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Décisions

Cass. com., 30 janvier 2001, n° 98-13.641

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Lek DD Ljubljana (Sté)

Défendeur :

Aktiebolaget Hassle (Sté), Laboratoires Astra France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Garnier

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

Me Bertrand, SCP Thomas-Raquin et Bénabent

Paris, 4e ch. civ. A, du 19 nov. 1997

19 novembre 1997

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 novembre 1997), que la société Aktiebolaget Hässle (société Hässle), propriétaire d'un brevet européen délivré le 29 avril 1981 sous le n° 0 005 129, dont la traduction française a été publiée le 22 mai 1981, intitulé "Pyridyl sulfinyl benzimidazoles associés, compositions pharmaceutiques les renfermant et les intermédiaires pour leur préparation, ayant pour objet l'obtention de composés inhibiteurs de la sécrétion d'acide gastrique parmi lesquels figurent des compositions pharmaceutiques à base d'oméprazole, décrites aux revendications 1 à 4, a, par acte des 21 juillet et 4 août 1992, inscrit au registre national des brevets le 25 septembre 1992, concédé à la société Laboratoires Astra France (société Astra) une licence non exclusive d'exploitation en France de ce brevet s'étendant "en particulier à la vente de spécialités pharmaceutiques à base d'oméprazole, spécialement du médicament connu sous le nom de mopral" ; qu'après saisie-contrefaçon de documents publicitaires relatifs à un médicament dénommé "ortanol oméprazole" sur le stand de la société Lek DD Ljubljana (société Lek) au salon international CPHI de Paris, les sociétés Hässle et Astra ont assigné cette société en contrefaçon des revendication du brevet et en paiement de dommages-intérêts ; que la société Lek, contestant toute commercialisation en France du produit, a conclu au rejet des demandes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Lek fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait commis des actes de contrefaçon du brevet, alors, selon le moyen, que l'offre au sens de l'article L. 613-3 du Code de la propriété intellectuelle s'entend de la présentation d'un produit breveté en vue de sa mise en vente sur le territoire français ; que pour la déclarer coupable de contrefaçon, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que les brochures et les documents saisis sur son stand, lors de l'exposition internationale qui s'est tenue en France, présentaient le produit protégé par le brevet de la société Hässle sans rechercher si, comme elle le faisait valoir, les documents en cause rédigés en anglais pour tous les pays et comportant une restriction claire quant à la vente des produits couverts par un brevet, ne correspondaient pas à une présentation générale des produits et de l'entreprise de la société Lek, sans volonté d'introduction sur le marché français ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 613-3 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu que l'arrêt constate que la société Lek ne conteste plus que l'oméprazole, principe actif de l'ortanol, est protégé par le brevet n° 0 005 129 et reconnaît qu'elle produit l'ortanol oméprazole depuis 1990 en Slovénie ; qu'il relève que les documents saisis par l'huissier révèlent que la société Lek a présenté lors de l'exposition publique CPHI un produit fini contrefaisant le brevet dont est titulaire la société Hässle, à destination d'éventuels acheteurs, professionnels de l'industrie pharmaceutique, qui avaient, eu égard aux indications portées sur le scellé n° 3, la possibilité de traiter, soit avec la société Lek à Ljubljana, soit avec l'une ou l'autre de ses filiales ou de ses représentations établies dans divers pays dont la France ; qu'ayant déduit de ces constatations et appréciations que la demande en contrefaçon était fondée, la restriction invoquée étant inopérante dès lors que l'offre de vente du produit avait été faite en France, la cour d'appel, qui a effectué la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Lek reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts aux sociétés Hässle et Astra, alors, selon le moyen :

1°) qu'il incombe au demandeur qui sollicite des dommages-intérêts de justifier de son préjudice ; que les socités Hässle et Astra n'ayant, ainsi qu'elle l'avait souligné dans ses dernières conclusions, aucunement conclu sur leur préjudice, se bornant à chiffrer leurs demandes d'indemnités dans le dispositif de leurs conclusions sans même alléguer l'existence d'un préjudice ni en énoncer les éléments constitutifs ni à plus forte raison indiquer un quelconque élément de preuve, la cour d'appel ne pouvait statuer ainsi sans violer ensemble les articles 9 du nouveau Code de procédure civile et 1382 du Code civil ;

2°) qu'en prétendant réparer le dommage résultant de la "perte d'une chance de vendre le produit protégé", cependant que les sociétés Hässle et Astra n'avaient aucunement invoqué ce dommage et qu'elle-même n'avait, en conséquence, pas été mise à même d'en discuter la preuve et la réalité, la cour d'appel a violé les articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;

3°) qu'en prétendant réparer le fait que "la contrefaçon constitue par définition une atteinte au monopole conféré par un brevet", sans relever aucun motif propre aux éléments de l'espèce, la cour d'appel a statué par un motif d'ordre général en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4°) que l'atteinte au monopole conféré par le brevet n'est subie que par le titulaire de ce brevet, et non par le licencié non exclusif, qui n'est titulaire d'aucun monopole et ne peut agir qu'en réparation d'un préjudice qui lui est propre ; qu'en s'abstenant de relever aucun motif de nature à caractériser un tel préjudice en la personne de la société Astra et en lui allouant néanmoins une indemnité de 200 000 francs, la cour d'appel a violé l'article L. 615-2, dernier alinéa, du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la contrefaçon constitue par définition une atteinte au monopole conféré par un brevet qui s'analyse en toute hypothèse en la perte d'une chance de vendre le produit protégé par celui-ci et qui autorise le titulaire non exploitant et tout licencié à poursuivre la réparation du dommage en résultant, la cour d'appel a, par une décision motivée, sans méconnaître les termes du litige, pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.