Cass. 3e civ., 9 juillet 2003, n° 02-15.061
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
M. Peyrat
Avocat général :
M. Bruntz
Avocats :
SCP Peignot et Garreau, SCP Delaporte, Briard, Trichet
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 21 janvier 2002), que Mme X..., agissant en qualité d'usufruitière de divers biens immobiliers dont la nue-propriété appartenait à son fils Jean-Jacques X..., a donné à bail à M. Y..., le 1er octobre 1970, divers bassins destinés à la culture du cresson et des maisons d'habitation ; que le bail a été régulièrement renouvelé ; que, par ailleurs, un nouvel immeuble d'habitation était construit et que M. Jean-Jacques X..., qui en était le seul propriétaire, Mme X... ayant abandonné son usufruit, le donnait à bail le 4 août 1980 aux époux Y... ; que les consorts X... décidaient de procéder à la vente de leurs biens ; que les époux Y... assignaient alors leur bailleresse aux fins, pour exercer leur droit de préemption, de faire préciser la contenance exacte et la détermination des parcelles données à bail ainsi que leur valeur vénale et de faire dire que le bail d'habitation qui leur avait été consenti le 4 août 1980 en remplacement du droit d'habitation reconnu en 1970 sur un immeuble vétuste faisant partie de ce premier bail, était un accessoire du bail rural ;
Attendu que les consorts X... et l'Union départementale des associations familiales d'Indre-et-Loire (UDAF), curatrice de Mme X..., font grief à l'arrêt de dire que le bail portait sur l'immeuble à usage d'habitation, alors, selon le moyen, que si l'action en nullité se prescrit par le délai fixé par la loi, l'exception de nullité, en revanche, ne se prescrit pas car elle est perpétuelle ; qu'en l'espèce, l'exception de nullité, opposée par le nu-propriétaire aux preneurs, les époux Y..., qui sollicitaient l'exécution du bail du 1er octobre 1970 pour tenter de faire juger que la maison d'habitation en litige constituait un accessoire de ce bail, revêtait un caractère perpétuel, ce qui autorisait M. Jean-Jacques X... à s'en prévaloir après que le délai de l'action fût expiré ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation des articles 595, alinéa 4, et 1304 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. X..., nu-propriétaire, avait eu connaissance du bail du 1er octobre 1970, dont il n'est pas contesté qu'il ait été exécuté, plus de cinq ans avant la saisine du tribunal paritaire des baux ruraux, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne pouvait en poursuivre la nullité, même agissant par voie d'exception ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que les consorts X... et l'UDAF font grief à l'arrêt de dire que le bail du 4 août 1980, renouvelé en 1984, portait sur l'immeuble à usage d'habitation, alors, selon le moyen :
1) que si, à défaut de congé, le bail rural est renouvelé pour une durée de neuf ans aux clauses et conditions du bail précédent, en revanche, en présence de conventions contraires, les parties doivent être signalées comme ayant conclu une location juridiquement distincte de la précédente ; qu'en l'espèce, le bail conclu suivant acte authentique, reçu le 27 novembre 1979, par les consorts X... au profit des deux époux Y..., qui portait sur des biens différents de ceux faisant l'objet du bail du 1er octobre 1970, moyennant un montant de fermage également nouveau, constituait bien une location radicalement distincte de la précédente ; que, dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 411-50 du Code rural et 1134 du Code civil ;
2) que les juges doivent donner aux conventions leur véritable qualification juridique en s'attachant à la volonté des parties contractantes telle qu'elle s'exprime lors de leur conclusion ; qu'en l'espèce, les parties avaient conclu deux contrats distincts, dont les termes étaient clairs et précis : le premier, reçu par Me Ricard le 27 novembre 1979, constituait un bail rural, portant sur une exploitation de cressonnières, soumis aux dispositions du statut de fermage ; le second, conclu par acte sous seing privé le 4 août 1980, renouvelé le 25 juin 1984, était un bail d'habitation, soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du bail du 9 août 1980 et de l'acte du 25 juin 1984, a violé l'article 1134 du Code civil ;
3) qu'en toute hypothèse, en statuant comme elle l'a fait, sans même s'expliquer sur le lien susceptible d'exister entre les biens à vocation agricole donnés à bail et la nouvelle maison d'habitation faisant l'objet du bail d'habitation conclu en 1980, puis renouvelé en 1984, la cour d'appel n'a pas, de ce chef également, donné une base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant exactement relevé que faute de congé, les baux authentiques postérieurs n'étaient que des renouvellements du bail de 1970, que le bail rural du 1er octobre 1970 comprenait des maisons d'habitation et stipulait que le preneur lui-même devrait habiter continuellement lesdites maisons, qu'il ressortait d'une attestation que M. X... s'était engagé en 1978 à faire construire un logement pour les preneurs alors que ceux-ci occupaient une habitation vétuste, que les époux Y..., demeurant dans cette maison, continuaient à vivre sur l'exploitation, alors que pareille obligation avait été imposée au preneur, à suivre les stipulations du bail de 1970, la maison délaissée devenant de l'aveu même de Mme X... et de son fils une dépendance de l'exploitation même si elle n'était pas mentionnée aux divers baux authentiques qui se succédèrent à partir de 1979, la cour d'appel a, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que le caractère sommaire et l'absence de concordance entre les divers baux rendaient nécessaire, légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.