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Décisions

Cass. 3e civ., 26 janvier 2017, n° 14-29.272

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocat :

SCP Monod, Colin et Stoclet

Rapporteur :

M. Barbieri

Avocat général :

M. Sturlèse

Poitiers, du 30 sept. 2014

30 septembre 2014

En application de l'article 1015-1 du code de procédure civile, la troisième chambre civile a posé la question suivante :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 30 septembre 2014), que Samuel X... est décédé le 22 juillet 1968, en laissant pour lui succéder M. X..., son fils, Mme X..., épouse Y..., sa fille, et Mmes X..., ses petites-filles, venant par représentation de leur père prédécédé, Raymond X... ; qu'un arrêt du 17 octobre 1995 a ordonné la liquidation et le partage de la succession de Samuel X... ; que M. X..., placé en liquidation des biens par jugement du 25 avril 1988, a consenti des baux ruraux sur des parcelles dépendant de l'indivision successorale ; que le syndic a saisi le juge de l'exécution en inopposabilité des baux à la liquidation des biens et aux enchérisseurs potentiels ;

Sur le premier moyen, après avis de la chambre commerciale pris en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile et après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code :

Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l'arrêt de déclarer l'action recevable, alors, selon le moyen, que les dispositions de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu'en jugeant que l'action de M. Z..., ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. X..., n'était pas prescrite, dès lors que les délais de prescription résultant de la loi du 17 juin 2008 étaient en cours à la date de la délivrance des assignations, les 31 octobre 2012, 5 et 6 novembre 2013 et 1er et 4 février 2013, sans rechercher si, à la date de ces assignations, le délai écoulé depuis le 24 février 2004, date à laquelle Me Z... avait été informée de l'existence du bail conclu avec M. A..., excédait le délai de prescription précédemment applicable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 ;

Mais attendu qu'en application de l'article 15 de la loi du 13 juillet 1967, applicable en la cause, les actes accomplis par le débiteur en liquidation des biens au mépris de son dessaisissement sont inopposables à la masse des créanciers et le syndic, représentant celle-ci, doit agir, pour faire prononcer l'inopposabilité d'un tel acte, dans le délai de prescription prévu, avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, par l'ancien article 2262 du code civil et, depuis l'entrée en vigueur de cette loi, par l'article 2224 du même code ; que, dans les deux cas, le point de départ du délai de prescription est le jour où le syndic a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l'existence de l'acte litigieux ; que, selon l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008, les dispositions de la loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; que, n'étant pas contesté que le syndic avait été informé de l'existence des baux litigieux le 24 février 2004, la cour d'appel a relevé que celui-ci avait saisi le juge de l'exécution par des assignations délivrées en octobre et novembre 2012 et février 2013 ; qu'il en résulte que, la prescription étant toujours en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 qui en a réduit le délai de trente à cinq ans, l'action en inopposabilité du syndic n'était pas prescrite dès lors qu'elle avait été introduite dans le délai de cinq ans suivant l'entrée en vigueur de la loi et que la durée totale du délai écoulé n'excédait pas le délai de prescription précédemment applicable ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l'arrêt de constater l'absence de justification de tout bail opposable à la liquidation des biens, à l'ensemble des indivisaires et aux acquéreurs, alors, selon le moyen :

1°) que devant la cour d'appel, M. X... et Mme Y... avaient fait valoir que le bail rural conclu par l'un des indivisaires en violation de la règle de l'unanimité lui est opposable et qu'il est donc également opposable à son liquidateur qui, agissant ès-qualités, n'exerce que les droits et actions du débiteur ; qu'ils avaient par ailleurs fait état d'éléments destinés à démontrer l'existence et la date de conclusion des baux ; qu'en retenant que M. X... et Mme Y... ne développent « aucune argumentation en cause d'appel » sur l'opposabilité des baux litigieux, la cour d'appel a dénaturé leurs conclusions d'appel en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°) qu'en jugeant, par motifs adoptés, que, faute de date certaine, le bail conclu avec M. A... était inopposable au liquidateur, sans répondre aux conclusions d'appel faisant état de nouveaux éléments pour établir la date à laquelle ce bail avait été conclu, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) que les baux conclus par un indivisaire seul sont opposables aux adjudicataires qui en ont eu connaissance avant la vente ; qu'en jugeant par motifs adoptés que les baux consentis à M. C... et à M. A... étaient inopposables aux acquéreurs éventuels, en tant que l'un a été conclu après l'ouverture de la procédure collective de M. X... et que l'autre n'avait pas date certaine faute pour les dires de M. A... d'être corroborés par d'autres preuves, tandis que ces baux étaient nécessairement antérieurs à la licitation de l'immeuble de sorte qu'ils seraient opposables aux acquéreurs qui en auraient connaissance, la cour d'appel a violé les articles 1328 et 1743 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs adoptés, à bon droit qu'un bail à ferme ne peut être consenti sur un bien indivis qu'à l'unanimité des coïndivisaires et souverainement qu'aucune preuve d'un accord unanime n'était rapportée, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a exactement déduit que les baux, consentis sans pouvoir par M. X... en liquidation des biens, étaient inopposables tant au syndic qu'aux autres indivisaires et aux acquéreurs éventuels ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.