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Décisions

Cass. com., 12 mars 2002, n° 99-16.926

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Avocats :

SCP Thomas-Raquin et Benabent, Me Choucroy

Lyon 1re ch., du 20 mai 1999

20 mai 1999

Joint les pourvois n° T 99-16.926 et S 99-17.063 qui attaquent le même arrêt ;

Statuant sur le pourvoi principal n° T 99-16.926 formé par la société Mécanoto, la société Flauraud venant aux droits de la société Mécanoto, les sociétés Semel, STEP et TMS et sur le pouvoi principal n° S 99-17.063 relevé par les sociétés Taxicop, Barco et Garage Autos Transports (GAT), ainsi que sur le pouvoi incident formé par M. Z..., et les sociétés Automatismes et Techniques Avancées et Hale France ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Automatismes et Techniques Avancées (société ATA) est propriétaire du brevet n° 79 25 736 déposé le 12 octobre 1979, intitulé "procédé, dispositif et taximètres pour éviter les fraudes sur le prix indiqué par l'afficheur lumineux d'un taximètre électronique", et du brevet n° 80 02 900, déposé le 7 février 1980, intitulé " Procédés et taximètres pour calculer le prix d'une course en taxi" ; que M. Z... est titulaire du brevet n° 83 11 127 déposé le 1er juillet 1983, intitulé "procédé et dispositifs pour éviter les fraudes sur un taxi équipé d'un répétiteur lumineux " ; qu'après saisies-contrefaçon la société ATA et M. Z... ont assigné en contrefaçon des revendications de leurs brevets la société Semel, fabricant des matériels argués de contrefaçon et diverses sociétés de taxis, utilisatrices de ces matériels ; que ces différentes sociétés ont conclu à la nullité des brevets déposés par la société ATA et M. Z..., pour défaut de nouveauté et d'activité inventive ;

Sur le pourvoi n° T 99-16.926 :

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X..., la société Mécanoto, la société Semel, la société Taximètres électroniques parisiens (STEP) et la société Equipements européenne de taximètres Ceetax actuellement dénommée TMS, font grief à l'arrêt d'avoir déclaré valable comme comportant une activité inventive le brevet n° 79 25 736 et de les avoir déclarés contrefacteurs de ce titre, alors, selon le moyen, que l'état antérieur de la technique au regard duquel doit s'apprécier dans la matière des brevets d'invention l'activité inventive comporte de façon fondamentale tout ce qui, quelle qu'en soit la forme ou l'origine, était accessible au public et comportait de ce seul fait un enseignement pour l'homme du métier ;

qu'en refusant de compter parmi les enseignements du domaine public antérieur le dispositif relaté dans le résumé du brevet américain Gately n° 3 670 246 pour la raison que cette relation serait en oppposition avec ce que comporte par ailleurs le texte de ce brevet, l'arrêt a violé les articles L 611-10, L 611-11 et L 611-14 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, qu'ayant relevé que le résumé était erroné et non conforme à la description du brevet, ces documents, selon les productions, ayant été publiés le même jour, la cour d'appel a pu décider que ce résumé ne pouvait être considéré comme compris dans l'état de la technique ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les mêmes font le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que l'état antérieur de la technique au regard duquel doit s'apprécier l'activité inventive d'une revendication est constitué par l'enseignement que l'homme du métier était susceptible de retenir de la somme des éléments contenus dans cette technique antérieure ; qu'en procédant en l'espèce à un examen séparé des antériorités Kremer et Alexander, sans pouvoir justifier son arrêt par les motifs du jugement qui n'avait pas eu à se prononcer sur la même somme d'antériorités, la cour d'appel a violé les articles L 611-10, L 611-11 et L 611-14 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu, qu'il résulte implicitement mais nécessairement de l'examen des différentes antériorités et des enseignements qu'elles comportent, que la cour d'appel a tenu compte de l'ensemble des revendications des différents brevets dont les brevets Kremer et Alexander, pour écarter le grief de défaut d'activité inventive ;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° S 99-17.063, pris en ses trois branches ;

Attendu que les sociétés Taxicop, Barco et GAT font grief à l'arrêt de les avoir condamnées pour contrefaçon de brevets, alors, selon le moyen :

1) que l'acquéreur sur le marché d'un objet contrefait en vue de son utilisation ne peut être condamné que s'il est prouvé qu'il a agi en connaissance de cause de la contrefaçon, si bien qu'en présumant leur mauvaise foi , en leur qualité d'acquéreurs pour le compte de coopérateurs utilisateurs de modèles de taximètres agréés par le ministère et régulièrement mis en vente sur le marché, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve, violant l'article 1315 du Code civil, et n'a pas justifié sa décision au regard de l'article L 615-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

2) qu'en ne s'expliquant pas sur les éléments qui confortaient la bonne foi des sociétés coopératives de production acquéreurs pour le compte de leurs sociétaires, à savoir le fait d'une part que les taximètres régulièrement vendus sur le marché français avaient fait l'objet d'une décision d'agrément ministériel le 21 novembre 1994 et répondaient aux exigences de la profession, et le fait d'autre part, qu'à l'époque ce modèle de taximètre était le seul sur le marché ayant une capacité de mémoire suffisante pour respecter le cahier des charges du centre de gestion GESCOP, ce qui rendait leur acquisition nécessaire par les utilisateurs, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, violant l'article 455 du nouveau Code de procédure civile et privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 615-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

3) que, dès lors que la qualité de "professionnel" des sociétés coopératives ne concernait en rien la technique contrefaite, à savoir la fabrication des taximètres, la cour d'appel ne pouvait en tout état de cause faire présumer la mauvaise foi, si bien que l'arrêt est privé de tout fondement légal au regard de l'article L 4615-1 du Code de la propriété intellectuelle ;

Mais attendu qu'ayant relevé que ces sociétés étaient des professionnels avertis, sur un marché très spécialisé, la cour d'appel qui n'avait pas à effectuer des recherches qui ne lui étaient pas demandées, peu important que les taximètres litigieux eussent fait l'objet d'un agrément administratif, a pu statuer comme elle a fait; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que M. Z..., et les sociétés ATA et Hale reprochent à l'arrêt d'avoir statué comme elle a fait sur le montant de leur préjudice, alors, selon le moyen, que dans leurs conclusions, ils demandaient la condamnation in solidum des auteurs de la contrefaçon à leur payer une indemnité de 5 000 000 francs " sauf à parfaire par expertise "; qu'en énonçant qu'ils ne demandaient plus devant elle l'organisation d'une expertise, la cour d'appel a méconnu les termes du litige tels qu'ils étaient fixés par les conclusions des parties, en violation de l'aticle 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant par une appréciation souveraine fixé le montant de la réparation à allouer, la cour d'appel qui n'était pas tenue de faire droit à une demande d'expertise de surcroît non motivée, a, abstraction faite du motif surabondant invoqué par le moyen, pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi n° T 99-16.926 :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer valable le brevet n° 80 02 900, l'arrêt relève que le procédé Digitax est différent de la revendication 1 du brevet ;

Attendu, qu'en statuant ainsi, sans examiner les brevets US n° 4 045 656, Kenzle et US Ikuta invoqués par les sociétés Mécanoto et autres dans leurs conclusions, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen du pourvoi n° T 99-16.926 :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour déclarer valide le brevet n° 83 11 127, l'arrêt a examiné et écarté au titre des antériorités divers arrêtés municipaux et les enseignements du brevet Kenzle ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans examiner comme cela lui était demandé les enseignements du brevet Gerst, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs ;

CASSE ET ANNULE en toues ses dispositions, à l'exception de celles ayant reconnu valable le brevet n° 79-25 736 déposé par la société ATA, l'arrêt rendu le 20 mai 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.