Livv
Décisions

Cass. crim., 7 janvier 1981, n° 80-90.249

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Thomson Brandt (Sté), Sodame (Sté), Sdrm (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mongin

Rapporteur :

M. Monzein

Avocat général :

M. Guilloré de la Landelle

Avocat :

Me Célice

Grenoble, du 20 déc. 1979

20 décembre 1979

VU LE MEMOIRE PRODUIT ;

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 2 ET 3 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, I ET 44 DE LA LOI DU 27 DECEMBRE 1973, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE ;

EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECIDE QUE LES SOCIETES THOMSON-BRANDT, SURMELEC, SDRM ET SODAME N'ETAIENT PAS RECEVABLES A AGIR PAR LA VOIE DE L'ACTION CIVILE SUR LA BASE DE L'ARTICLE 44 DE LA LOI DU 27 DECEMBRE 1973 POUR FAIRE SANCTIONNER LES AGISSEMENTS PUBLICITAIRES D'UNE SOCIETE DE DISTRIBUTION ;

AUX MOTIFS QUE SI, CONTRAIREMENT A LA THESE DU PREVENU, L'EXERCICE DE L'ACTION CIVILE N'ETAIT PAS, EN MATIERE DE PUBLICITE MENSONGERE, RESERVE AUX SEULS CONSOMMATEURS, IL N'EN DEMEURAIT PAS MOINS QUE LA SOCIETE THOMSON-BRANDT ET SES FILIALES ETAIENT SOIT FABRICANTES, SOIT DISTRIBUTRICES DES MATERIELS VISES DANS LA PUBLICITE DIFFUSEE PAR X... ET QUE, DES LORS, ELLES NE POUVAIENT ETRE CONSIDEREES COMME DES SOCIETES CONCURRENTES, CE QUI LES RENDAIT IRRECEVABLES A SE PREVALOIR D'UN TEXTE RELATIF A L'AMELIORATION DES CONDITIONS DE LA CONCURRENCE ;

ALORS, D'UNE PART, QU'APRES AVOIR REFUSE DE LIMITER AUX SEULS CONSOMMATEURS L'EXERCICE DE L'ACTION CIVILE AFFERENTE AU DELIT DE L'ARTICLE 44 PRECITE, LA COUR D'APPEL NE POUVAIT, SANS AJOUTER A LA LOI DU 27 DECEMBRE 1973 UNE DISPOSITION QUI N'Y FIGURE PAS, LIMITER L'EXERCICE DE CETTE ACTION CIVILE A LA DEFENSE DES SEULS INTERETS DE SOCIETES QUI SERAIENT CONCURRENTES ENTRE ELLES, L'INTITULE D'UN CHAPITRE DE LA LOI N'ETANT D'AILLEURS PAS DE NATURE A ECARTER LES DISPOSITIONS DES ARTICLES 2 ET 3 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE LA COUR D'APPEL SE CONTREDIT RADICALEMENT EN ECARTANT CERTAINES SOCIETES DU GROUPE THOMSON AU MOTIF QU'ELLES NE SERAIENT PAS CONCURRENTES DE LA SEMAVEM, TOUT EN CONSTATANT, PAR AILLEURS, QUE COMME CETTE DERNIERE, ELLES CONSTITUENT DES SOCIETES DE DISTRIBUTION ;

ALORS, ENFIN, QUE D'APRES LES REGLES REGISSANT LE DROIT COMMUN, TOUT PRODUCTEUR D'UN MATERIEL DE MARQUE DESTINE A UNE LARGE DIFFUSION EST A MEME DE SE PLAINDRE D'UNE CAMPAGNE PUBLICITAIRE DE VENTE A BON MARCHE AXEE SUR SON MATERIEL ET EFFECTUEE PAR UN DISTRIBUTEUR QUI, A DEFAUT DE LE DETENIR EN MAGASIN, NE SATISFAIT PAS AUX EXIGENCES DE L'ARTICLE 44 CONCERNANT LA SINCERITE DES MENTIONS PUBLICITAIRES RELATIVES A L'EXISTENCE ET AU PRIX DU PRODUIT, AUX CONDITIONS ET PROCEDES DE VENTE AINSI QU'AUX APTITUDES DU REVENDEUR ; QUE TEL ETAIT BIEN LE CAS EN L'ESPECE OU X... SE PRESENTAIT COMME UN GROOSSISTE VENDANT A DES PARTICULIERS DES MATERIELS A EMPORTER DES GAMMES THOMSON ET PRETENDAIT PRATIQUER DES PRIX NETTEMENT INFERIEURS A CEUX DE LA DISTRIBUTION NORMALE, MAIS N'ETAIT PAS, EN REALITE, CAPABLE DE TENIR DE TELS ENGAGEMENTS FAUTE DE DETENIR LESDITS MATERIELS, PERTURBANT AINSI DIRECTEMENT PAR SA PUBLICITE MENSONGERE LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS DES DEMANDERESSES ;

VU LESDITS ARTICLES ;

ATTENDU QUE LES JUGEMENTS OU ARRETS DOIVENT CONTENIR LES MOTIFS PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ;

ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE ET DES PIECES DE LA PROCEDURE QUE X... JEAN, PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL DE LA SEMAVEN, A ETE CITE DIRECTEMENT DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, PREMIEREMENT, PAR LES SOCIETES THOMSON-BRANDT ET SODAME POUR AVOIR DANS LA PUBLICITE EFFECTUEE PAR LUI DANS LE JOURNAL " LA TRIBUNE DE VALENCE " PROPOSE A LA VENTE QUATRE MODELES DIFFERENTS DE MACHINE A LAVER, DE MARQUE BRANDT, ALORS QU'IL N'AVAIT DANS SES MAGASIN ET ENTREPOTS QU'UN SEUL MODELE DE CETTE MARQUE, PROPOSE A LA VENTE UN LAVE-VAISSELLE BRANDT, ALORS QU'IL N'AVAIT AUCUN LAVE-VAISSELLE DE CETTE MARQUE, PROPOSE A LA VENTE UN TYPE DE CONGELATEUR, UN TYPE DE REFRIGERATEUR DE MARQUE BRANDT ALORS QU'IL N'AVAIT DANS SES MAGASIN ET ENTREPOTS AUCUN CONGELATEUR ET AUCUN REFRIGERATEUR DE CETTE MARQUE, PROPOSE A LA VENTE DEUX TYPES DE CUISINIERES BRANDT, ALORS QU'IL N'AVAIT DANS SES MAGASIN ET ENTREPOTS AUCUNE CUISINIERE DE LADITE MARQUE ; DEUXIEMEMENT, PAR LES SOCIETES THOMSON-BRANDT ET SDRM POUR AVOIR PROPOSE A LA VENTE DES APPAREILS DE TELEVISION DE MARQUE PATHE MARCONI ET TELEAVIA ALORS QU'IL N'AVAIT EN STOCK AUCUN APPAREIL DE CES DEUX MARQUES QUI ETAIENT PRESENTEES COMME " SIMILAIRES " AUX " NOUVEAUX MODELES THOMSON TUBE PIL " ;

ATTENDU, D'UNE PART, QU'IL RESULTE DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 45 PARAGRAPHE 1ER DE LA LOI DU 27 DECEMBRE 1973 QUE L'ACTION CIVILE EN REPARATION DU DOMMAGE CAUSE PAR L'UNE DES INFRACTIONS CONSTATEES POURSUIVIE ET REPRIMEE SUIVANT LES DISPOSITIONS DE L'ORDONNANCE N° 45-1484 DU 30 JUIN 1945 EST EXERCEE DANS LES CONDITIONS DU DROIT DU DROIT COMMUN ; QU'IL EN RESULTE QUE LA PARTIE CIVILE PEUT, PAR APPLICATION DE CE TEXTE, SAISIR DIRECTEMENT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL ; QUE, PAR SUITE, LA COUR D'APPEL N'A PU, SANS VIOLER LADITE ORDONNANCE, DECIDER, COMME ELLE L'A FAIT, QUE LA POURSUITE ENGAGEE DIRECTEMENT PAR LA PARTIE CIVILE POUR UNE INFRACTION A LA PUBLICITE SUR LES PRIX N'ETAIT PAS RECEVABLES ;

ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE, POUR ECARTER LES CONSTITUTIONS DE PARTIE CIVILE POUR VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 44 DE LA LOI DU 27 DECEMBRE 1973, LES JUGES DU SECOND DEGRE ONT ENONCE QUE LES PARTIES CIVILES " ETANT SOIT FABRICANTS DES MATERIELS FAISANT L'OBJET DE LA PUBLICITE, SOIT DES SOCIETES DE DISTRIBUTION, NE PEUVENT ETRE CONSIDEREES COMME DES SOCIETES CONCURRENTES DE LA SEMAVEN, DIRIGEE PAR X... ", ET QU'ELLES SE TROUVERAIENT DE CE FAIT ECARTEES PAR LA LOI PRECITEE, DU FAIT QUE L'ARTICLE 44 AURAIT POUR BUT DE PERMETTRE " L'AMELIORATION DES CONDITIONS DE LA CONCURRENCE " ;

MAIS ATTENDU QU'EN LIMITANT AINSI AUX SEULS COMMERCANTS VENDANT A DES PARTICULIERS LES MARCHANDISES PROPOSEES DANS LA PUBLICITE LITIGIEUSE, LE DROIT DE SE CONSTITUER PARTIES CIVILES, ET, EN S'ABSTENANT DE RECHERCHER SI L'INFRACTION POURSUIVIE N'AVAIT PAS CAUSE UN PREJUDICE DIRECT AUX SOCIETES AYANT ENGAGE LA POURSUITE PAR VOIE DE CITATION DIRECTE, LA COUR D'APPEL A VIOLE LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE QUI PERMET A TOUS CEUX QUI ONT PERSONNELLEMENT SOUFFERT DU DOMMAGE CAUSE PAR L'INFRACTION DE SE CONSTITUER PARTIE CIVILE ; D'OU IL SUIT QUE L'ARRET ENCOURT LA CASSATION DE CHEF ;

SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 422-2 DU CODE PENAL, DES ARTICLES 1ER ET SUIVANTS DE LA LOI DU 31 DECEMBRE 1964 RELATIVE AUX MARQUES DE FABRIQUE ET DE COMMERCE, DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, INSUFFISANCE DE MOTIFS ;

EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A RELAXE X... DES FINS DE LA POURSUITE DILIGENTEE DU CHEF DE L'UTILISATION IRREGULIERE DES MARQUES THOMSON, VEDETTE, BRANDT, TELEAVIA, PATHE-MARCONI ;

AUX MOTIFS QUE X... AYANT EN STOCK DES MACHINES A LAVER, UN LAVE-VAISSELLE ET UN REFRIGERATEUR BRANDT, ETAIT EN DROIT DE PROPOSER AUX CONSOMMATEURS DES APPAREILS DE CETTE MARQUE ET QU'EN SE REFERANT AUX " MATERIELS IDENTIQUES EN TELEAVIA ET EN PATHE-MARCONI ", IL S'ETAIT BORNE A INDIQUER L'EXISTENCE D'UNE SIMILITUDE ENTRE TOUS LES TELEVISEURS FABRIQUES PAR LES SOCIETES DU GROUPE ; QU'AU SURPLUS, X... AVAIT AUTREFOIS VENDU DES MATERIELS DE CES MARQUES ;

ALORS, D'UNE PART, QUE LE DROIT IMPLICITE DU REVENDEUR A L'USAGE DE LA MARQUE NEST PAS UNE LICENCE DE PORTEE GENERALE ET EXIGE UN SUPPORT QUI EST LE MATERIEL CORRESPONDANT EN SORTE QUE L'ARRET, QUI NE S'EXPLIQUE D'AILLEURS AUCUNEMENT SUR L'USAGE DES MARQUES THOMSON ET VEDETTE, NE POUVAIT, APRES AVOIR CONSTATE L'EXISTENCE QUE DE QUELQUES MATERIELS BRANDT ISOLES, ADMETTRE QUE X... DISPOSAIT AU SENS DE L'ARTICLE 422-2° D'UNE AUTORISATION D'UTILISATION DANS SA PUBLICITE PERSONNELLE LA MARQUE BRANDT POUR TOUTE LA GAMME DES PRODUITS ANNONCES ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE DEPUIS LA LOI DU 23 JUIN 1965, L'ARTICLE 422-2° REPRIME L'USAGE ABUSIF D'UNE MARQUE MEME AVEC L'ADJONCTION DE FORMULE DESTINEE A INDIQQUER UNE SIMILITUDE (FACON, SYSTEME, IMITATION, GENRE) ET QUE, DES LORS, LES PROPRES CONSTATATIONS DE L'ARRET RELATIVES AUX INTENTIONS DE X... D'INDIQUER UNE PRETENDUE " QUASI-IDENTITE " ENTRE LES MARQUES, CARACTERISENT L'ACCOMPLISSEMENT DU DELIT ; QU'IL IMPORTE PEU, A CET EGARD, QUE LES SOCIETES TITULAIRES DES MARQUES AIENT OU NON APPARTENU A UN MEME GROUPE, LA PERSONNALITE JURIDIQUE DE CHACUNE D'ELLES ET LA FONCTION DISTINCTIVE DES MARQUES DE COMMERCE S'OPPOSANT PAR LEUR NATURE MEME, A TOUTE TENTATIVE DE CONFUSION QUE L'ARTICLE 422-2° A PRECISEMENT POUR BUT DE PROSCRIRE ;

VU LESDITS ARTICLES ;

ATTENDU QUE LES JUGEMENTS ET ARRETS DOIVENT CONTENIR DES MOTIFS PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION, QUE L'INSUFFISANCE DES MOTIFS EQUIVAUT A LEUR ABSENCE ;

ATTENDU QUE, POUR RELAXER LE PREVENU DU CHEF D'USAGE DE MARQUES SANS AUTORISATION DE L'INTERESSE, LA COUR D'APPEL, APRES AVOIR RELEVE QUE X... AVAIT PROPOSE A LA VENTE DES POSTES DE TELEVISION DES MARQUES THOMSON, TELEAVIA ET PATHE-MARCONI EN LES PRESENTANT COMME " SEMBLABLES ", SE BORNE A ENONCER QUE CE COMMERCANT " AVAIT A LA VENTE LES APPAREILS TELEAVIA ET PATHE-MARCONI ", QU'IL EN AVAIT VENDU PRECEDEMMENT, QU'IL VENDAIT DES POSTES THOMSON ET QU'IL N'AVAIT EU D'AUTRE DESSEIN QUE " D'INDIQUER (AUX CLIENTS) UNE SIMILITUDE ENTRE LES TELEVISEURS " PROPOSES PAR LUI, ET QUI SONT, AU SURPLUS, FABRIQUES PAR DES SOCIETES APPARTENANT AU MEME GROUPE FINANCIER ;

MAIS ATTENDU QUE PAR CES SEULES ENONCIATIONS QUI N'ETABLISSENT PAS QUE LA SOCIETE THOMSON AVAIT AUTORISE LE PREVENU A FAIRE REFERENCE RECIPROQUE, PAR VOIE DE SIMILITUDE, ENTRE LES TROIS MARQUES DE POSTES DE TELEVISION, DIFFUSEES ET VENDUES PAR DES SOCIETES QUI, QUOIQUE DEPENDANT D'UN GROUPE FINANCIER UNIQUE, N'EN SONT PAS MOINS CONCURRENTES, LA COUR D'APPEL N'A PAS DONNE UNE BASE LEGALE A SA DECISION ; QUE L'ARRET ENCOURT EGALEMENT LA CASSATION DE CE SECOND CHEF ;

PAR CES MOTIFS ;

CASSE ET ANNULE, EN TOUTES SES DISPOSITIONS CIVILES RELATIVES AUX DELITS DE PUBLICITE DE NATURE A INDUIRE EN ERREUR ET D'USAGE DE MARQUES SANS AUTORISATION, L'ARRET SUSVISE DE LA COUR D'APPEL DE GRENOBLE, EN DATE DU 20 DECEMBRE 1979 ; ET POUR QU'IL SOIT A NOUVEAU STATUE CONFORMEMENT A LA LOI, DANS LES LIMITES DE LA CASSATION AINSI PRONONCEE, RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE LYON, A CE DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN CHAMBRE DU CONSEIL.