Cass. com., 3 juin 1998, n° 96-10.167
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Gomez
Avocat général :
M. Jobard
Avocats :
Me Choucroy, Me Thomas-Raquin
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 octobre 1995), que la société Compagnie française de commerce international (société COFCI), qui commercialise des produits de parfumerie et qui est titulaire des marques Bibi de Jean X... dont le dépôt effectué le 8 avril 1988 a été enregistré sous le numéro 1.459.571 et Bibi, cette dernière étant figurative, dont le dépôt effectué le 10 janvier 1989 a été enregistré sous le numéro 1.507.950 pour désigner les produits dans la classe 3 a assigné, en contrefaçon et concurrence déloyale, la société Y... en lui faisant grief de diffuser des produits de parfumerie sous la marque Bibi ;
Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que la société Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée pour contrefaçon, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en vertu de la règle de la territorialité de la marque, invoquée aux conclusions, si tant est que la vente à l'exportation dans des pays étrangers où la marque n'est pas protégée puisse constituer en France le délit de contrefaçon, l'indemnisation du dommage découlant de cette contrefaçon ne peut en aucun cas englober les faits de divulgation du produit sous cette marque s'ils sont réalisés exclusivement dans ces pays étrangers ; et qu'en l'espèce donc, où ses produits étaient exclusivement destinés à l'exportation dans les pays du Moyen-Orient et en Espagne où la marque Bibi de Jean X... n'était pas protégée, l'arrêt ne pouvait en aucun cas inclure dans le préjudice indemnisable l'ensemble de la divulgation de ces produits dits Bibi ; que l'arrêt a donc violé les articles 8 de la Convention d'Union, 27 de la loi modifiée du 31 décembre 1964 et 1382 du Code civil;
alors, d'autre part, que l'arrêt ne pouvait non plus sanctionner le soi-disant délit d'imitation illicite de la marque Bibi par la dénomination Lili.C ayant fait seulement l'objet d'étiquettes qui n'ont jamais été apposées sur les produits, ainsi que le rappelaient les conclusions;
que l'arrêt est donc entaché d'un défaut de base légale au regard des articles 28 de la loi modifiée du 31 décembre 1964 et 1382 du Code civil ; alors, enfin, que les juges du fond ne pouvaient prendre pour seule base de calcul de l'indemnité réparatrice de 1 500 000 francs le montant allégué par la COFCI de sa marge brute perdue du fait de la contrefaçon et imitation illicite, soit 5 680 145 francs, fût-elle affectée de coefficients réducteurs importants sans rechercher à titre principal quel était le volume des ventes effectivement réalisé par elle à l'étranger; que sa carence à le faire constitue un défaut de base légale au regard des articles 27 et 28 de la loi modifiée du 31 décembre 1964 et 1382 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir retenu qu'il était démontré que les produits portant la marque contrefaite avait fait l'objet de vente en France en vue de leur exportation, la cour d'appel a pu décider que la société Y... s'était rendue coupable de contrefaçon de la marque protégée ;
Attendu, d'autre part, qu'après avoir retenu que la marque Lili suivie de la syllabe C constituait l'imitation illicite de la marque protégée, la cour d'appel a constaté qu'elle était apposée sur des produits similaires à ceux désignés par la dite marque protégée;
que le moyen manque donc en fait ;
Attendu, enfin, que pour déterminer le montant de l'indemnité destinée à réparer le préjudice résultant des faits de contrefaçon et d'imitation illicite, la cour d'appel a pris en considération l'avilissement ainsi provoqué à la marque protégée et l'atteinte portée à l'image de luxe qu'elle entendait promouvoir et a afin légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que la société Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée pour concurrence déloyale alors, selon le pourvoi, d'une part, que le dépôt tardif de la marque Bibi de Jean X... en Espagne qui ne sera publié que le 24 janvier 1990 ne pouvait justifier une action en concurrence déloyale de la société COFCI, dans la mesure où elle avait alors cessé ses exportations de produits Bibi vers ce pays ; que l'arrêt a donc violé l'article 1382 du Code civil ; alors, d'autre part, que la marque Lin'il, selon l'arrêt n'imitant pas la marque Bibi, elle ne pouvait servir de prétexte à une action en concurrence déloyale, même si elle évoquait la marque Lili.C qui n'a jamais été exploitée ; que l'arrêt a violé l'article 1382 du Code civil ; alors, de plus, que les premiers juges ayant constaté une absence totale de similitude entre les conditionnements des produits Bibi de la société COFCI et de ses anciens produits Bibi, l'absence de modification de ces conditionnements et de présentation des produits ne pouvait non plus caractériser la concurrence déloyale au sens de l'article 1382 du Code civil ; alors, enfin, que les juges du fond n'ont constaté aucun préjudice spécifique à la concurrence déloyale retenue, le préjudice global reposant sur des données relatives à la contrefaçon ; que l'arrêt a ainsi violé également le même texte légal ;
Mais attendu que l'arrêt précise que les faits de concurrence déloyale sont constitués par le dépôt en Espagne par la société Y... de la marque Bibi contrairement à l'engagement pris par M. Y..., l'utilisation de la marque Lin'Li évoquant la marque Lili.C ainsi que l'absence de modification du conditionnement des produits et l'utilisation d'étiquettes semblables dans leur présentation générale au bandeau imprimé sur les produits portant la marque protégée, la cour d'appel a pu décider que cet ensemble de faits constituait une concurrence déloyale entraînant un préjudice devant être réparé;
d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi :
Condamne la société Philippe Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Philippe Y... à payer à la Compagnie française de commerce international la somme de dix mille francs. Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.