Livv
Décisions

Cass. crim., 26 janvier 2005, n° 03-86.854

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Chambery, ch. corr., du 8 oct. 2003

8 octobre 2003

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, de la société civile professionnelle THOMAS-RAQUIN et BENABENT, et de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Lampros,

- LES SOCIETES LEVI STRAUSS & CO ET LEVI STRAUSS CONTINENTAL, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 8 octobre 2003, qui, pour importation en contrebande de marchandises contrefaites, a condamné le premier à une amende douanière, à la confiscation des marchandises saisies et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour Lampros X..., pris de la violation des articles 2, 3, 28 à 30 du Traité instituant la Communauté européenne, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 38, 215, 392 et 414 du Code des Douanes, l'article préliminaire 3 du Code de procédure pénale, ainsi que les articles 591 et 593 du même Code, violation de la loi, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt a déclaré Lampros X... coupable du délit d'exportation ou d'importation de marchandises prohibées et l'a condamné au paiement d'une amende douanière de 77 700 euros ;

" aux motifs que Lampros X... a lui-même déclaré que les cartons de jeans litigieux avaient été mis dans son camion en Grèce, sur le petit port de Rio, en son absence et avec son accord ; qu'il a indiqué avoir récupéré ensuite le véhicule ainsi rempli dans une station service voisine du lieu de chargement où lui a été remise en espèces une somme de 1 850 francs (282,03 euros), destinée à couvrir les frais de transport ; que le prévenu a également précisé, lors de son interpellation, qu'il s'apprêtait à acheminer les marchandises litigieuses en Belgique à une adresse qu'il ne connaissait pas mais qui devait lui être communiquée sur sa demande par téléphone, par un certain Monsieur de Y..., lors de son arrivée dans le pays destinataire ; que l'ensemble de ces circonstances, de prise en charge et de livraison des jeans contrefaits établit la mauvaise foi du prévenu en ce qu'elles confèrent au transport en cause, en outre payé en espèces contrairement à l'usage, un aspect clandestin, les marchandises n'ayant pas été chargées sur leur lieu de production ou de stockage alors qu'était curieusement inconnue du transporteur l'adresse précise de livraison en Belgique qui ne devait lui être communiquée à sa requête qu'une fois parvenu dans ce pays ; qu'en acceptant d'acheminer les 1 114 pantalons dans de telles conditions, Lampros X... a participé en connaissance de cause à l'exportation de marchandises dont le caractère frauduleux n'a pu raisonnablement lui échapper en raison de l'opacité qui caractérise l'opération de transport dans son ensemble ; que les agissements de Lampros X... entrent ainsi dans les prévisions des articles 414 et suivants du Code des douanes ; qu'il importe peu, pour l'application de ce texte, que le prévenu n'ait été lui-même que le prestataire d'un service de transport et non pas l'expéditeur ou le destinataire des marchandises irrégulières, le texte interdisant l'importation en France de produits contrefaits indépendamment de la profession exercée par son auteur ; qu'est donc confirmé le jugement du tribunal de grande instance en ce qu'il a déclaré le prévenu coupable des faits qui lui sont reprochés et quant aux peines prononcées à son encontre ;

" 1 ) alors que les restrictions à la libre circulation des marchandises à l'intérieur de l'Union européenne étant supprimées depuis le 1er janvier 1993, l'entrée sur le territoire national de marchandises en provenance d'un Etat membre à destination d'un autre Etat de l'Union européenne n'a pas à être déclarée, quand bien même ces marchandises constitueraient des contrefaçons ; qu'après avoir constaté que Lampros X... transportait la cargaison de Grèce vers la Belgique, ce dont il résultait que la marchandise n'avait circulé qu'à l'intérieur du territoire douanier de l'Union européenne, la cour d'appel ne pouvait déclarer le prévenu coupable du délit d'exportation ou d'importation de marchandises prohibées ;

" 2 ) alors que le juge doit constater les éléments constitutifs de l'infraction dont il déclare le prévenu coupable ; que la cour d'appel ne pouvait pas déclarer constitué le délit d'exportation ou d'importation sans déclaration de marchandises prohibées pour des vêtements qui provenaient de Grèce et devaient, après avoir seulement transité par la France, être acheminés en Belgique, sans constater que leur fabrication dans l'Etat d'origine et leur commercialisation dans l'Etat de destination étaient illégales ;

" 3 ) alors que méconnaît la présomption d'innocence le juge qui applique la présomption de culpabilité du détenteur de la marchandise frauduleuse prévue à l'article 392-1 du Code des douanes, sans apprécier les éléments invoqués par le prévenu pour établir sa bonne foi ; qu'en se bornant, pour écarter l'exception de bonne foi, à se fonder sur de simples indices et apparences relatifs aux circonstances du chargement du camion et de la livraison de la marchandise sans examiner, fut-ce sommairement, les éléments invoqués par le prévenu suivant lequel, compte tenu de la configuration des lieux où il avait pris possession de la marchandise, les conditions de chargement de son camion ne présentaient aucune anomalie mais correspondaient au contraire à une pratique courante localement, la cour d'appel n'a pas donné de motifs suffisants à sa décision " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le 22 septembre 1998, au péage de Nangy (Haute-Savoie), les agents des Douanes ont contrôlé Lampros X... alors qu'il conduisait un ensemble routier en provenance de Grèce dans lequel il transportait 1 144 pantalons jeans en coton présentés sous la marque contrefaite " Levi's " et destinés à la Belgique ;

Attendu que, cité devant la juridiction correctionnelle par l'administration des Douanes pour importation en contrebande de marchandises contrefaites, le prévenu a été déclaré coupable de cette infraction par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que le principe de libre circulation des marchandises entre les Etats membres de la Communauté européenne ne saurait s'appliquer aux produits revêtus d'une marque contrefaite, la cour d'appel, qui a souverainement écarté la bonne foi alléguée, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le moyen unique de cassation proposé pour les sociétés Levi Strauss & Co et Levi Strauss Continental , pris de la violation des articles 2, 3, 475-1 et 593 du Code de procédure pénale, L 716-9 et L 716-10 du Code de la propriété intellectuelle, 38 4 et 428 du Code des douanes, défaut de motifs et manque de base légale ;

" en ce que, infirmant sur ce point le jugement entrepris, l'arrêt attaqué a déclaré les sociétés Levi Strauss & Co et Levi Strauss Continental SA irrecevables en leur constitution de parties civiles sur le délit douanier d' "importation de marchandises présentées sous une marque contrefaite " ;

" aux motifs que, " le jugement déféré à la Cour est en revanche infirmé en ce qu'il a, à tort, accueilli les constitutions de parties civiles des sociétés Levi Strauss & Co et Levi Strauss Continental alors que ces entreprises arguent d'un préjudice commercial qui ne trouve pas directement sa source dans l'infraction douanière d'importation sans déclaration de marchandises contrefaites poursuivie et retenue contre le prévenu dont l'action délictueuse n'a été directement attentatoire qu'à l'intérêt général et aux droits des Douanes et non à des intérêts privés " ;

" alors que l'action civile en réparation du dommage causé par un délit appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que l'infraction douanière constituée par l'importation prohibée de " marchandises présentées sous une marque contrefaite " porte directement préjudice aux titulaires de droits sur la marque ; qu'en retenant néanmoins que le préjudice subi par les sociétés Levi Strauss & Co et Levi Strauss Continental ne trouvait pas directement sa source dans l'infraction douanière retenue contre Lampros X... et consistant à avoir irrégulière ment importé des jeans contrefaisant les marques " Levi's ", la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Attendu que, pour déclarer irrecevables les constitutions de parties civiles des sociétés Levi Strauss & Co et Levi Strauss continental, l'arrêt énonce que ces entreprises invoquent un préjudice commercial qui ne trouve pas directement sa source dans l'infraction douanière retenue contre le prévenu laquelle n'a directement porté atteinte qu'à l'intérêt général et aux droits de l'administration des Douanes ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que, dès lors, le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

DIT n'y avoir lieu à application au profit des sociétés Levi Strauss & Co et Levi Strauss Continental , parties civiles, de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus.