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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ. et com., 8 octobre 2015, n° 14/00213

CAEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Banque CIC Nord Ouest (SA)

Défendeur :

LHDP.Dis (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Briand

Conseillers :

Mme Beuve, Mme Boissel Dombreval

T. com. Coutances, du 17 janv. 2014, n° …

17 janvier 2014

EXPOSE DU LITIGE

Les 10 novembre 2010 et 18 mars 2011 la SA banque CIC Nord-Ouest (le CIC) a consenti à la SARL LHDP.DIS trois prêts d'un montant respectif de 475.000 euros, 150.000 euros et 200.000 euros.

Par jugement en date du 13 avril 2013 le tribunal de commerce de Coutances a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL LHDP.DIS.

Le 21 mai 2013 le CIC a déclaré au passif les créances détenues contre la SARL LHDP.DIS du chef du compte courant ouvert dans ses livres à titre chirographaire et des trois prêts à titre nanti en rappelant la garantie commune attachée aux trois prêts en vertu de l'article 4 de leurs conditions générales et constituée par le nantissement du compte 16046000200502 05 ouvert en ses livres et créditeur au jour du redressement judiciaire de 192.215,59 euros.

Exposant que dans le cadre des opérations de la procédure collective cette somme a été intégrée dans le prévisionnel de trésorerie et que le CIC s'est prévalu d'un droit de rétention lorsqu'il s'est agi d'en disposer la SARL LHDP.DIS, M. P. ès qualités d'administrateur judiciaire de la société et M. G. ès qualités de mandataire judiciaire, ont, par acte d'huissier du 5 décembre 2013, assigné à jour fixe la banque devant le tribunal de commerce de Coutances auquel ils demandaient de dire et juger qu'elle ne pouvait se prévaloir d'un droit de rétention sur cette somme et devait la laisser à la libre disposition de la société et de l'administrateur judiciaire.

Par jugement en date du 17 janvier 2014 assorti de l'exécution provisoire le tribunal de commerce de Coutances a rejeté l'exception d'incompétence du tribunal, dit que les stipulations relatives au nantissement de compte figurant dans les conditions générales des contrats de prêt sont nulles et que le CIC nord ouest ne peut se prévaloir du nantissement du compte bancaire n°16046000200502 05 de la société LHDP.DIS, a condamné la banque à laisser le solde du dit compte à la libre disposition de la société LHDP.DIS et de son administrateur judiciaire et à payer à la SARL la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le 20 janvier 2014 le CIC a relevé appel de cette décision.

Par ordonnance du 18 mars 2014 le premier président a arrêté l'exécution provisoire du jugement.

Par jugement en date du 15 avril 2014 le tribunal de commerce de Coutances a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL LHDP.DIS et désigné M. G. en qualité de liquidateur.

Dans des conclusions remises au greffe le 7 avril 2015 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés le CIC demande à la cour de dire nulle et de nul effet la décision critiquée, en cas de nullité du jugement et d'évocation de l'affaire par la cour d'appel ou à titre subsidiaire en l'absence de nullité du jugement, infirmer le jugement dont appel, en conséquence déclarer la SARL LHDP.DIS prise en la personne de M. G., liquidateur, tant irrecevable qu'infondée en ses demandes, l'en débouter, en toute hypothèse condamner la SARL LHDP.DIS prise en la personne de son liquidateur à payer au CIC une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel et de première instance.

Dans des conclusions remises au greffe le 29 avril 2015 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés la SARL LHDP.DIS représentée par son liquidateur ,M. G., demande à la cour, in limine litis, de rejeter la demande de nullité du jugement déféré, en toute hypothèse évoquer l'affaire, confirmer le jugement contesté, débouter le CIC de toutes ses demandes, le condamner aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me A. et au paiement de la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 mai 2015.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au soutien de sa demande d'annulation du jugement déféré pour violation du principe du contradictoire le CIC fait valoir que le premier juge l'a débouté de ses prétentions en se fondant sur le moyen relevé d'office du manquement de la banque à son obligation d'information sans permettre aux parties d'en débattre contradictoirement.

Mais dans une procédure orale les moyens et prétentions sont présumés avoir été contradictoirement débattus à l'audience sauf preuve contraire.

En l'espèce le CIC ne rapporte pas cette preuve.

La banque doit donc être déboutée de sa demande d'annulation du jugement déféré pour violation du principe du contradictoire.

Aux termes de l'article 4 intitulé 'NANTISSEMENT DE COMPTES' figurant en page 7 des conditions générales de chacun des trois prêts consentis par le CIC à la SARL LHDP.DIS 'Conformément aux articles 2355 et suivants du code civil l'emprunteur remet à titre de sûreté en nantissement à la banque, l'ensemble des comptes actuels et futurs qu'il détient ou détiendra auprès de la banque, ceci sans préjudice de toute autre garantie spécifique qui pourrait le cas échéant être spécialement affectée par ailleurs à la garantie du crédit, objet des présentes.

L'emprunteur déclare qu'il n'a consenti à ce jour aucun autre nantissement ou droit quelconque sur ces comptes et qu'il s'interdit de les nantir au profit d'un tiers sans l'accord préalable de la banque.

Ce nantissement est consenti en garantie du paiement et du remboursement de toutes sommes en capital, intérêts, frais et accessoires dues au titre du crédit présentement consenti.

Conformément à la loi, et sauf convention contraire entre l'emprunteur et la banque, le nantissement ainsi convenu n'entraînera pas blocage des comptes de l'emprunteur.

Celui-ci pourra librement disposer des sommes retracées sur ses comptes sans avoir à solliciter l'accord préalable de la banque. Cependant, en constituant ce nantissement, l'emprunteur accorde à la banque le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur les comptes nantis. La banque sera donc en droit d'opposer le nantissement à tout tiers qui pratiquerait une mesure conservatoire ou d'exécution sur les comptes nantis ou qui revendiquerait un droit quelconque sur ces comptes au préjudice des droits de la banque. De même la banque pourra se prévaloir du nantissement en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou d'une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers.

Conformément à la loi, en cas de non-paiement par l'emprunteur d'une somme quelconque devenue exigible restant due à la banque, celle-ci sera en droit de compenser de suite jusqu'à due concurrence, la créance détenue sur l'emprunteur avec les soldes créditeurs provisoires ou définitifs des comptes nantis, même si ces derniers sont assortis d'une échéance.

La compensation aura lieu après régularisation des opérations en cours'.

Pour dénier à la banque le droit de conserver la somme de 192.215,59 euros créditant le compte n° 16046000200502 05 nanti à son profit en exécution de cette clause la SARL LHDP.DIS et M. G. ès qualités de liquidateur soutiennent que ce 'droit de rétention' est inopposable à la procédure collective par application des dispositions de l'article L. 622-7- I, alinéa 2 du code de commerce aux termes desquelles « le jugement ouvrant la procédure collective...emporte, de plein droit, inopposabilité du droit de rétention conféré par le 4° de l'article 2286 du code civil pendant la période d'observation... »

Mais l'article 2286-4° issu de la loi du 4 août 2008 n'est applicable qu'aux biens corporels, ce qui exclut les nantissements.

Les dispositions de l'article L. 622-7- I, alinéa 2 du code de commerce déclarant le droit de rétention de l'article 2286-4° du code civil inopposable à la procédure collective sont donc étrangères au fond du litige et ne peuvent être utilement invoquées par les intimés pour conclure à l'inopposabilité du nantissement litigieux.

La SARL LHDP.DIS et M. G. ès qualités soutiennent ensuite que l'article 4 des conditions générales des prêts contrevient aux dispositions d'ordre public de l'article L. 622-13 du code de commerce en ce qu'il prive le titulaire du compte nanti de la possibilité de disposer librement des fonds qui le créditent et remet ainsi en cause la convention dans ses dispositions relatives au fonctionnement du compte au seul motif de l'ouverture de la procédure collective.

Mais en ce qu'il ne prévoit ni l'indivisibilité ni la résiliation ou la résolution de la convention de compte en cours du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective, seuls cas de figure visés par l'article L622-13 du code de commerce, l'article 4 précité ne contrevient pas à ces dispositions.

Loin d'être illicites les restrictions au droit pour son titulaire de disposer des fonds créditant le compte nanti qu'il contient ne sont que la conséquence de la mise en oeuvre de la sûreté conformément aux dispositions des articles 2360 et 2364 du code civil que reprend d'ailleurs pour partie la clause litigieuse.

Le premier de ces textes prévoit que sous réserve de la régularisation des opérations en cours 'au cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou d'une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers contre le constituant, les droits du créancier nanti portent sur le solde du compte à la date du jugement d'ouverture'.

Aux termes de l'article 2364 du code civil 'Les sommes payées au titre de la créance nantie s'imputent sur la créance garantie lorsqu'elle est échue.

Dans le cas contraire, le créancier nanti les conserve à titre de garantie sur un compte ouvert auprès d'un établissement habilité à les recevoir à charge pour lui de les restituer si l'obligation garantie est exécutée.

En cas de défaillance du débiteur de la créance garantie et huit jours après une mise en demeure restée sans effet, le créancier affecte les fonds au remboursement de sa créance dans la limite des sommes impayées'.

Il ressort d'un courrier adressé le 21 octobre 2013 au CIC par M. P. ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL LHDP.DIS qu'aucune somme n'était échue à la date du redressement judiciaire le 16 avril 2013, ce que confirment les créances à échoir déclarées par la banque au titre des trois prêts.

Dans ce cas de figure l'alinéa 2 de l'article 2364 précité reconnaît expressément au créancier nanti le droit de conserver les fonds constituant la créance nantie à titre de garantie.

C'est donc à tort que le premier juge a « dit que le CIC nord ouest ne peut se prévaloir du nantissement du compte bancaire n° 16046000200502 05 de la société LHDP.DIS » et l'a condamné « à laisser le solde du dit compte à la libre disposition de la société LHDP.DIS et de son administrateur judiciaire ».

Par conséquent le jugement déféré doit être infirmé et la SARL LHDP.DIS prise en la personne de son liquidateur, M. G., déboutée de toutes ses demandes.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit du CIC qui doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Partie perdante la SARL LHDP.DIS prise en la personne de son liquidateur, M. G., doit être déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Déboute la SA banque CIC nord ouest de sa demande tendant à l'annulation du jugement rendu le 17 janvier 2014 par le tribunal de commerce de Coutances,

Infirme le jugement déféré,

Déboute la SARL LHDP.DIS prise en la personne de son liquidateur, M. G., de toutes ses demandes et la SA banque CIC nord ouest de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne la SARL LHDP.DIS prise en la personne de son liquidateur, M. G., aux dépens de première instance et d'appel.