Cass. com., 17 février 1998, n° 96-10.185
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M.Bezard
Rapporteur :
M. Tricot
Avocat général :
M. Lafortune
Avocat :
SCP Lesourd
Sur le pourvoi formé par la société TRANSOR, société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 18 août 1994 par la cour d'appel de Poitiers (chambre civile, 1re section), au profit :
1°) de M. Marcel Y..., demeurant ..., pris en sa qualité de syndic de la liquidation des biens de la société Perray et fils,
2°) de M. Jean-Claude X..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ;
M. Y..., ès qualités, défendeur au pourvoi principal a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 janvier 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Tricot, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, MM. Grimaldi, Apollis, Lassalle, Badi, Mme Aubert, M. Armand-Prevost, Mme Vigneron, conseillers, M. Rémery, conseiller référendaire, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Tricot, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de la société Transor, de Me Vuitton, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société Transor de ce qu'elle s'est désistée de son pourvoi en ce qu'il concerne M. X... ;
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Transor, que sur le pourvoi incident relevé par M. Y..., syndic de la liquidation des biens de la société Perray :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Poitiers, 18 août 1994), que la société Perray a vendu un immeuble à la société Transor par un acte sous seing privé confirmé par une sommation interpellative délivrée le 28 février 1983 ;
que la même société a vendu le même immeuble à M. X... par un acte sous seing privé déposé au rang des minutes d'un notaire le 1er mars 1983 ;
que le tribunal ayant prononcé la liquidation des biens de la société Perray le 1er août 1983, le syndic, M. Y..., qui a publié l'hypothèque légale de la masse des créanciers le 6 mars 1989, a demandé que la cession intervenue entre la société Perray et la société Transor soit déclarée inopposable à cette masse, tandis que la société Transor a demandé que l'inscription de l'hypothèque légale soit annulée ;
Sur le pourvoi incident, qui est préalable :
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que le syndic reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que les actes de cession d'immeuble sont inopposables aux tiers s'ils n'ont pas été publiés ;
qu'en l'espèce, s'agissant de la vente à M. X..., l'arrêt a relevé l'existence d'un compromis de vente déposé au rang des minutes du notaire ;
que faute d'avoir relevé l'existence d'un acte authentique réitéré régulièrement publié au bureau des hypothèques, l'arrêt ne pouvait opposer ledit acte au syndic, ès qualités ;
qu'en décidant le contraire, l'arrêt a violé l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 ;
alors, d'autre part, que la sommation interpellative du 28 février 1983 et un acte sous seing privé du 6 janvier 1983 publié le 2 avril 1984 en ce qui concerne la vente à la société Transor, ne valent pas publicité aux fins d'opposabilité aux tiers ;
que dès lors, en opposant de tels actes au syndic, l'arrêt a violé l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 ;
et alors, enfin, qu'en estimant opposable au syndic la vente à la société Transor tout en constatant la caducité des publications antérieures, l'arrêt n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 30 du décret du 4 janvier 1955 la publication d'un acte à la conservation des hypothèques, qui a pour objet de le rendre opposable aux tiers, est sans effet sur sa validité au regard des parties ;
que dès lors, en sa qualité de représentant légal de la société Perray partie au contrat, le syndic n'est pas fondé à invoquer une violation de ce texte pour contester l'opposabilité à la société Perray de la vente qu'elle a conclue ;
Attendu, en second lieu, que la cour d'appel a exactement énoncé que la vente consentie à la société Transor ayant acquis date certaine avant le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Perray, le syndic, en sa qualité de représentant de la masse des créanciers, n'est pas fondé à contester, sur le fondement du texte visé au moyen, l'opposabilité de l'acte de cession ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le pourvoi principal :
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Transor reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de nullité de l'inscription d'hypothèque de la masse alors, selon le pourvoi, que les règles d'opposabilité des publications posées par l'article 30-1 du décret du 4 janvier 1955 ne valent pas titre de propriété et ne peuvent recevoir application que dans la mesure où l'inscription d'hypothèque légale a été prise par le créancier bénéficiaire sur des immeubles appartenant actuellement à son débiteur, sous réserve de prendre des inscriptions complémentaires sur les immeubles entrés par la suite dans son patrimoine, de sorte que procède de la violation de l'article 2122 du Code civil et de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1967 l'arrêt qui, pour des motifs ne concernant pas l'opposabilité à l'acquéreur d'un immeuble d'une inscription d'hypothèque qui aurait été régulièrement prise sur cet immeuble, rejette la demande d'annulation d'une inscription d'hypothèque légale prise par le syndic du vendeur sur un immeuble qui, en vertu d'un contrat opposable à ses ayants cause à titre universel et spécialement au syndic, était déjà sorti du patrimoine du vendeur à la date de la constitution de la masse représentée par le syndic, selon l'article 13 de la loi du 13 juillet 1967, et de la création à son profit d'une hypothèque légale, selon l'article 17 de la même loi ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 2147 du Code civil que les créanciers hypothécaires peuvent prendre utilement inscription sur le précédent propriétaire avant la publication de la mutation opérée au profit d'un tiers, cette inscription produisant les effets réglés par les dispositions sur les procédures collectives ;
que la cour d'appel, qui a constaté que les publications antérieurement effectuées par la société Transor étaient devenues caduques, en a exactement déduit que l'hypothèque légale de la masse inscrite le 6 mars 1989 était valable en dépit de la vente précédemment consentie à cette société ;
d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société Transor reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts alors, selon le pourvoi, que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile la cour d'appel qui examine la demande dont elle était saisie sous le seul angle de l'abus du droit d'agir en justice en retenant le motif légitime que le syndic pouvait avoir de faire juger de l'opposabilité de la vente à la masse sans répondre aux conclusions qui invoquaient sa mauvaise foi pour avoir, au lieu d'inscrire immédiatement la prétendue hypothèque légale de la masse, comme les textes lui en font obligation, attendu plus de cinq années pour le faire et d'avoir été de la sorte à l'origine d'une situation préjudiciable caractérisée par l'impossibilité d'effectuer dans un immeuble déjà vétuste les travaux urgents nécessaires à son entretien et à sa conservation, rendu inexploitable et ayant nécessité le déménagement du siège social de la société Transor qui était précédemment dans les lieux ;
Mais attendu qu'ayant relevé par les motifs qui précèdent que l'inscription de l'hypothèque de la masse prise par le syndic le 6 mars 1989 n'avait été utile qu'en raison de la caducité des publications antérieurement effectuées par la société Transor, la cour d'appel a par là même répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument omises ;
d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens respectifs ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Transor et de M. Y..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.