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Décisions

Cass. crim., 6 juin 1989, n° 88-82.266

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Berthiau

Rapporteur :

Mme Guirimand

Avocat général :

M. Galand

Avocat :

M. Consolo

Nancy, ch. app. corr., du 8 mars 1988

8 mars 1988

REJET du pourvoi formé par :

- X... Angelo,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre des appels correctionnels, en date du 8 mars 1988, qui pour infractions à la réglementation protectrice de la sécurité des travailleurs, l'a condamné à 4 amendes de 3 000 francs chacune ainsi qu'à l'affichage et à la publication de la décision.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 593 du Code de procédure pénale, L 231-2, L 263-2, L 263-3, L 263-6 du Code du travail, 165, 167 et 169 du décret du 8 janvier 1965, défaut et insuffisance de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré X... coupable d'avoir enfreint les dispositions des articles 165, 167 et 169 du décret du 8 janvier 1965, l'a condamné à 4 amendes de 3 000 francs chacune et aux dépens et a ordonné la publication du jugement de première instance par extrait dans l'Est Républicain (sans que son coût excède 3 000 francs) et son affichage pendant 7 jours aux portes de l'entreprise ;

" aux motifs, propres et adoptés, que sur un chantier de la société X..., 3 ouvriers étaient occupés à des travaux de montage à une hauteur de 8 mètres, tandis qu'un autre soudait 2 éléments de charpentes à plus de 6 mètres du sol sans qu'existât un dispositif collectif de protection de manière à éviter le risque de chute dans le vide alors que sa mise en place était possible ; que 3 ouvriers ne portaient pas de casque de protection, que X..., président-directeur général de la société, indique qu'il a établi 2 délégations de pouvoirs, l'une à M. Y..., technicien de chantier, et l'autre à M. Z..., chef de file ; qu'il soutient qu'il appartenait à M. Z..., présent sur le chantier, de faire respecter les règles de sécurité, qu'il en avait la qualification et les pouvoirs ; que les 2 délégations versées aux débats sont rédigées en termes indentiques ; que la jurisprudence de la Cour de Cassation ne prévoit pas la possibilité de délégations multiples, mais exige qu'une délégation de responsabilité soit dévolue à une seule personne, celle-ci pouvant faire une subdélégation ; que les délégations faites par X... ne sont pas valables ; qu'il appartenait à celui-ci de s'assurer personnellement que les mesures de sécurité étaient prises sur le chantier ; qu'il résulte du procès-verbal de l'inspection du Travail que tel n'a pas été le cas ;

" alors que les cumuls de délégations sont licites à la condition qu'ils ne soient ni de nature à restreindre l'autorité des délégataires ni à entraver les initiatives de chacun ; qu'en se bornant à énoncer, d'une part, que la jurisprudence ne prévoit pas la possibilité de délégations multiples, d'autre part, que les délégations conférées à MM. Y... et Z... étaient rédigées en termes indentiques, qu'ainsi elles n'étaient " pas valables ", sans rechercher, en premier lieu, si ces délégations étaient certaines et dépourvues d'ambiguïté, en deuxième lieu, si elles avaient été fournies à des préposés ayant autorité sur les autres participants à l'ouvrage et pourvus des moyens nécessaires pour veiller efficacement à l'observation des consignes de sécurité, enfin, si le cumul des délégations était ou non de nature à restreindre l'autorité des délégataires et à entraver les initiatives de chacun d'eux, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des textes visés au moyen " ;

Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du procès-verbal de l'inspection du Travail que le 13 août 1985, il a été constaté sur un chantier de montage de charpentes métalliques de l'entreprise X... que des salariés travaillaient à une hauteur de 6 à 8 mètres au-dessus du sol sans dispositif collectif ni casque de protection, en infraction aux dispositions des articles 165, 167 et 169 du décret du 8 janvier 1965 relatif aux mesures particulières de sécurité concernant les établissements dont le personnel exécute des travaux du bâtiment ou concernant des immeubles ; qu'il a en outre été constaté que X..., dirigeant de l'entreprise, avait rédigé 2 délégations de pouvoirs au nom de Y..., technicien, ainsi que de Z..., présent sur le chantier en cause le 13 août 1985 mais dépourvu en réalité de tout pouvoir de décision quant à la réglementation en matière de sécurité et de tout pouvoir disciplinaire ; que Y... et X... ayant été cités à comparaître devant le tribunal correctionnel sur le fondement des textes précités, seul X... a été déclaré coupable des infractions poursuivies ;

Attendu qu'après avoir observé que X..., tout comme Y..., imputait la responsabilité des infractions à Z..., au motif qu'il était seul présent sur les lieux, la cour d'appel, confirmant le jugement entrepris dont elle a adopté les motifs, a énoncé que les 2 délégations consenties, rédigées en des termes identiques, étaient dépourvues de validité, puisque toute délégation de pouvoirs ne peut être dévolue qu'à un seul préposé, sauf, pour celui-ci, à recourir à une subdélégation ; que ladite Cour a ajouté que dans ces conditions, il appartenait à X... de s'assurer personnellement de la mise en oeuvre des mesures de sécurité nécessaires sur le chantier considéré ;

Attendu qu'en cet état les juges du fond ont donné une base légale à leur décision ; qu'en effet, si le chef d'entreprise a la faculté de déléguer la direction d'un chantier à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour veiller efficacement à l'observation des dispositions en vigueur, il ne peut en revanche déléguer ses pouvoirs à plusieurs personnes pour l'exécution d'un même travail, un tel cumul étant de nature à restreindre l'autorité et à entraver les initiatives de chacun des prétendus délégataires ;

Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.