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Décisions

Cass. crim., 28 février 2017, n° 15-87.378

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Jeux automatiques champenois (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

M. Bonnal

Avocat général :

M. Lemoine

Avocats :

Me Carbonnier, SCP le Bret-Desaché

Dijon, ch. corr., du 12 nov. 2015

12 novembre 2015

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société d'exploitation de jeux automatiques champenois,

contre l'arrêt de la cour d'appel de DIJON, chambre correctionnelle, en date du 12 novembre 2015, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 27 novembre 2012, n° 11-84. 395), pour discrimination, l'a condamnée à 20 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ; 

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite de la mise en oeuvre, à l'initiative du procureur de la République de Châlons-en-Champagne, d'une opération dite de testing destinée à établir d'éventuelles pratiques discriminatoires à l'entrée de la discothèque L'Alegra, trois groupes de personnes ont été constitués, le premier composé de deux hommes d'origine européenne, le deuxième de deux hommes d'origine maghrébine, et le troisième, de quatre personnes d'origine européenne et maghrébine ; que l'entrée de l'établissement a été refusée aux personnes des deuxième et troisième groupes ; qu'avisé de ces faits, le représentant du ministère public a pénétré dans l'établissement et procédé à des constatations, en même temps que les services de police appelés sur les lieux ; que la société d'exploitation de jeux automatiques champenois (SEJAC), exploitante de la discothèque, a été poursuivie devant le tribunal correctionnel du chef de discrimination sur le fondement de l'article 225-2 1° du code pénal, et déclarée coupable de cette infraction par les premiers juges ; que la prévenue, le ministère public, et les parties civiles ont relevé appel de la décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 75, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions et moyens soulevés par l'avocat de la SEJAC, a déclaré cette société coupable de discrimination à raison de leur origine maghrébine au préjudice de MM. Marouane X, Anas E, Saber Y et Samir Z et l'a condamnée à une peine d'amende de 20 000 euros ;

" aux motifs que si le recrutement des participants à l'opération de testing a été réalisé par un assistant de justice affecté au parquet de Châlons-en-Champagne sous le contrôle du substitut du procureur de la République de cette ville, ce recrutement n'est pas plus contestable que celui fréquemment réalisé dans des affaires similaires par une association telle que la LICRA, d'autant plus qu'en l'espèce l'ensemble des actes d'enquête, à savoir l'audition des témoins et victimes ainsi que du représentant de la société SEJAC et les constatations, saisie ainsi qu'exploitation des bandes de vidéo-surveillance ont été réalisées soit par les enquêteurs territorialement compétents dans le cadre d'une enquête préliminaire menée sur instruction de l'autorité judiciaire, soit par le substitut du procureur de la République lui-même ; qu'habituellement dans les procédures des témoins sont entendus comme en l'espèce en cette qualité puis déposent plainte et se constituent partie civile au cours de la procédure sans que cela constitue une quelconque irrégularité ; que sous le couvert de cette demande de nullité la société appelante tend en réalité à remettre en cause la légalité de l'opération de testing, qui est parfaitement conforme à la législation en vigueur et à la jurisprudence, si bien qu'il n'existe aucune violation du droit à un procès équitable ; qu'en application de l'article 41 du code de procédure pénale le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale, si bien qu'en l'espèce la validité du procès-verbal du substitut du procureur de Châlons-en-Champagne ne saurait être mis en cause, d'autant plus qu'en application de l'article 430 du même code les procès-verbaux constatant des délits ne valent qu'à titre de simples renseignements et peuvent faire l'objet d'une discussion ; qu'il n'est pas démontré que lors des auditions des participants à l'opération de testing les policiers aient posé à ceux-ci des questions, puisque ces témoins n'ont fait que relater à une heure particulièrement tardive, ces nombreuses auditions ayant eu lieu le samedi 23 janvier 2010 entre 1 heure 10 et 2 heures 15, ce qu'ils venaient de constater ; que tout au plus les policiers leur ont demandé en fin d'audition s'ils avaient autre chose à dire ; qu'ainsi ce moyen manque de pertinence et les moyens de nullité allégués, d'ailleurs différents de ceux soulevés en première instance, seront rejetés ; qu'il convient de rappeler que l'affiche apposée à l'entrée de cette discothèque et photographiée par les enquêteurs mentionne que Toute personne présentant un comportement sociable et une tenue appropriée à l'entrée est admise dans l'établissement. Dans un but de sécurité l'établissement peut refuser l'accès :

- à toute personne, qui a antérieurement créé un trouble,

- à toute personne qui présente des signes d'imprégnation alcoolique ou un état anormal,

- aux mineurs,

- aux personnes refusant de présenter une pièce d'identité,

- à toute personne portant des vêtements ou une tenue de sport,

- aux effets de bande (une bande est un groupe de personnes du même sexe),

- en cas de refus de paiement du droit d'entrée,

- à toute personne, dont la tenue ou l'attitude laisse raisonnablement prévoir un risque de trouble à l'intérieur de l'établissement,

- en fonction de la disponibilité des places et, notamment, pour satisfaire les possesseurs de cartes de fidélité ; que MM. Marouane Xet Anas E se sont vus refuser l'entrée de la discothèque à 23 heures 39, aux motifs qu'ils n'étaient pas des habitués de l'établissement et qu'ils n'étaient pas accompagnés ; que ces motifs n'ont néanmoins pas été opposés à M. Antoine A entré seul à 23 heures 32, ni à M. Valentin B ainsi qu'à M. Matthieu C, lesquels ont pénétré dans cet établissement sans être accompagnés à 23 heures 33, alors qu'aucun de ceux-ci n'était des habitués de l'Alégra ; qu'au même moment Mme Julie D, nullement habituée des lieux, a pu pénétrer seule sans que ces motifs lui soient opposés ; que le visionnage à l'audience de la vidéo-surveillance établit que MM. Marouane Xet Anas E portaient une tenue parfaitement correcte, ne présentaient aucun signe d'imprégnation alcoolique et n'avaient causé dans le passé aucun trouble dans cette discothèque, qu'ils n'avaient pas refusé de s'acquitter du prix d'entrée, ni de présenter une pièce d'identité et qu'ils ont tenu, selon l'ensemble des auditions recueillies, des propos courtois ; que tous ces témoignages concordent de manière circonstanciée sur le fait que la discothèque l'Alégra était très peu fréquentée le vendredi 22 janvier 2010 au soir, les policiers de Chalons-en-Champagne relevant la présence dans la salle du rez-de-chaussée d'une cinquantaine de personnes ; qu'ainsi cet établissement pouvait accueillir un public supplémentaire de plusieurs centaines de personnes, lorsque à 23 heures 39 MM. Marouane Xet Anas E se sont vus refuser l'accès de celui-ci, et qu'ainsi ce refus au motif qu'ils n'étaient pas habitués manque de pertinence au vu de ces constatations en raison du but lucratif de la société SEJAC, puisque son intérêt est à l'évidence d'atteindre chaque soir sa capacité d'accueil ; qu'en outre l'argument invoqué par le personnel et le responsable de cette discothèque, selon lequel une présélection serait opérée en début de soirée afin de permettre aux habitués d'accéder à celle-ci et pour éviter que les non habitués éconduits ne se représentent le samedi, ne saurait justifier ces refus car d'autres personnes, non habituées, ont pu dans le même temps y pénétrer ; que, par ailleurs, Mme Julie D a rapporté que MM. Marouane Xet Anas E avaient été dévisagés de la tête aux pieds par le personnel de l'Alégra, alors qu'aucun des autres participants à l'opération de testing entrés juste avant ou juste après ceux-ci, n'a rapporté un tel examen ; qu'en outre les témoignages concordent sur la très faible présence de personnes d'origine maghrébine, ce qui démontre qu'une sélection fondée sur l'origine raciale a été opérée le 22 janvier 2010 en soirée ; qu'enfin la constatation par les policiers de la présence majoritaire de filles dans la discothèque suffit à écarter l'argumentation selon laquelle MM. Marouane Xet Anas E auraient été refoulés pour permettre une parité de la clientèle ; que le motif selon lequel le refus d'accès à ceux-ci aurait été motivé par le fait qu'un concert était prévu ce soir-là manque de pertinence, faute toute de publicité, notamment par des affiches à l'extérieur et à l'intérieur de l'Alégra, et que la publicité produite en cours d'enquête montre qu'une telle manifestation était habituelle dans cette discothèque (les samedis précédant ou suivant le 22 janvier 2010) et qu'il ne s'agissait pas d'un concert privé ou limité aux habitués ; que les constatations relevées plus haut, notamment l'accès par de nombreux non habitués, établit que la sélection opérée par les portiers ne l'a pas été en raison de l'existence de ce concert ; que les mêmes constatations peuvent être effectuées à l'occasion du refus opposé à MM. Samir Z et Saber Y, lorsqu'ils se sont présentés à 23 heures 45, étant rappelé qu'une minute plus tard M. Clément F a pu pénétrer dans l'établissement ; que pareillement le visionnage par la cour de la vidéo-surveillance montre que ces deux personnes étaient correctement vêtues, non alcoolisées et prêtes à s'acquitter du prix de la rentrée ; qu'il leur a été opposé le fait de n'être pas des habitués, alors que dans le même instant M. Clément F, qui se présentait pour la première fois à l'entrée de l'Alégra, a pu y pénétrer ; que Mme Florine G, pourtant habituée des lieux car s'y rendant plusieurs fois par mois jusqu'en mars 2009, laquelle accompagnait MM. Samir Z et Saber Y, a été éconduite, ce qui démontre que le fait de n'être pas habitué n'est pas le motif réel au refus d'entrée de ceux-ci ; que les photographies prises par les enquêteurs de ces quatre individus bien différents physiquement ne permet pas de retenir l'argument invoqué par un des physionomistes, qui prétend avoir refusé l'entrée aux deux seconds pensant qu'il s'agissait des deux premiers ; que MM. Samir Z et Saber Y rapportent tous deux avoir été examinés des pieds à la tête par ce portier, ce qui est confirmé par Mme Florine G, qui précise en outre que bien qu'étant quatre, seuls MM. Samir Z et Saber Y ont été dévisagés ; que cet élément établit que leur origine maghrébine, seul élément les distinguant de M. Thibault F et de Mme Florine G, a motivé le refus d'entrée ; que l'admission dans les mêmes instants d'un couple d'origine étrangère ne saurait justifier le refus d'entrée opposé à 23 heures 39 à MM. Marouane Xet à Anas E puis à 23 heures 45 à MM. Samir Z et à Saber Y ; qu'enfin l'éviction de personnes, qui serait de type caucasien, invoquée par le représentant de la société appelante n'a pas d'intérêt, puisqu'elle est postérieure à l'intervention des premiers policiers à 23 heures 45 (procès-verbal dressé par M. Nicolas I, gardien de la paix au commissariat de Châlons-en-Champagne) ; que ces constatations sont corroborées par la mise en cause répétée au parquet de Châlons-en-Champagne de la discothèque l'Alégra pour des faits de discrimination raciale ; qu'au vu de l'ensemble de ces constatations l'infraction de discrimination en raison de l'origine maghrébine de MM. Marouane X, Anas E, Samir Z et Saber Y reprochée à la SARL société d'exploitation de jeux automatiques champenois est constituée ; que si ladite infraction a été matériellement commise par MM. Bruce J et El Habib K, salariés de la société appelante, qui n'exercent aucun pouvoir de direction dans cette société, ceux-ci disposent d'une délégation de pouvoirs de fait pour accepter ou non au nom et pour le compte de celle-ci dans le cadre des Conditions d'accès à l'établissement rapportées plus haut ; que M. Thierry L, gérant de la société, dans son audition du 27 janvier 2010, a rappelé que la politique de celle-ci est évoquée à l'occasion de réunions, qu'il anime et auxquelles participent ces salariés, qui bénéficient donc d'une large marge de manoeuvre, ainsi que celui-ci l'a rappelé ; qu'en outre M. Thierry L, relié en permanence à son personnel par des appareils de télécommunications, pouvait immédiatement intervenir en cas de difficultés ; que ces constatations établissent parfaitement que ces deux salariés bénéficiaient de la compétence et des moyens nécessaires pour sélectionner au nom de la société SEJAC et pour son compte les clients de celle-ci ; qu'il est donc démontré que l'infraction de discrimination a été commise dans les conditions de l'article 121-2 du code pénal, à savoir pour le compte de la société appelante par ses représentants ; qu'en raison de l'importance du chiffre de l'affaire de la SARL société d'exploitation de jeux automatiques champenois et de la gravité de l'infraction, les premiers juges ont fait une juste application de la loi en fixant une amende de 20 000 euros ; qu'en raison de l'ancienneté extrême des faits, il n'y a pas lieu à publication du présent arrêt ;

1°) alors que ne saurait être retenue comme preuve d'une discrimination la déclaration d'une personne qui n'a sollicité son admission dans un établissement que dans le but d'établir l'existence d'une telle discrimination ; qu'en se fondant pour entrer en voie de condamnation sur les déclarations émanant de personnes qui ne s'étaient présentées à l'entrée de l'établissement L'alegra que dans le but de démontrer l'existence d'un comportement discriminatoire, la cour, qui s'est appuyée sur des preuves recueillies de façon déloyale, a violé les textes visés au moyen ;

2°) alors que méconnaît le droit à un procès équitable reconnu par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme la cour qui juge valables les procès-verbaux de constatations d'une infraction sans rechercher si ces procès-verbaux ne résultaient pas d'une provocation prohibée à l'infraction, les témoins recrutés par l'autorité publique ayant été répartis par cette dernière en groupes ethniques dans le seul but de constater une éventuelle infraction ;

3°) alors qu'en application de l'article 75 du code de procédure pénale, peuvent seuls mener les enquêtes préliminaires, les officiers et agents de police judiciaire ; que viole ce texte la cour d'appel qui juge valables les procès-verbaux de constatations d'une infraction établis par des individus n'ayant ni la qualité d'officiers de police judiciaire, ni celle d'agents de police judiciaire, et qui, sous la direction d'un assistant de justice, ont mis en place un stratagème destiné à provoquer une infraction et à en recueillir la preuve ;

4°) alors qu'en se fondant, pour dire réguliers les procès-verbaux de constatation d'infraction établis à la suite d'une provocation à l'infraction commise par des personnes non assermentés agissant sur instructions de l'autorité publique, sur la circonstance que l'audition des victimes de l'infraction a été réalisée par les services de police, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants en violation des textes visés au moyen ;

Attendu que, pour écarter le moyen de nullité de la procédure pris de la violation de l'article 75 du code de procédure pénale et confirmer le jugement, l'arrêt énonce que le recrutement des participants à l'opération de testing, effectué par un assistant de justice sous le contrôle du représentant du parquet, est d'autant moins contestable que l'ensemble des actes d'enquête, auditions des témoins et victimes et du représentant de la société concernée, constatations, saisie et exploitation des vidéo-surveillances, actes sur lesquels les juges fondent leur décision, ont été effectués par les enquêteurs agissant en enquête préliminaire sous la direction de l'autorité judiciaire, ou par le substitut du procureur de la République ; que les juges ajoutent que, sous couvert d'une exception de nullité, la prévenue tend à remettre en cause la légalité de la pratique du testing, laquelle est conforme à la législation, et que le droit à un procès équitable n'a pas été méconnu ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi et, dès lors que l'autorité publique peut, sans provoquer à la commission d'une infraction ni manquer au principe de la loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, prendre l'initiative de la mise en oeuvre des dispositions de l'article 225-3-1 du code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions législatives et conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 225-1 et 225-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société SEJAC coupable de discrimination à raison de leur origine maghrébine au préjudice de MM. Marouane X, Anas E, Saber Y et Samir Z et l'a condamnée à une peine d'amende de 20 000 euros ;

" aux motifs qu'il convient de rappeler que l'affiche apposée à l'entrée de cette discothèque et photographiée par les enquêteurs mentionne que Toute personne présentant un comportement sociable et une tenue appropriée à l'entrée est admise dans l'établissement. Dans un but de sécurité l'établissement peut refuser l'accès :

- à toute personne, qui a antérieurement créé un trouble,

- à toute personne qui présente des signes d'imprégnation alcoolique ou un état anormal,

- aux mineurs,

- aux personnes refusant de présenter une pièce d'identité,

- à toute personne portant des vêtements ou une tenue de sport,

- aux effets de bande (une bande est un groupe de personnes du même sexe),

- en cas de refus de paiement du droit d'entrée,

- à toute personne, dont la tenue ou l'attitude laisse raisonnablement prévoir un risque de trouble à l'intérieur de l'établissement,

- en fonction de la disponibilité des places et, notamment, pour satisfaire les possesseurs de cartes de fidélité ; que MM. Marouane X et Anas E se sont vus refuser l'entrée de la discothèque à 23 heures 39, aux motifs qu'ils n'étaient pas des habitués de l'établissement et qu'ils n'étaient pas accompagnés ; que ces motifs n'ont néanmoins pas été opposés à M. Antoine A entré seul à 23 heures 32, ni à M. Valentin B ainsi qu'à M. Matthieu C, lesquels ont pénétré dans cet établissement sans être accompagnés à 23 heures 33, alors qu'aucun de ceux-ci n'était des habitués de l'Alégra ; qu'au même moment Mme Julie D, nullement habituée des lieux, a pu pénétrer seule sans que ces motifs lui soient opposés ; que le visionnage à l'audience de la vidéo-surveillance établit que MM. Marouane X et Anas E portaient une tenue parfaitement correcte, ne présentaient aucun signe d'imprégnation alcoolique et n'avaient causé dans le passé aucun trouble dans cette discothèque, qu'ils n'avaient pas refusé de s'acquitter du prix d'entrée, ni de présenter une pièce d'identité et qu'ils ont tenu, selon l'ensemble des auditions recueillies, des propos courtois ; que tous ces témoignages concordent de manière circonstanciée sur le fait que la discothèque l'Alégra était très peu fréquentée le vendredi 22 janvier 2010 au soir, les policiers de Chalons-en-Champagne relevant la présence dans la salle du rez-de-chaussée d'une cinquantaine de personnes ; qu'ainsi cet établissement pouvait accueillir un public supplémentaire de plusieurs centaines de personnes, lorsque à 23 heures 39 MM. Marouane Xet Anas E se sont vus refuser l'accès de celui-ci, et qu'ainsi ce refus au motif qu'ils n'étaient pas habitués manque de pertinence au vu de ces constatations en raison du but lucratif de la société SEJAC, puisque son intérêt est à l'évidence d'atteindre chaque soir sa capacité d'accueil ; qu'en outre l'argument invoqué par le personnel et le responsable de cette discothèque, selon lequel une présélection serait opérée en début de soirée afin de permettre aux habitués d'accéder à celle-ci et pour éviter que les non habitués éconduits ne se représentent le samedi, ne saurait justifier ces refus car d'autres personnes, non habituées, ont pu dans le même temps y pénétrer ; que, par ailleurs, Mme Julie D a rapporté que MM. Marouane X et Anas E avaient été dévisagés de la tête aux pieds par le personnel de l'Alégra, alors qu'aucun des autres participants à l'opération de testing entrés juste avant ou juste après ceux-ci, n'a rapporté un tel examen ; qu'en outre les témoignages concordent sur la très faible présence de personnes d'origine maghrébine, ce qui démontre qu'une sélection fondée sur l'origine raciale a été opérée le 22 janvier 2010 en soirée ; qu'enfin la constatation par les policiers de la présence majoritaire de filles dans la discothèque suffit à écarter l'argumentation selon laquelle MM. Marouane X et Anas E auraient été refoulés pour permettre une parité de la clientèle ; que le motif selon lequel le refus d'accès à ceux-ci aurait été motivé par le fait qu'un concert était prévu ce soir-là manque de pertinence, faute toute de publicité, notamment par des affiches à l'extérieur et à l'intérieur de l'Alégra, et que la publicité produite en cours d'enquête montre qu'une telle manifestation était habituelle dans cette discothèque (les samedis précédant ou suivant le 22 janvier 2010) et qu'il ne s'agissait pas d'un concert privé ou limité aux habitués ; que les constatations relevées plus haut, notamment l'accès par de nombreux non habitués, établit que la sélection opérée par les portiers ne l'a pas été en raison de l'existence de ce concert ; que les mêmes constatations peuvent être effectuées à l'occasion du refus opposé à MM. Samir Z et Saber Y, lorsqu'ils se sont présentés à 23 heures 45, étant rappelé qu'une minute plus tard M. Clément F a pu pénétrer dans l'établissement ; que pareillement le visionnage par la cour de la vidéo-surveillance montre que ces deux personnes étaient correctement vêtues, non alcoolisées et prêtes à s'acquitter du prix de la rentrée ; qu'il leur a été opposé le fait de n'être pas des habitués, alors que dans le même instant M. Clément F, qui se présentait pour la première fois à l'entrée de l'Alégra, a pu y pénétrer ; que Mme Florine G, pourtant habituée des lieux car s'y rendant plusieurs fois par mois jusqu'en mars 2009, laquelle accompagnait MM. Samir Z et Saber Y, a été éconduite, ce qui démontre que le fait de n'être pas habitué n'est pas le motif réel au refus d'entrée de ceux-ci ; que les photographies prises par les enquêteurs de ces quatre individus bien différents physiquement ne permet pas de retenir l'argument invoqué par un des physionomistes, qui prétend avoir refusé l'entrée aux deux seconds pensant qu'il s'agissait des deux premiers ; que MM. Samir Z et Saber Y rapportent tous deux avoir été examinés des pieds à la tête par ce portier, ce qui est confirmé par Mme Florine G, qui précise en outre que bien qu'étant quatre, seuls MM. Samir Z et Saber Y ont été dévisagés ; que cet élément établit que leur origine maghrébine, seul élément les distinguant de M. Thibault F et de Mme Florine G, a motivé le refus d'entrée ; que l'admission dans les mêmes instants d'un couple d'origine étrangère ne saurait justifier le refus d'entrée opposé à 23 heures 39 à MM. Marouane X et à Anas E puis à 23 heures 45 à MM. Samir Z et à Saber Y ; qu'enfin l'éviction de personnes, qui serait de type caucasien, invoquée par le représentant de la société appelante n'a pas d'intérêt, puisqu'elle est postérieure à l'intervention des premiers policiers à 23 heures 45 (procès-verbal dressé par M. Nicolas I, gardien de la paix au commissariat de Châlons-en-Champagne) ; que ces constatations sont corroborées par la mise en cause répétée au parquet de Châlons-en-Champagne de la discothèque l'Alégra pour des faits de discrimination raciale ; qu'au vu de l'ensemble de ces constatations l'infraction de discrimination en raison de l'origine maghrébine de MM. Marouane X, Anas E, Samir Z et Saber Y reprochée à la SARL société d'exploitation de jeux automatiques champenois est constituée ; que si ladite infraction a été matériellement commise par MM. Bruce J et El Habib K, salariés de la société appelante, qui n'exercent aucun pouvoir de direction dans cette société, ceux-ci disposent d'une délégation de pouvoirs de fait pour accepter ou non au nom et pour le compte de celle-ci dans le cadre des Conditions d'accès à l'établissement rapportées plus haut ; que M. Thierry L, gérant de la société, dans son audition du 27 janvier 2010, a rappelé que la politique de celle-ci est évoquée à l'occasion de réunions, qu'il anime et auxquelles participent ces salariés, qui bénéficient donc d'une large marge de manoeuvre, ainsi que celui-ci l'a rappelé ; qu'en outre M. Thierry L, relié en permanence à son personnel par des appareils de télécommunications, pouvait immédiatement intervenir en cas de difficultés ; que ces constatations établissent parfaitement que ces deux salariés bénéficiaient de la compétence et des moyens nécessaires pour sélectionner au nom de la société SEJAC et pour son compte les clients de celle-ci ; qu'il est donc démontré que l'infraction de discrimination a été commise dans les conditions de l'article 121-2 du code pénal, à savoir pour le compte de la société appelante par ses représentants ; qu'en raison de l'importance du chiffre de l'affaire de la SARL société d'exploitation de jeux automatiques champenois et de la gravité de l'infraction, les premiers juges ont fait une juste application de la loi en fixant une amende de 20 000 euros ; qu'en raison de l'ancienneté extrême des faits, il n'y a pas lieu à publication du présent arrêt ;

1°) alors que le juge ne peut se fonder, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre d'un prévenu, sur des pièces extérieures au dossier de la procédure et non soumises au débat contradictoire ; qu'en se fondant, pour déclarer la société SEJAC coupable de discrimination, sur la mise en cause répétée au parquet de Châlons-en-Champagne de la discothèque L'alegra pour des faits de discrimination, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

2°) alors que la responsabilité de la personne morale n'est engagée que s'il est établi qu'une infraction a été commise pour son compte par l'un de ses représentants ; qu'au cas d'espèce, la société SEJAC faisait valoir que le refus d'entrer opposé aux parties civiles était une décision prise par les portiers de l'établissement sur leur seule initiative et que cette décision ne pouvait donc être regardée comme prise pour le compte de la société SEJAC ; qu'en affirmant, pour entrer en voie de condamnation à l'égard de la société SEJAC, que les portiers disposaient d'une délégation de pouvoirs de fait tout en constatant que ces mêmes portiers bénéficiaient d'une large marge de manoeuvre, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

3°) alors qu'il en est d'autant plus ainsi que si la cour a relevé que les salariés de la société assistaient aux réunions au cours desquelles la politique de la société était évoquée, elle n'a à aucun moment constaté que des consignes auraient été données à l'occasion de ces réunions en matière de sélection des personnes se présentant à l'entrée ; qu'ainsi, la cour n'a pas légalement justifié sa décision ;

Attendu que, pour retenir la responsabilité pénale de la personne morale, l'arrêt énonce que la discrimination a été commise par deux de ses salariés, MM. J et K, qui disposaient d'une délégation de pouvoirs de fait, de la compétence et des moyens nécessaires pour sélectionner en son nom les clients admis à entrer dans la discothèque, en agissant, avec une large marge de manoeuvre, conformément aux conditions d'accès à l'établissement et à la politique de la société, telle qu'elle était rappelée par son gérant à l'occasion de réunions auxquelles ces salariés assistaient ; que les juges en déduisent que l'infraction a été commise pour le compte de la société par ses représentants ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, déduits de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, desquels il résulte que MM. J et K étaient investis d'une délégation de pouvoirs de fait, la cour d'appel, qui a caractérisé à la charge de la société prévenue l'infraction de discrimination, commise, pour son compte, par ses représentants, a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 121-2 du code pénal ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche en ce qu'il critique un motif surabondant, ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.