Cass. crim., 14 mai 2003, n° 02-86.663
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Delaporte, Briard et Trichet
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er et 2 du décret n° 53-968 du 30 septembre 1953 relatif à la vente à crédit des véhicules automobiles, 111-3, 111-4, 121-3 et 314-5 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Yacov X coupable de détournement de gage ;
aux motifs que le délit de détournement de gage, prévu et réprimé par l'article 314-5 du Code pénal est constitué par la résistance injustifiée du débiteur défaillant à restituer l'objet gagé ;
qu'en l'espèce, Yacov X, dirigeant de droit de la société YG Finances a valablement engagé la société ; qu'il ne conteste pas avoir personnellement utilisé le véhicule ; qu'il ressort des pièces de la procédure que, dès le 9 juin 2000, la société Diac adressait à la société YG Finances 95, rue de la Gare à Lyon -adresse figurant dans l'offre préalable de crédit- une mise en demeure de régler les loyers impayés qui précisait qu'à défaut de règlement dans le délai de 8 jours le dossier serait transmis au service contentieux ; que le 9 août 2000 un courrier identique était adressé à YG Finances à l'adresse de Ris- Orangis ; qu'enfin, en exécution d'une ordonnance rendue le 20 septembre 2000 par le juge de l'exécution de Lyon, un procès-verbal était établi le 16 octobre 2000 par Me Y qui s'était rendu dans les locaux du garage MAV 205-207 avenue de Versailles à Paris 16ème -alors détenteur du véhicule- afin de procéder à la saisie revendication de celui-ci ; qu'il ressort de ce procès-verbal que l'huissier instrumentaire affirme avoir, pendant qu'il se trouvait sur les lieux, vu sortir un véhicule Ferrari de couleur grise ; que Yacov X, gérant de droit de la société YG Finances, ne peut ainsi valablement soutenir n'avoir pas été informé de la demande de restitution du véhicule avant la signification du 26 décembre 2000 ; qu'en ce qui concerne l'inscription du gage, il n'est pas douteux qu'elle n'avait pas été effectuée ; que cependant l'omission de cette formalité de publicité qui a pour but d'aviser les tiers, est sans incidence dans les rapports du débiteur donneur de gage et du créancier ;
1 - alors que le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale implique que le délit de détournement de gage ne soit constitué qu'autant que le créancier a conservé son gage ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 2 et 5 du décret n° 53-968 du 30 septembre 1953 relatif à la vente à crédit des véhicules automobiles qu'à défaut par le créancier d'avoir inscrit son gage dans les trois mois de la délivrance du récépissé de déclaration de mise en circulation du véhicule, il doit être réputé ne pas avoir conservé son gage ; qu'il résulte du certificat délivré par la préfecture de police de Paris en décembre 2000, régulièrement versé aux débats devant les juges du fond, qu'à la date où la société YG Finances a procédé à la vente du véhicule, soit plus de trois mois après la délivrance du récépissé de déclaration de mise en circulation, la société Diac, créancier garagiste, n'avait pas inscrit son gage et que dès lors, en déclarant Yacov X, dirigeant de droit de la société débitrice, coupable de détournement de gage, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
2 - alors que la possession par le débiteur du certificat de non-gage régulièrement délivré par la préfecture après l'écoulement du délai de trois mois prévu à l'article 5 du décret susvisé exclut par elle-même toute volonté de détournement du gage dès lors que le certificat de non-gage fait présumer la volonté du créancier de ne pas conserver son gage ;
3 - alors qu'en matière de détournement de gage, les juges doivent avoir égard aux stipulations de la convention passée entre les parties ; qu'ainsi que Yacov X le soutenait dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, l'article 7.2 de l'offre préalable de crédit de la société Diac précisait : Vous affectez en gage votre véhicule à notre profit. Si vous ne restituez pas le véhicule malgré l'injonction qui vous en est faite, nous pouvons vous y contraindre par tous moyens de droit et notamment par ordonnance sur requête ; que s'il résulte des énonciations de l'arrêt que la société Diac a mis en demeure les 9 juin 2000 et 9 août 2000 la société YG Finances d'avoir à régler les loyers impayés, à aucun moment elle ne lui a fait injonction d'avoir à restituer le véhicule préalablement à la vente de celui-ci et que dès lors en entrant en voie de condamnation à l'encontre de Yacov X du chef de détournement de gage par les motifs susvisés, l'arrêt attaqué a méconnu le sens et la portée de la convention des parties ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 314-5 du Code pénal, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
en ce que l'arrêt attaqué a condamné Yacov X à payer à la société Diac la somme de 47 804,35 euros à titre de dommages-intérêts ;
aux motifs que s'agissant de l'évaluation du préjudice, la Cour ramènera le montant des dommages-intérêts à la somme de 47 604,35 euros correspondant au décompte adressé le 30 mai 2001 par la société Diac à Yacov X ;
alors que si les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain pour apprécier l'étendue du préjudice résultant d'une infraction et évaluer le montant des dommages-intérêts alloués à la partie civile, c'est dans la limite de l'obligation qui leur est faite de réparer le dommage dans son intégralité sans perte ni profit pour celle-ci et de motiver leur décision selon les exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale et que l'arrêt, qui se borne à faire référence au décompte adressé par la partie civile à la société Diac sans préciser à quel chef de dommage ce décompte fait référence, encourt la cassation ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.