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Décisions

Cass. com., 6 mai 2002, n° 99-12.969

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Défendeur :

MCA Centre de diffusion de la méthode champenoise automatisée GIE (Sté), Oeno concept (SA), Sameto technifil (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Garnier

Avocat général :

M. Feuillard

Avocats :

SCP Christian et Nicolas Boullez, SCP Vincent et Ohl, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Paris, 4e ch. civ. A, du 13 janv. 1999

13 janvier 1999

Joint les pourvois n° S 99-12.969 et n° X 99-12.974 qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 13 janvier 1999), que MM. X et Y ont déposé à l'INPI le 30 avril 1969 le brevet n° 69 13 803 ayant pour objet "un appareil de remuage permettant le traitement du vin selon la méthode champenoise" et le 16 mai 1979 un brevet n° 79 12 443 portant sur "un appareillage permettant le traitement du vin selon la méthode champenoise" avec demande de certificat d'addition déposé le 12 juillet 1979 ; que par contrat du 3 décembre 1979, inscrit au registre national des brevets le 25 février 1981 et modifié par avenant du 17 avril 1984, MM. X et Y ont confié au GIE Méthode champenoise automatisée (GIE MCA) la licence exclusive d'exploitation de ces deux brevets avec transfert du savoir-faire et assistance technique ; que par arrêt du 16 février 1989, devenu irrévocable, la cour d'appel a rejeté l'appel formé contre le jugement du tribunal ayant annulé le brevet n° 69 13 803 ; qu'ultérieurement, le GIE MCA et la société Oeno concept, titulaire d'un contrat de sous licence des brevets susvisés, ont assigné MM. X et Y, et la société Sameto cessionnaire de leurs droits sur les brevets, en remboursement des redevances versées au titre du brevet annulé entre la décision du tribunal et l'arrêt confirmatif de la cour d'appel ; que la cour d'appel a condamné les consorts X, venant aux droits de M. X décédé et M. Y au remboursement de ces redevances ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° X 99-12.974 formé par M. Y, pris en sa quatrième branche, qui est préalable :

Attendu que M. Y fait grief à l'arrêt de sa condamnation à paiement, alors, selon le moyen, que la décision d'annulation d'un brevet n'a force de chose jugée que lorsqu'elle n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution ; que la cour d'appel qui a jugé que l'annulation du brevet n° 69 13 803 devait produire effet en vertu de l'arrêt confirmatif du 16 février 1989 à compter du jugement du 25 mars 1986, bien que ce jugement n'eût pas été assorti de l'exécution provisoire, a violé les articles L. 613-27 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble les articles 500 et 539 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que si une décision frappée d'appel est en principe suspendue quant à son exécution jusqu'à ce que la juridiction du second degré ait statué, elle n'en constitue pas moins un titre susceptible de recouvrer tous ses effets en cas de mise à néant de l'appel ; que la cour d'appel ayant, par une décision devenue irrévocable, rejeté l'appel formé contre le jugement ayant prononcé l'annulation du brevet n° 69 13 803, c'est à bon droit que l'arrêt attaqué a estimé que la nullité du brevet litigieux avait été prononcée par jugement du 25 mars 1986 ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches et le troisième moyen, pris en sa troisième branche du pourvoi n° S 99-12.969, formé par les consorts X, les moyens étant réunis :

Attendu que les consorts X font grief à l'arrêt de leur condamnation à paiement, alors, selon le moyen :

1°) que la cour d'appel ne pouvait écarter des débats la contestation du GIE MCA sur l'apport du savoir faire communiqué au licencié par les concédants pour permettre l'exploitation de la technologie cédée en raison de sa tardiveté, tout en faisant droit implicitement aux demandes du GIE MCA en ne statuant pas sur cette question et en considérant contrairement à la décision des premiers juges que les redevances correspondaient uniquement à l'exploitation du brevet annulé, à l'exclusion du transfert de savoir faire et à l'assistance technique, qu'en statuant ainsi la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé ensemble les articles 4 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2°) que le contrat comportait cession de la licence de deux brevets, du savoir faire et d'une assistance technique, qu'en considérant que le litige porté devant la cour d'appel opposait les parties essentiellement sur le remboursement de la somme de 1 637 849,91 francs sans rechercher si cette somme ne correspondait pas - comme l'avaient pourtant reconnu les juges du fond - à la redevance payée non seulement pour l'exploitation du brevet annulé mais aussi pour le transfert de savoir faire et l'assistance technique dont la contestation par le GIE MCA avait été écartée des débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

3°) que les consorts X avaient sollicité la confirmation du jugement dans son intégralité, qu'en ne statuant pas sur le fait de savoir si les redevances n'étaient pas justifiées par le seul transfert de savoir faire et l'assistance technique comme l'avaient reconnu les juges du fond tout en ayant expressément écarté les conclusions du GIE MCA sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4°) qu'en condamnant les concédants à reverser au licencié l'intégralité des redevances sans avoir recherché la part que représentait au sein de ses redevances la transmission du savoir faire, l'assistance technique et l'exploitation de l'autre brevet, la cour d'appel a privé sa décision de bases légales au regard de l'article 1376 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'en statuant comme elle a fait au vu des écritures régulièrement déposées par les parties, la cour d'appel n'a méconnu ni l'objet du litige ni le principe de la contradiction ;

Attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que l'annulation du brevet n° 69 13 803 prononcé par le jugement du 25 mars 1986 devait avoir comme conséquence de rendre partiellement sans cause le contrat de licence du 3 décembre 1979 en ce qu'il se rapportait au brevet annulé, la cour d'appel qui n'avait pas à effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérantes, a, sans méconnaître l'objet du litige, répondu aux conclusions prétendument éludées et a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit, que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° S 99-12.969 des consorts X, pris en ses deux branches :

Attendu que les consorts X font le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°) que la clause d'un contrat de licence d'exploitation de brevet, qui prévoit qu'en cas de contestation de la validité du brevet les redevances pourront être consignées entre les mains d'un tiers et restituées au licencié en cas d'annulation mais qu'à défaut si elles sont versées au concédant, elles lui seront définitivement acquises, n'est pas dépourvue de cause si plusieurs années après la conclusion du contrat le brevet est annulé, en considérant le contraire et en déclarant nulle une telle clause, la cour d'appel a violé la loi des parties et l'article 1134 du Code civil ;

2°) que l'annulation du brevet plusieurs années après la conclusion d'un contrat de licence d'exploitation n'entraîne pas l'annulation rétroactive du contrat de licence si ce contrat a reçu une exécution, qu'en omettant de rechercher si le GIE MCA avait ou non exploité la licence du brevet annulé et si il avait profité de cette situation, la cour d'appel de Paris a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 613-27 du Code de la propriété intellectuelle et 1371 du Code civil

Mais attendu qu'ayant à bon droit relevé que l'annulation du brevet n° 69 13 803 avait rendu partiellement sans cause le contrat de licence en ce qu'il se rapportait à ce brevet, la cour d'appel, en ordonnant le remboursement des redevances versées postérieurement à la décision d'annulation de ce brevet, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux premières branches du pourvoi n° S 99-12.969 formé par les consorts X et le moyen unique, pris en ses trois premières branches du pourvoi n° X 99-12.974 relevé par M. Y, les moyens étant réunis :

Attendu que les consorts X et M. Y font encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon les moyens :

1°) que le paiement d'une redevance pour l'exploitation d'une licence d'un brevet qui est postérieurement annulé n'a par lui-même un effet incompatible avec l'article 85 du traité de Rome dès lors que le licencié n'était pas concurrencé en exploitant le brevet jusqu'à son annulation ; qu'en omettant de rechercher, comme elle y avait pourtant été invitée, si le GIE MCA avait exploité la licence du brevet annulé postérieurement et si cette exploitation ne s'était pas réalisée en l'absence de toute concurrence jusqu'à la fin de l'instance en contestation du brevet

- ce qui avait d'ailleurs permis au GIE MCA de réaliser d'importants bénéfices - tout en affirmant que les redevances avaient été indûment payées sans justification et sans contrepartie économique, ce qui a eu pour conséquence d'affaiblir la position du GIE MCA par rapport à ses concurrents ; la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 85 du traité de Rome ;

2°) que le contrat comportait cession de la licence de deux brevets, du savoir faire et d'une assistance technique, qu'en omettant de rechercher si la licence d'exploitation valable sur au moins l'un des deux brevets, le transfert de savoir faire et l'assistance technique dont le GIE MCA n'a jamais contesté l'apport ne justifiaient pas à eux seuls comme l'avaient expressément relevé les premiers juges le paiement de la redevance et l'absence de caractère anticoncurrentiel de celle-ci, qu'en affirmant le contraire et en condamnant les concédants aux remboursements des redevances, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 85 du traité de Rome ;

3°) que le droit communautaire ne fait pas obstacle à ce que les redevances versées en vertu d'une licence de brevet avant que sa nullité ne soit prononcée par une décision définitive restent acquises au concédant ; que la cour d'appel qui, pour ordonner la restitution de redevances versées par un licencié durant l'instance en annulation d'un brevet, a jugé nulle au regard de l'article 85 1 du traité de Rome la clause d'un contrat de licence de brevet stipulant qu'en cas d'action en nullité de droits de propriété industrielle objet du contrat, toutes sommes payées aux concédants leur seront acquises définitivement quoi qu'il arrive, a violé les dispositions de ce texte ;

4°) que le droit communautaire ne fait pas obstacle à ce que les redevances versées au concédant en vertu d'une licence de brevet durant l'instance en annulation de ce brevet restent acquises au concédant dès lors que le contrat de licence permet au licencié de cantonner les sommes dues au titre des redevances en cas d'action en nullité des droits de propriété industrielle ; que la cour d'appel qui, pour ordonner la restitution de redevances versées par un licencié durant l'instance en annulation d'un brevet, a jugé nulle au regard de l'article 85 1 du traité de Rome la clause d'un contrat de licence de brevet stipulant qu'en cas d'action en nullité de droits de propriété industrielle objet du contrat, toutes sommes payées aux concédants leur seront acquises définitivement quoi qu'il arrive, tout en constatant que la clause permettait au licencié de cantonner les sommes dues au titre des redevances, et se bornait à exclure la répétition des sommes versées aux concédants, a derechef violé les dispositions de ce texte ;

5°) que l'effet rétroactif de la nullité du brevet n'emporte obligation pour le breveté de rembourser au licencié les redevances acquittées qu'autant que celui-ci n'a tiré aucun avantage du contrat ; que la cour d'appel qui, pour ordonner la restitution de redevances versées par un licencié durant l'instance en annulation d'un brevet, a retenu que les conséquences résultant de l'annulation du brevet concédé faisaient que le licencié ne l'avait en fait jamais valablement et régulièrement exploité et qu'il ne saurait par conséquent être condamné à payer des redevances aux concédants en l'absence de fourniture par ceux-ci d'une juste contrepartie, sans rechercher si, concrètement, le licencié n'avait pas bénéficié d'une situation de monopole dans l'exploitation, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1131 et 1371 du Code civil ;

Mais attendu que les moyens qui attaquent des motifs surabondants de l'arrêt ne peuvent être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.