait obstacle à l'exercice de ses fonctions par l'inspectrice du travail, dont elle a constaté qu'elle avait finalement été destinataire des documents sollicités, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision  ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 8113-4, L. 8114-1 du code du travail, 551, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mme Y coupable du délit d'obstacle aux fonctions d'inspecteur du travail visé à la prévention et l'a condamnée à une amende de 3 500 euros ;

aux motifs que Mme Y se retranche derrière une délégation de pouvoirs consentie à M. Z, directeur général, pour se considérer comme non pénalement responsable ; qu'or, cette délégation de pouvoirs, retenue par le tribunal, ne peut produire effet pour deux raisons essentielles ; que, tout d'abord, il ressort clairement de la procédure qu'en dépit de la délégation de pouvoir, Mme X avait conservé le contrôle total des relations avec l'inspection du travail ; que cela résulte clairement de l'audition de M. Z qui a indiqué :  j'avais interdiction formelle, de la part de Mme Y d'avoir des contacts avec Mme A (l'inspectrice du travail)  car elle voulait  tout gérer elle-même , ajoutant :  je n'avais aucun document en ma possession, tout était dans le bureau de Mme Y. Je n'y avait pas accès  ; que cette pratique, vidant de sa substance la délégation de pouvoirs, purement formelle au moins dans la question des rapports avec l'inspection du travail, est confirmée par le fait que c'est la prévenue, et non M. Z, qui a essayé de  court-circuiter  l'inspectrice du travail en s'adressant directement et personnellement au directeur départemental du travail ; qu'ensuite, il ne peut être ignoré que le 28 janvier 2008, jour de la non-remise des documents litigieux, M. Z était en arrêt maladie depuis le 21 janvier 2008, il ne reprendra d'ailleurs pas ses fonctions ; que cet arrêt de travail pour maladie a entraîné la suspension de son contrat de travail et donc de la délégation de pouvoirs qui en est un des éléments ; que, par suite, la délégation de pouvoirs ne jouant plus, la responsabilité pénale du délit d'obstacle remonte au chef d'entreprise ; que l'attitude d'opposition de la prévenue, rapprochée de sa volonté de dénigrer l'inspectrice pour la déconsidérer, justifie une sanction qui ne soit pas simplement de principe ou d'avertissement, même si la prévenue n'a jamais été condamnée ; que le prononcé d'une amende de 3 500 euros apparaît adapté aux faits dont s'agit ;

1°) alors que la cour ne pouvait déduire l'absence de caractère effectif de la délégation donnée par Mme Y à M. Z en matière de gestion des ressources humaines des seules déclarations de M. Z, le délégataire ayant toujours un intérêt évident, pour échapper aux poursuites, à prétendre que la délégation qui lui avait été donnée n'était pas effective ;

2°) alors qu'en affirmant que la délégation de pouvoirs donnée par Mme Y à M. Z ne pouvait avoir d'effet exonératoire de la responsabilité pénale de Mme Y pendant la période au cours de laquelle le contrat de travail de M. Z était suspendu en raison d'un arrêt maladie, sans rechercher si Mme Y n'avait pas, pendant cette période, délégué ses pouvoirs à Mme B, qui assurait l'intérim de M. Z et était chargée des relations avec l'inspection du travail  ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable ;

D'où il suit que les moyens, pour partie nouveaux, mélangés de fait et comme tels irrecevables, qui se bornent, pour le surplus, à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.