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Décisions

Cass. com., 18 février 1986, n° 84-12.203

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Baudoin

Rapporteur :

M. Le Tallec

Avocat général :

M. Galand

Avocat :

Me Barbey

Cass. com. n° 84-12.203

17 février 1986

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 janvier 1984), la société Hutchinson a demandé la condamnation de la société Rubberia pour contrefaçon du brevet n° 77-12512 délivré le 28 avril 1980 ayant pour titre " Perfectionnements apportés aux profilés en caoutchouc ou d'élastomères analogues pourvus de moyens de protection temporaire " ; qu'abstraction faite de la portée des droits conférés par le brevet, l'invention consiste, étant donné un profilé qui présente une certaine élasticité, à lui assurer sur une partie de sa surface une protection qui subsiste pendant le temps de montage de ce profilé sur un châssis et de traitement de celui-ci ;

Sur le premier moyen pris en ses deux branches :

Attendu que la société Rubberia fait grief à la Cour d'appel d'avoir accueilli la demande alors que, selon le pourvoi d'une part, dans la mesure où les joints d'étanchéité pour châssis constituaient - selon la description du brevet - l'objet privilégié de l'invention, cet objet essentiel devait être expressément et clairement repris dans le texte de la revendication unique qui définissait seule l'objet et l'étendue de la protection conférée par le brevet ; que l'interprétation avancée à l'aide de la description aboutit à compléter la revendication sur un point capital qui n'y figurait pas, fût-ce implicitement, s'agissant uniquement de " profilé obtenu par l'extrusion simultanée de deux matériaux élastomères présentant un faible coefficient d'adhésion mutuelle pour donner lieu à un profilé recouvert sur ses parties à protéger, d'une "peau en un matériau élastomère faiblement adhérent au matériau élastomère dont est constitué le profilé ", le degré d'adhérence étant seulement précisé par rapport à des opérations diverses, sur un châssis et une fois ces opérations terminées ; que l'arrêt a donc violé de ce chef les articles 13, alinéa 4 (devenu 14 ter), et 28 de la loi du 2 janvier 1968 et 1134 du Code civil ; et que le vice est décisif, les fabrications incriminées étant des joints d'étanchéité ; et alors que, d'autre part, l'arrêt a ajouté au texte de la revendication du brevet Hutchinson la caractéristique non visée, fût-ce implicitement, d'un matériau élastomère traité qui soit résistant à la peinture et aux solvants, comme il a ajouté aussi à l'aide de la seule description, la caractéristique technique que la " peau " en élastomère serait de " composition différente " au profilé en élastomère ; que ces adjonctions, exclusives d'interprétation de la loi de la revendication, traduisent encore une violation des articles 13, alinéa 4 (devenu article 14 ter), et 28 de la loi du 2 janvier 1968 et 1134 du Code civil ; et qu'elles sont décisives puisqu'elles fondent la nouveauté du brevet Hutchinson par rapport à l'antériorité du brevet Anaconda ;

Mais attendu que la Cour d'appel, contrairement aux affirmations du moyen, n'a pas ajouté aux revendications, mais, à bon droit, n'a fait qu'interpréter celles-ci à l'aide de la description en statuant comme elle l'a fait ; que le moyen en ses deux branches n'est pas fondé ;

Sur le second moyen pris en ses deux branches :

Attendu que la société Rubberia fait également grief à la Cour d'appel d'avoir ainsi statué alors que, selon le pourvoi, d'une part, l'arrêt n'a pas cru devoir répondre au moyen de fait invoqué aux conclusions de la société Rubberia, tiré de ce que le brevet Général Electric 74-39852 propose pour la première couche d'utiliser un produit dénommé E.V.A. qu'un dictionnaire chimique qualifie d'élastomère et prévoit pour la deuxième couche un caoutchouc de type typalon que le brevet attaqué assimile à un élastomère ; que l'arrêt a donc violé les articles 455 et 458 du nouveau code de procédure civile ; et alors que, d'autre part, l'arrêt n'a pas non plus répondu au moyen de fait, invoqué dans les mêmes conclusions, déduit de ce que le brevet Général Electric n° 75-14302 prévoit non seulement que la couche de protection est réalisée en élastomère mais cite comme composant de la première couche d'isolant le vistalon, défini par un dictionnaire chimique comme un élastomère différent ; Que l'arrêt a ainsi violé encore les mêmes textes ;

Mais attendu qu'en énonçant, d'une part, pour le brevet n° 74-39852 opposé à titre d'antériorité, qu'il ne ressortait pas de ce brevet que les composés utilisés étaient des élastomères et, d'autre part, pour le brevet n° 75-14302 que les deux couches de la gaine du câble n'étaient pas composées de deux élastomères et que de surcroît elles étaient constituées d'un matériau de même nature, la Cour d'appel a répondu aux conclusions ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.