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Décisions

Cass. crim., 17 juin 2015, n° 14-80.019

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Rapporteur :

M. Soulard

Avocat général :

M. Lacan

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Richard, SCP Spinosi et Sureau, SCP Waqu

Colmar, ch. corr., du 18 oct. 2013

18 octobre 2013

Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 168, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation des droits de la défense et manque de base légale ;

 en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X coupable d'importation de marchandise présentée sous une marque contrefaite, de détention de marchandise présentée sous une marque contrefaite, de détention de marchandise réputée importée en contrebande, et d'importation non déclarée de marchandise prohibée et l'a condamné à un emprisonnement délictuel de deux ans dont un an avec sursis, une amende douanière de 2 610 960 euros et des dommages-intérêts ;

 aux motifs qu'entendu par la cour, l'expert M. Y a confirmé que ces défauts ne pouvaient s'expliquer par de simples erreurs des fabricants et que, compte tenu pour certains de leur caractère grossier au regard des exigences drastiques des marques-destinées notamment à rendre plus difficiles les contrefaçons, les produits qu'il avait examinés étaient contrefaits ;

 alors que les experts exposent à l'audience, s'il y a lieu, le résultat des opérations techniques auxquelles ils ont procédé, après avoir prêté serment d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience ; qu'il ne résulte pas des mentions de l'arrêt que l'expert M. Y, qui a été entendu, ait prêté serment  ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 716-9 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 38, 414, 432 bis et 435 du code des douanes, préliminaire, 455 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

 en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré M. X coupable d'importation de marchandise présentée sous une marque contrefaite, de détention de marchandise présentée sous une marque contrefaite, de détention de marchandise réputée importée en contrebande, et d'importation non déclarée de marchandise prohibée ;

 aux motifs que, par ordonnance en date du 13 juillet 2006, le juge d'instruction a ordonné, avec l'accord du prévenu, la destruction des objets placés sous scellés, à l'exception de certains échantillons conservés à toutes fins utiles ; que ces échantillons contenus dans plusieurs gros cartons ont été apportés à l'audience de la cour ; que la cour n'a pas jugé utile de faire déballer ces cartons afin de faire constater si parmi leur contenu se trouvaient les échantillons examinés par les deux experts judiciaires ; que cette circonstance n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de la défense, contrairement à ce qui est soutenu par le prévenu ; qu'en effet, l'article 455 dispose que les pièces à conviction sont représentées au cours des débats s'il est nécessaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la cour ayant estimé qu'elle était suffisamment informée sur les pièces à conviction par les deux expertises dont ces pièces ont fait l'objet ; qu'en outre, le prévenu a pu former toutes observations sur les pièces à conviction lors des opérations d'expertise et n'a pas demandé que ces pièces soient conservées lorsqu'il a donné son accord à la destruction des scellés ; que la procédure est donc à cet égard régulière ;

 1°) alors que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; que la cour ne pouvait, sans se contredire, estimer que la représentation des pièces à conviction n'était pas nécessaire et qu'elle était suffisamment informée sur ces pièces par les expertises, alors qu'elle avait, par une précédente décision,  eu égard à la contestation sérieuse sur le caractère contrefaisant des vêtements et marchandises saisies , faisant droit à la demande du prévenu, ordonné la production aux débats des vêtements versés en annexe de la procédure avec PV d'huissier ainsi que des scellés accompagnant la procédure en vue, précisément, de cette représentation, et qui avait dès lors été jugée nécessaire ;

 2°) alors qu'en se refusant à toute recherche et examen des pièces expertisées arguées de contrefaçon, après avoir pourtant fait droit à la demande du prévenu de production de ces pièces  eu égard à la contestation sérieuse sur le caractère contrefaisant des vêtements et marchandises saisies , au motif inopérant que  le prévenu n'a pas demandé que ces pièces soient conservées lorsqu'il a donné son accord à la destruction des scellés , l'ordonnance du 13 juillet 2006 n'ayant pas eu pour objet d'ordonner la destruction des scellés expertisés et ayant permis la conservation de plusieurs cartons d'échantillons, présents à l'audience, et sans répondre aux conclusions du prévenu qui soutenait, d'une part, que le premier rapport d'expertise ne permettait aucun débat contradictoire pour avoir été établi en l'absence d'échantillons de comparaison et sur la base de cahier des charges tenus secrets à l'égard du prévenu, d'autre part, que l'expert M. Z, auteur d'un second rapport  succinct, non motivé, imprécis, contradictoire et notablement incomplet , n'avait pas rempli l'ensemble de ses missions (absence de description et de précision sur les éléments de comparaison sur lesquels il fondait ses conclusions, absence d'analyse technique et scientifique des matériaux, de recherche de l'origine des textiles, absence d'identité inexpliquée entre certains des échantillons analysés dans son pré-rapport et de ceux retenus dans son rapport définitif dans le cadre de sa mission complémentaire du 17 février 2005, et surtout, absence de toute diligence sur le chef de mission relatif à  l'impact des conditions de fabrication sur la qualité de produits examinés compte tenu du contrôle insuffisant exercé par les titulaires des marques sur les approvisionnements en matières premières et sur les fabrications ainsi que de l'acceptation par eux de produits de second choix, ou non conformes, ultérieurement mis en vente par leurs soins sur le marché communautaire ), la cour n'a pas légalement justifié sa décision et a violé le droit à un procès équitable de M. X ;

 et aux motifs que la régularité de la première expertise réalisée par M. Y a été contestée par le prévenu au stade de l'instruction ; qu'elle a été validée par la chambre de l'instruction et le pourvoi formé par le prévenu contre cette décision a été rejeté par la Cour de cassation ; que dès lors, sont irrecevables, devant la juridiction de jugement, les contestations du prévenu portant sur le caractère non-contradictoire de cette expertise, sur l'absence d'échantillons de comparaison produits par les marques, et sur le caractère secret des cahiers des charges des marques, que celles-ci, dans le but d'éviter leur divulgation, n'ont communiqué qu'à l'expert ; que le prévenu a sollicité une nouvelle expertise qui a été confiée par le juge d'instruction à un autre expert, M. Z ; (¿) qu'il ressort du rapport d'expertise de M. Zque les opérations d'expertise ont été menées contradictoirement et que le prévenu a pu présenter ses observations, jointes au rapport de l'expert ; que pour autant, le prévenu demeure recevable à discuter la valeur probante des expertises, en tant qu'elles sont invoquées comme moyen de preuve des délits de contrefaçons qui lui sont reprochés ; qu'il le fait en prétendant que, compte tenu de la multitude des sous-traitants auxquels les marques confient la fabrication de leurs produits, il est impossible que toutes les exigences fixées dans les cahiers des charges des marques soient respectées ; que selon lui, les défauts constatés sur les échantillons examinés par les experts relèveraient d'écarts des fabricants tolérés par les marques et non révélateurs de contrefaçons ; qu'au soutien de ses affirmations, il a versé à la procédure des articles selon lui authentiques des marques Adidas et Nike, présentant des défauts similaires à ceux relevés par les experts ; que cette thèse est incompatible avec le nombre, la nature et la gravité des défauts constatés par les deux experts ; qu'en effet, sur la totalité des échantillons qui leur ont été soumis, prélevés aléatoirement parmi les scellés et même, pour la seconde expertise, prélevés par M. X lui-même, chaque expert a constaté des non-conformités par rapport aux cahiers des charges des marques, portant non seulement sur l'emballage et sur l'étiquetage (ce qui aurait pu s'expliquer par un reconditionnement des produits en vue de leur commercialisation dans des magasins de grande distribution) mais aussi sur les couleurs, les dimensions, les coutures, la qualité des textiles, les logos et autres signes distinctifs censés émaner des marques elles-mêmes ; qu'en outre, certains articles ne correspondaient pas aux millésimes des collections auxquels ils étaient censés se rattacher ; qu'entendu par la cour, l'expert M. Y a confirmé que ces défauts ne pouvaient s'expliquer par de simples erreurs des fabricants et que, compte tenu pour certains de leur caractère grossier au regard des exigences drastiques des marques, destinées notamment à rendre plus difficiles les contrefaçons, les produits qu'il avait examinés étaient contrefaits ; que les éléments produits par le prévenu pour combattre cette appréciation ne sont pas probants ; qu'en effet, l'origine des échantillons qu'il a versés aux débats n'est pas établie avec certitude ; que par ailleurs, ces échantillons appartiennent à des collections postérieures à celles des années 2000 à 2003 dont relevaient les échantillons saisis, de sorte que les comparaisons ne sont pas pertinentes ; qu'enfin, l'existence d'imperfections sur les échantillons présentés par le prévenu, pouvant entrer dans les marges de tolérance des marques, n'ôte rien aux appréciations des deux experts selon lesquels les défauts affectant les échantillons saisis de par leur nombre, leur nature et leur gravité, ne pouvaient résulter que de contrefaçons ;

 et aux motifs adoptés que la matérialité de la contrefaçon est établie par une première expertise réalisée par M. Y qui a porté sur des échantillons prélevés de manière aléatoire ; que l'expert conclut à la contrefaçon ; qu'une contre-expertise effectuée par M. Zconclut dans le même sens étant précisé que dans le cadre d'un acte complémentaire c'est le prévenu lui-même qui a prélevé les échantillons ; que la réfutation de ces expertises par le prévenu au motif que les défauts relevés peuvent être le fait de sous-traitants des marques n'est pas fondée ; que les défauts portent non seulement sur des imperfections techniques du reste si nombreuses qu'elles ne pouvaient être tolérée par une marque soucieuse de la valeur de ses produits, mais également sur la qualité des textiles et autres accessoires distinctifs ; que des modèles ne correspondant pas au millésime de la collection à laquelle ils prétendaient se rattacher ont été relevés ; qu'enfin, et surtout, certains logos employés sur le produit n'avaient plus cours tel le trèfle inutilisé depuis quelques années apposé sur un short ; qu'une marque qui investit considérablement dans son image et dans le signe distinctif de son produit ne saurait tolérer de tels écarts de la part de son sous-traitant ;

 3°) alors que toute expertise doit pouvoir faire l'objet d'un débat contradictoire ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si les contestations tirées du caractère non-contradictoire de l'expertise Y, de l'absence d'échantillons de comparaison produits par les marques, et du caractère secret des cahiers des charges des marques que celles-ci n'avaient communiqué qu'à l'expert, étaient susceptibles de remettre en cause non pas la validité de cette expertise mais sa force probante faute de permettre le débat contradictoire, moyen que le rejet de la requête en nullité de cette expertise pour cause de forclusion et la décision de non admission immédiate du pourvoi ne rendaient pas irrecevable, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;

 4°) alors que M. Xsoutenait qu'aucune procédure sérieuse et rigoureuse de contrôle de la fabrication n'existe de la part des parties civiles titulaires des marques du fait de la multiplication des unités de fabrication et de la masse des vêtements commercialisés et que celles-ci tolèrent des produits de second choix non conformes à leurs cahiers des charges ; que les parties civiles n'ont pas communiqué d'échantillons authentiques de comparaison ; que les expertises s'étaient déroulées au vu de fiches techniques informatiques comportant des spécifications théoriques des produits permettant aux parties civiles, au gré de leur seule volonté, de qualifier n'importe quel vêtement de contrefaçon ; qu'en se bornant à entériner les conclusions de rapports d'expertise établis à partir de cahiers des charges comportant les spécifications théoriquement exigées, et en ne recherchant pas concrètement quels types de non-conformité les marques tolèrent, dans les faits, sur le marché, la cour a privé sa décision de toute base légale ;

 5°) alors que le prévenu avait communiqué à la procédure un procès-verbal de constat d'huissier portant sur des articles Adidas et Nike acquis dans des magasins de sport Décathlon et Intermarché à Mulhouse et constatant des défauts similaires à ceux relevés par les experts ; qu'il faisait valoir que ces articles étaient estampillés par les cachets des vendeurs apposés sur les vêtements pour les authentifier, que ces achats avaient été le fait de M. Xet de ses conseils et que ceux-ci avaient pris soin de faire tamponner par les magasins, les produits achetés, authentifiant donc, avec leur facture d'achat, leur source de façon incontestable ; qu'en se bornant à affirmer que  l'origine de ces échantillons n'est pas établie avec certitude , sans s'expliquer sur cette offre de preuve, relative à un moyen de défense essentiel, la cour a privé sa décision de motifs ;

 6°) alors que l'arrêt attaqué ne pouvait, sans se contredire, retenir à la fois que le prévenu  a versé à la procédure des articles ¿ présentant des défauts similaires à ceux relevés par les experts , imperfections  pouvant entrer dans les marges de tolérance des marques , et que les défauts constatés par les experts, pourtant similaires, ne pouvaient résulter que de contrefaçons et que les comparaisons ne seraient pas pertinentes  ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour dire n'y avoir lieu de faire déballer les cartons contenant les échantillons des produits argués de contrefaçon et placés sous scellés, la cour d'appel énonce que la plupart ont été détruits lors de l'instruction, avec l'accord du prévenu, et qu'elle s'estime suffisamment informée sur ces pièces à conviction par les expertises ; que, pour retenir le caractère contrefaisant de ces produits, l'arrêt attaqué se fonde, notamment, sur les expertises confiées successivement par le juge d'instruction à M. Y puis à M. Z, qui constatent l'une et l'autre la non-conformité, par rapport au cahier des charges des marques, de l'emballage, de l'étiquetage, des couleurs, des dimensions, des coutures, de la qualité du textile, des logos et autres signes distinctifs des articles examinés, dont certains ne correspondent pas au millésime de la collection à laquelle ils sont censés se rattacher ; que les juges ajoutent que les échantillons produits par le prévenu, appartenant à des collections postérieures aux faits, ne sont pas probants, et qu'ont été réunis d'autres éléments, dont les conditions de chargement et de transport des marchandises, les déclarations de deux salariés de la société, les conditions d'approvisionnement, enfin, l'envoi au Portugal, par un tiers avec lequel M. Xa échangé des correspondances, d'échantillons authentiques ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui montrent que M. Y, dont il n'est pas mentionné qu'il ait prêté serment avant d'être entendu en qualité d'expert, n'a fait que confirmer à l'audience les conclusions de son rapport, l'arrêt n'encourt pas la censure ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation des droits de la défense et manque de base légale ;

 en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X coupable d'importation de marchandise présentée sous une marque contrefaite, de détention de marchandise présentée sous une marque contrefaite, de détention de marchandise réputée importée en contrebande, et d'importation non déclarée de marchandise prohibée, l'a condamné à un emprisonnement délictuel de deux ans dont un an avec sursis, à une amende douanière de 2 610 960 euros, à payer à titre de dommages et intérêts, à la société Adidas AG, la somme de 120 000 euros en réparation de l'atteinte à ses marques et celle de 200 000 euros en réparation de son préjudice commercial, à la société Adidas France, la somme de 360 000 euros en réparation de l'atteinte à ses marques et celle de 600 000 euros en réparation de son préjudice commercial, à la société Nike la somme de 200 000 euros, outre diverses sommes au titre des frais irrépétibles ;

 alors que les juridictions répressives ne peuvent statuer que sur les faits relevés par l'ordonnance de renvoi ou la citation qui les a saisies ; que, par ordonnance du 4 mai 2009, le juge d'instruction de Mulhouse a renvoyé M. X devant le tribunal correctionnel pour avoir, courant janvier 2003 et en tous cas le 28 janvier 2003, importé et détenu des contrefaçons et détenu et importé des marchandises prohibées comme présentées sous une marque contrefaite ; qu'en se fondant sur des approvisionnements d'articles contrefaits prétendument réalisés par la société Aytex du 31 janvier 2000 au 17 janvier 2003 pour retenir les délits d'importation et de détention de produits contrefaits et sur l'ampleur de ce négoce pour fixer la peine, la cour d'appel a violé l'article 388 du code de procédure pénale  ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui n'a pas excédé les limites de sa saisine a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé, en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits de contrefaçon, importation sans déclaration et contrebande de marchandises prohibées dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de de la règle non bis in idem, des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 132-3 du code pénal, 716-9 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 38, 414, 432 bis et 435 du code des douanes, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

 en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X coupable d'importation de marchandise présentée sous une marque contrefaite, de détention de marchandise présentée sous une marque contrefaite, de détention de marchandise réputée importée en contrebande, et d'importation non déclarée de marchandise prohibée et l'a condamné à un emprisonnement délictuel de deux ans dont un an avec sursis et une amende douanière de 2 610 960 euros ;

 aux motifs que des faits peuvent faire l'objet de poursuites sous des qualifications pénales différentes lorsque ces qualifications sont destinées à protéger des intérêts différents ; que tel est le cas en l'espèce, les faits d'importation et de détention de marchandises contrefaites constituant, d'une part des délits prévus par le code de la propriété intellectuelle destinés à protéger les droits des titulaires des marqués, l'autre part des infractions douanières ayant pour but la protection des intérêts économiques et fiscaux de l'Etat ; que le prévenu doit donc être déclaré coupable de chacune des infractions visées à la prévention ;

 alors que le principe, selon lequel un même fait autrement qualifié ne saurait entraîner une double déclaration de culpabilité, ne saurait être écarté par des considérations sur des valeurs sociales et intérêts à protéger ; qu'en affirmant que les faits uniques de détention et importation de produits contrefaits pouvaient, en l'espèce, en raison de la protection d'intérêts distincts, recevoir une double qualification au titre des délits prévus par le code de la propriété intellectuelle d'une part, et des infractions douanières d'autre part, et donner lieu à double déclaration de culpabilité, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés  ;

Attendu que pour déclarer M. X coupable, en raison des mêmes faits, à la fois d'infractions douanières et d'infractions au code de la propriété intellectuelle, l'arrêt énonce que ces qualifications sont destinées à protéger, pour la première, les intérêts économiques et fiscaux de l'Etat, pour la seconde, les droits des titulaires des marques ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel, qui a caractérisé la protection d'intérêts différents pour chacune des infractions, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ;

Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 343 du code des douanes, préliminaire et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

 en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné M. X à une amende douanière de 2 610 960 euros ;

 aux motifs que l'administration des douanes sollicite le prononcé d'une amende de 2 610 960 euros calculée sur une quantité de 174 064 articles contrefaits d'une valeur moyenne de 15 euros par article ; que ce calcul n'est critiqué par aucune des parties ; qu'il convient donc de l'entériner et de réformer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé une amende de 150 000 euros sans d'ailleurs s'expliquer sur ce montant ;

 alors qu'il résulte de l'article 343 du code des douanes que dans les procédures dont les agents des douanes ont été saisis, comme en l'espèce, en application des I et II de l'article 28-1 du code de procédure pénale, le ministère public exerce l'action pour l'application des sanctions fiscales ; que cette action ne peut être exercée par l'administration des douanes que sur autorisation du ministère public ; qu'il ne résulte pas de la procédure qu'une telle autorisation ait été préalablement donnée par le ministère public  ;

Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que le ministère public a autorisé l'administration des douanes à exercer les poursuites fiscales contre M. X;

Qu'ainsi le moyen manque en fait ;

Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19 et 132-24 du code pénal, préliminaire et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

 en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a condamné M. X à une peine de deux d'emprisonnement dont un an avec sursis ;

 aux motifs propres qu'eu égard à l'ampleur du négoce de produits contrefaits auquel s'est livré le prévenu ainsi qu'au caractère élaboré et astucieux des méthodes utilisées pour le dissimuler, les peines prononcées par les premiers juges apparaissent pleinement justifiées ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ses dispositions concernant la peine d'emprisonnement de deux ans dont un an avec sursis ; que la délivrance d'un mandat d'arrêt et l'absence de renseignement sur la situation personnelle du prévenu excluent la possibilité d'aménager ab initio la peine prononcée ;

 et aux motifs adoptés que l'infraction est d'une gravité certaine par le préjudice économique et commercial qu'elle génère ; que le nombre d'articles contrefaits et saisis en date du 28 janvier 2003 est de (sic) ; que l'information a démontré une mise en oeuvre relativement sophistiquée de la contrefaçon et de la circulation du produit contrefait en Europe ; que l'action du prévenu a également généré une tromperie à l'égard des revendeurs et des consommateurs ; que son absence de comparution, alors qu'il ne pouvait ignorer les suites de l'information en cours ni même la date de l'audience à laquelle son avocat s'est présenté, témoigne d'une désinvolture certaine ;

 alors qu'en matière correctionnelle, le juge pénal ne peut prononcer une peine d'emprisonnement ferme sans avoir spécialement motivé le choix de cette peine, sauf état de récidive légale, inexistant en l'espèce ; qu'en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en ne justifiant pas en quoi, outre la gravité des faits, la personnalité du prévenu, jamais condamné, rendait la peine prononcée à son encontre, pour partie ferme, nécessaire et excluait toute autre sanction, la cour d'appel a violé les articles 132-19 et 132-24 du code pénal  ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement sans sursis et décerné mandat d'arrêt par des motifs qui satisfont aux exigences des articles 132-24 du code pénal, dans sa rédaction alors en vigueur, et 410-1 du code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

 en ce que l'arrêt attaqué a, réformant le jugement sur l'estimation des préjudices, condamné M. Xà payer à titre de dommages et intérêts, à la société Adidas AG, la somme de 120 000 euros en réparation de l'atteinte à ses marques et celle de 200 000 euros en réparation de son préjudice commercial, à la société Adidas France, la somme de 360 000 euros en réparation de l'atteinte à ses marques et celle de 600 000 euros en réparation de son préjudice commercial, à la société Nike International Limited la somme de 200 000 euros, outre diverses sommes au titre des frais irrépétibles ;

 aux motifs que, sur les demandes des sociétés Adidas-préjudice d'atteinte à la valeur distinctive des marques-les sociétés titulaires des marques Adidas sollicitent au titre des atteintes à ces marques une somme de 80 000 euros par marque ; que la cour évalue à 60 000 euros le préjudice résultant de l'atteinte à la valeur distinctive de chaque marque ; qu'il sera donc alloué la somme de 120 000 euros à la société Adidas AG, titulaire de deux des marques contrefaites, et la somme de 360 000 euros à la société Adidas France, titulaire de six marques contrefaites ; que sur le préjudice commercial, le tribunal a alloué une somme de 557 982 euros sans s'expliquer sur son calcul ; que les sociétés Adidas estiment avoir subi un manque à gagner de 5 007 586 euros calculé sur une base de 1 362 348 articles, compte tenu de leur taux de marge pour chaque article ; qu'elles majorent ce préjudice pour tenir compte du fait que les contrefaçons étaient présentées aux clients comme articles authentiques ; que ce dernier aspect du préjudice relève des atteintes aux marques réparées par les sommes allouées à ce premier titre ; que, pour le surplus, la cour est en mesure de fixer le préjudice commercial des deux sociétés, eu égard au nombre d'articles contrefaits, à 200 000 euros pour la société Adidas AG et 600 000 euros pour la société Adidas France ; que la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à 200 000 euros le préjudice de la société Nike International ;

 1°) alors que seul un préjudice direct et personnel résultant de l'infraction pénale peut servir de base à l'action civile devant la juridiction répressive ; que l'action civile devant les tribunaux répressifs est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement renfermé dans les limites fixées par les articles 2 et 3 du code de procédure pénale ; que M. Xa été poursuivi pour des faits d'importation et détention de produits contrefaits commis courant janvier 2003 et en tous cas le 28 janvier 2003 ; que les saisies d'articles argués de contrefaçon ont porté sur 174 064 articles le 28 janvier 2003 et 32 531 articles le 3 juillet 2003 ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le chiffre de 1 362 348 articles correspond à des achats de la société Aytex portant sur des produits de marque Adidas et Nike réalisés auprès de la société Froiani du 31 janvier 2000 au 17 janvier 2003 (p. 15, § 5) ; qu'en se fondant, pour estimer les préjudices subis, sur le nombre d'articles contrefaits évalué par Adidas AG et Adidas France à 1 362 348 articles, correspondant à des approvisionnements hors prévention, et pour partie, à des articles d'une marque concurrente, l'arrêt attaqué, qui est sorti des limites de la prévention et n'a pas indemnisé les sociétés Adidas du seul préjudice direct et personnel résultant de l'infraction pénale, a violé les textes visés au moyen ;

 2°) alors que la cassation à intervenir sur la première branche du moyen, qui révèle le vice de raisonnement de l'arrêt dans les règles appliquées pour évaluer le préjudice découlant directement des infractions, devra entraîner, par voie de conséquence, la cassation du dispositif ayant condamné M. Xà payer à Nike International Limited une somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts  ;

Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale ;

Attendu que, selon ces textes, les juges ne peuvent ordonner la réparation du préjudice que si celui-ci prend directement sa source dans l'infraction dont ils ont déclaré le prévenu coupable ;

Attendu que, pour déterminer le montant des dommages-intérêts dus en réparation du préjudice subi par les parties civiles du fait du délit de contrefaçon dont M. Xa été déclaré coupable, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les juges ont pris en considération des produits détenus ou importés dans une période autre que celle visée à la prévention, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 18 octobre 2013, mais en ses seules dispositions relatives aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues.