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Décisions

Cass. com., 4 juin 2002, n° 00-11.857

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Hilti France (SA)

Défendeur :

Mupro GMBH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Semeriva

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Thomas-Raquin et Benabent, Me Bertrand

Paris, 4e ch. civ. B, du 19 nov. 1999

19 novembre 1999

Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. X est titulaire d'un brevet européen numéro 0319521, désignant la France et décrivant un collier de serrage caractérisé notamment, selon sa revendication numéro 1 par une rondelle mobile venant se placer sous la tête de la vis avant le serrage, et, selon sa revendication numéro 2, par le fait que cette rondelle est maintenue par une liaison par la forme lorsque la vis est serrée ; qu'agissant aux côtés de la société Mupro, à laquelle il a consenti une licence exclusive d'exploitation, M. X a agi contre la société Hilti France en contrefaçon de ce brevet ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Hilti France fait grief à l'arrêt attaqué de déclarer valable la revendication numéro 1 du brevet européen 0319521 et, par voie de conséquence, d'accueillir l'action en contrefaçon de cette revendication diligentée par M. X et la société Mupro, alors, selon le moyen, que dans ses conclusions récapitulatives devant la cour d'appel, la société Hilti France faisait valoir, pour dénier toute activité inventive à la revendication numéro 1 de ce brevet, que pour conclure à la validité du brevet X, le tribunal a relevé que rondelle X présentait une structure et un mode d'installation différents de ceux de la rondelle Legrand, cette dernière comportant un trou de rotation (16) en plus du passage d'engagement (18) ; que le tribunal a ainsi considéré que la revendication 1 du brevet X devait être limitée à la structure et au mode d'installation décrits dans le brevet X et ne pouvait pas englober le moyen d'assemblage à rondelle pivotant autour d'un axe parallèle à celui de la vis décrit dans le brevet Legrand ; mais que, bien antérieurement au dépôt du brevet X, le Dictionnaire des fabrications mécaniques classait à juste titre les rondelles pivotantes utilisées dans le brevet Legrand dans la même catégorie que les rondelles fendues utilisées dans le brevet X ; qu'en effet, ces deux types de rondelle procurent le même avantage de pouvoir bloquer la vis en un faible nombre de tours ; qu'il importe peu que, pour bénéficier de cet avantage, la rondelle soit amenée sous la tête de la vis par une translation ou une rotation autour d'un axe parallèle à celui de la vis, car dans les deux cas, le passage d'engagement vient se loger latéralement sous la tête de la vis, ce qui permet un serrage de cette dernière avec un faible nombre de tours ; qu'en s'abstenant totalement de se prononcer dans son appréciation de la revendication 1 du brevet litigieux sur les enseignements procédant de ce dictionnaire des fabrications mécaniques en ce qui concerne les caractéristiques de la rondelle, laquelle fait partie, selon ses propres constatations, du dispositif breveté, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation tirée de la classification retenue par un dictionnaire technique, a déféré aux exigences du texte susvisé en analysant les termes du brevet Legrand pour conclure que ce dernier ne relevait pas du même domaine que le brevet litigieux et qu'il présentait de multiples différences dans les moyens mis en oeuvre ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles 2, 69 et 84 de la Convention de Munich du 5 octobre 1973, et les articles L. 612-6, L. 613-2 et L. 615-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu qu'après avoir relevé que le brevet mentionne à plusieurs reprises les inconvénients des solutions de l'art antérieur recourant à des vis longues, augmentant le temps de montage et suscitant, en dépassant du collier après fixation, une gêne voire un danger, l'arrêt énonce, pour condamner la société Hilti France du chef de contrefaçon de la revendication numéro 1 du brevet européen numéro 0319521, qu'alors que cette revendication ne comporte aucune précision quant à la longueur de la vis mise en oeuvre, la description, si elle mentionne les inconvénients des vis longues de l'art antérieur, indique que l'invention a pour but de créer un collier de serrage facile à manipuler et à fermer même avec une vis de serrage très courte, qu'elle n'exclut donc pas que le dispositif revendiqué puisse être mis en oeuvre avec une vis de serrage longue, et qu'il sera d'ailleurs relevé que les figures 1 et 6 du brevet représentent des vis courtes par comparaison à celle de l'antériorité DE A 33 08 459, mais d'une longueur excédant visiblement celle des vis (simplement légèrement plus longues que l'écartement à l'ouverture du collier de serrage au moment de la phase de montage) mentionnées dans l'exemple de réalisation exposé (page 5, lignes 7 à 12) dans la description ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé la description d'une invention destinée à éviter le recours à de longues vis de serrage ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Hilti France du chef de contrefaçon de la revendication numéro 1 du brevet européen 0319521, l'arrêt rendu le 19 novembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.