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Décisions

CA Paris, 3e ch. B, 3 février 2005, n° 04/13912

PARIS

Ordonnance

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sasim Immo (Sarl)

Défendeur :

Sacif et A (Sa)

Paris, du 17 juin 2002

17 juin 2002

Aux termes d'un acte sous seing privé du 17 juin 2002, la société Immobilière Socosan a confié à la société Sasim Immo un mandat sans exclusivité de vendre des immeubles sis 10, 12 et 12 bis rue Duphot, à Paris 1er, moyennant le prix de 8.842.043 euro, outre le montant de l'éviction de 121 959 euro, une rémunération de 3 % HT étant prévue à la charge de l'acheteur.

Suivant un acte sous seing privé du 25 juillet 2002 rédigé par M. Deis, notaire à Paris, et un avenant du lendemain, la société Immobilière Socosan a promis de vendre au prix de 8.689.594 euro, les biens susmentionnés à la société Saqqara, qui a accepté la promesse le même jour, s'est réservé la faculté d'acquérir et s'est engagée à verser une indemnité d'immobilisation de 868 959,40 euro. L'acte dactylographié énonçait, à la clause “ négociation “, que l'acquéreur devrait s'acquitter de la commission à sa charge due à l'agence ACVH, d'un montant de 129 581 euro, et il était ajouté de manière manuscrite: “ et à la société Sasim 14 rue de Rivoli pour la même somme de 129 581 euro TTC “. Le même acte stipulait que la bénéficiaire pourrait se substituer dans le bénéfice de la promesse toute personne morale de son choix, à titre gratuit, et que substituée et substituante resteraient solidairement tenues des engagements souscrits en faveur du promettant.

Cet acte n'a pas été enregistré et a été déposé au rang des minutes de M. Deis le 10 octobre 2002.

En vertu d'un acte intitulé “convention de prêt“ en date du 13 décembre 2002, la société Saqqara et la société Sacif ont exposé que la première s'était substitué la seconde dans le bénéfice de la promesse et qu'elle lui consentait un prêt d'un montant de 871 357 euro correspondant au montant de l'indemnité d'immobilisation par elle versée le 23 octobre 2002,

Selon acte reçu le 16 décembre 2002 par M. Rochelois, notaire à Paris, avec la participation de M. Latour, notaire à Périgueux, la vente a été conclue entre la société Immobilière Socosan et la société Sacif.

Le même jour, une convention de séquestre a été signée entre la société AVCH, la société Sasim et la société Sacif, les deux premières déclarant qu'elles étaient intervenues pour permettre la cession susdite, que des honoraires leur étaient dus respectivement pour 129.581 euro et qu'en l'absence de justification fondant ces demandes, la société Sacif acceptait de séquestrer ces deux sommes entre les mains de M. Latour jusqu'à la démonstration du bien fondé juridique et fiscal de ces commissions.

La société AVCH a, en vertu d'un protocole transactionnel conclu le 14 janvier 2003 avec la société Sacif, renoncé à percevoir une commission.

Alléguant que la société Saqqara et la société Sacif n'avaient pas respecté leurs obligations à son égard, la société Sasim Immo a, le 17 janvier 2003, fait assigner ces sociétés ainsi que la SCP Rochelois Benoit Besins Gouguenheim et M. Latour en paiement solidaire de la somme de 129 581 euro au titre des honoraires qui lui étaient dus, outre des dommages-intérêts.

C'est dans ces conditions que, par jugement du 3 avril 2003, le tribunal de grande instance de Paris a débouté la société Sasim Immo de ses demandes, dit que M. Latour devait remettre à la société Sacif les fonds séquestrés en son étude, soit 129 581 euro, condamné la société Sasim Immo à payer à la société Sacif les intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 16 décembre 2002 jusqu'à restitution effective, condamné la société Sasim Immo à verser à chacun des défendeurs la somme de 1 000 euro par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, outre les dépens.

La société Sasim Immo poursuit l'infirmation de ce jugement, demandant à la Cour de :

-  vu les articles 1142, 1147, 1152 et 1382 du code civil ,

-  juger que la promesse de vente est valide compte tenu du caractère synallagmatique des obligations en sorte que l'article 1840 A du code général des impôts ne peut trouver application ;

-  constater la substitution opérée entre la société Saqqara et la société Sacif ;

-  constater la validité du mandat de vente du 17 juin 2002 et la validité de son droit à commission;

-  constater que la société Sacif solidairement avec la société Saqqara n'ont pas respecté leurs obligations contractuelles à son égard ;

-  constater que la SCP Rochelois Benoit Besins Gouguenheim, M. Latour et la SCP Pichon Deis, cette dernière appelée en intervention forcée devant la Cour, ont commis une faute professionnelle en ne prévoyant pas un acte de substitution conforme ;

-  condamner solidairement la société Sacif, la société Saqqara, la SCP Rochelois Benoit Besins Gouguenheim, M. Latour et la SCP Pichon Deis à lui payer la somme de 129 581 euro au titre des honoraires correspondant à la commission à elle due, sous astreinte de 152,67 euro par jour de retard à compter du prononcé du jugement ;

-  condamner les mêmes solidairement au versement de la somme de 7 622 euro à titre de dommages-intérêts pour le préjudice distinct et celle de 7 622 euro par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Sacif conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société Sasim Immo à lui régler la somme de 6 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Saqqara conclut dans les mêmes termes.

La SCP Rochelois Benoit Besins Gouguenheim requiert la confirmation du jugement déféré et la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 3 000 euro pour couvrir ses frais irrépétibles.

M. Latour sollicite la confirmation de la décision entreprise et la condamnation de la société Sasim Immo au paiement de la somme de 5.000 euro à titre de dommages-intérêts en application de l'article 1382 du code civil et de celle de 8.000 euro en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Il fait valoir qu'il s'est dessaisi des fonds séquestrés en exécution d'une ordonnance de référé en date du 7 août 2003 et qu'il convient, en conséquence, d'ordonner sa mise hors de cause.

La SCP Pichon Deis prie la Cour de déclarer irrecevable, par application de l'article 555 du nouveau code de procédure civile, son intervention forcée et, en toute hypothèse, au visa de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, de juger que l'absence de droit à commission a pour cause l'absence de mention de cette commission dans l'acte de vente lui-même. Elle demande la condamnation de la société Sasim Immo à lui régler la somme de 4 000 euro par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE,

LA COUR,

Considérant qu'aucune évolution du litige ne permet l'intervention forcée de la SCP Pichon Deis en cause d'appel; que, conformément à l'article 555 du nouveau code de procédure civile, cette intervention est irrecevable;

Considérant qu'en vertu de l'article 1840 A du code général des impôts, est nulle et de nul effet toute promesse unilatérale de vente afférente à un immeuble si elle n'est pas constatée par un acte authentique ou par un acte sous seings privés enregistré dans le délai de dix jours à compter de la date de son acceptation par le bénéficiaire ;

Que la nullité résultant de l'inobservation de la règle d'ordre public édictée par ce texte ne peut être couverte par la renonciation même expresse des parties ;

Considérant que la promesse de vente consentie par la société Immobilière Socosan à la société Saqqara les 25 et 26 juillet 2002 est unilatérale, la bénéficiaire s'étant réservé la faculté d'acquérir si bon lui semblait sans prendre l'engagement d'acquérir, en sorte que l'acte ne faisait peser sur elle aucune obligation liée à la vente et qu'il ne peut, dès lors, être requalifié en promesse synallagmatique ;

Que l'indemnité d'immobilisation égale à 10 % du prix de vente stipulée à la charge de la société Saqqara n'était pas d'une importance telle qu'elle aurait contraint cette dernière à acquérir; qu'elle ne pouvait donc priver la promesse de son caractère unilatéral ;

Que la présence d'une clause autorisant la substitution n'était pas davantage susceptible de conférer à la promesse un caractère synallagmatique, alors d'ailleurs qu'une semblable clause établit qu'aucune vente caractérisant un contrat synallagmatique n'est intervenue entre le promettant et le bénéficiaire, celui-ci étant précisément susceptible de ne pas acquérir ;

Qu'il n'est pas démontré que la société Saqqara aurait levé l'option dans les dix jours de son acceptation de la promesse et aurait ainsi transformé celle-ci en un contrat de vente, étant observé que l'indication, dans la convention de prêt conclue le 13 décembre entre la société Saqqara et la société Sacif, que la première aurait commencé à commercialiser les immeubles ne prouve pas qu'une telle commercialisation aurait été réalisée dans le délai susdit ;

Qu'il s'ensuit que, faute d'avoir été enregistrée avant le 4 août 2002, la promesse a été frappée d'une nullité absolue 

Que, dès lors, le dépôt de cet acte nul au rang des minutes de M. Deis opéré le 10 octobre 2002 n'a pu produire aucun effe ;

Considérant que, par voie de conséquence, d'une part, la société Sasim Immo ne peut se prévaloir, pour prétendre au paiement d'honoraires, de la substitution de la société Sacif à la société Saqqara dans le bénéfice d'une promesse de vente qui était devenue nulle, d'autre part, elle soutient vainement que la SCP Rochelois Benoit Besins Gouguenheim ou M. Latour, dont il n'est pas prétendu qu'ils auraient connu l'existence de la promesse avant la date susmentionnée du 4 août 2002, auraient commis une quelconque faute, notamment en n'établissant pas un acte de substitution entre la société Saqqara et la société Sacif, lequel aurait été en toute hypothèse dénué d'effet au regard de la promesse atteinte de nullité ;

Considérant qu'au surplus, la société Sasim Immo ne démontre par aucun document probant qu'elle aurait mis la société Saqqara en relations avec la société Immobilière Socosan et serait en droit de percevoir à ce titre une rémunération, étant relevé que la mention manuscrite de la promesse relative à une commission à elle due, dont la société Saqqara et la société Sacif dénient avoir eu connaissance, n'a été ni paraphée par les parties ni citée en fin d'acte au nombre des ajouts ;

Considérant qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement qui a débouté la société Sasim Immo de l'ensemble de ses demandes ;

Considérant qu'il n'est pas démontré que la société Sasim Immo aurait agi avec une légèreté blâmable ou dans l'intention de nuire; qu'il n'y a donc pas lieu à dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que les premiers juges ont fait une juste application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, mais que ni l'équité ni la situation économique des parties ne justifient une mise en oeuvre complémentaire de ce texte en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

Déclare irrecevable l'intervention forcée de la SCP Pichon Deis en cause d'appel ;

Confirme le jugement déféré ;

Rejette toute autre demande ;

Met à la charge de la société Sasim Immo les dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.