Cass. com., 13 novembre 2001, n° 97-16.652
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
M. Tricot
Avocat général :
M. Feuillard
Avocats :
SCP Lesourd, Me Choucroy, Me Ricard, SCP Vincent et Ohl
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. Roger X, ès qualités et la société Zannier-Poncelet ;
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Ebange béton que sur le pourvoi incident relevé par la société Zannier-Poncelet II :
Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Ebange béton a livré du béton pour des travaux réalisés par la société Zannier-Poncelet au profit de la régie municipale Usine d'électricité de Metz (UEM) et du syndicat d'assainissement de Faulquemont ; que le 15 mars 1989, elle a demandé à ce syndicat, au service technique de la ville de Metz et à l'UEM, par lettres recommandées, le paiement de ses factures sous le bénéfice des dispositions de l'article L. 143-6 du Code du travail ; que la société Zannier-Poncelet, après avoir été mise en redressement judiciaire le 15 mars 1989, a reçu de la régie municipale de l'UEM, le 27 novembre 1989, à titre de séquestre, la somme de 443 837,50 francs due en exécution du marché public ; que la société Ebange béton a assigné, le 15 février 1990, la société Zannier-Poncelet en demandant que soit constaté son droit d'exclusivité sur la somme séquestrée et qu'en conséquence, la société Zannier-Poncelet soit condamnée à lui verser cette somme ; que la société Zannier-Poncelet II, cessionnaire du fonds de la société Zannier-Poncelet en exécution d'un jugement du 27 avril 1989, est intervenue à l'instance en invoquant sa qualité de cessionnaire des créances des sous-traitants EGE, Widerski, Appel et ESFFO, et a demandé que l'UEM, maître de l'ouvrage, soit condamnée, au titre du paiement direct, à lui payer la somme de 358 763,83 francs, en précisant que cette action était née lors de la conclusion du nouveau marché concrétisé par un nouvel ordre de service établi au cours de la période de redressement judiciaire entre le 15 mars et le 27 avril 1989 et en soutenant qu'elle bénéficiait ainsi du paiement préférentiel de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; que le 3 juillet 1990, elle a assigné l'UEM en paiement de la somme de 358 763,83 francs ; que les deux instances ont été jointes ; qu'en outre, la société Ebange béton a formé une demande additionnelle tendant à la condamnation de la société Zannier-Poncelet à lui payer la somme de 203 127,46 francs ainsi que celle de 6 900,46 francs lui restant due au titre des chantiers pour lesquels elle avait formé opposition, y compris un chantier LEPH ; que, de son côté, la société Zannier-Poncelet a fait valoir que l'AGS avait avancé la somme de 2 824 161,17 francs et que le paiement préférentiel dont se prévalait la société Ebange béton était primé par le superprivilège des salaires ; que la cour d'appel a confirmé le jugement qui a rejeté les demandes de la société Ebange béton et de la société Zannier-Poncelet II ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Zannier-Poncelet II reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, que dans ses différentes écritures, l'UEM avait expressément reconnu avoir accepté les sous-traitants EGE, Appel, ESFFO et Widerski pour un montant total de 363 839,50 francs HT, comme elle avait reconnu que la société Zannier-Poncelet II avait directement réglé ces sommes aux sous-traitants ; que pour s'opposer à l'action subrogatoire exercée par la société Zannier-Poncelet II, l'UEM se limitait à affirmer, sans nullement le démontrer, que ces sommes auraient été intégrées dans les comptes du mandataire commun CEGELEC qui aurait dû alors les rembourser à son mandant, l'entreprise Zannier-Poncelet II de sorte qu'en opposant à la demande de cette société l'existence prétendue de nouveaux contrats qui auraient été conclus avec les entreprises précitées et l'impossibilité d'invoquer l'action directe à l'encontre du maître de l'ouvrage en vertu d'un texte par surcroît inapplicable, et enfin en lui opposant l'absence prétendue d'agrément des sous-traitants, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel était saisie d'une contestation née des prétentions concurrentes de la société Ebange béton, fournisseur de matériaux, de la société Zannier-Poncelet II, cessionnaire de l'entreprise et du commissaire à l'exécution du plan de la société Zannier-Poncelet invoquant les droits préférentiels de l'AGS ; que toutes ces prétentions portant sur l'attribution des fonds séquestrés, la cour d'appel a statué dans les limites de l'objet du litige en décidant que les fonds devaient revenir à l'AGS au titre de son superprivilège ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le pourvoi principal :
Sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux parties :
Vu les articles 1956 du Code civil et L. 143-6 du Code du travail ;
Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt, qui constate qu'après que la société Ebange béton eut adressé à l'UEM une demande de paiement de ses factures en se prévalant des dispositions de l'article L. 143-6 du Code du travail, la société Zannier-Poncelet, mise en redressement judiciaire, a perçu de l'UEM, à titre de séquestre, la somme de 443 837,50 francs en vertu du marché public, retient que l'opposition ainsi pratiquée par la société Ebange béton n'a pas eu pour effet de faire sortir les sommes, objet de l'opposition, du patrimoine de la société Zannier-Poncelet, mais a seulement eu pour effet de permettre l'exercice du privilège spécial mobilier accordé par l'article L. 143-6 du Code du travail en faisant défense au maître de l'ouvrage de payer les sommes dues en d'autres mains que celles de l'opposant ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le séquestre conventionnel oblige le dépositaire, même en redressement judiciaire, à rendre la chose contentieuse déposée entre ses mains à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir, sans qu'il y ait lieu à concours entre les créanciers de ce dépositaire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.