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Décisions

Cass. com., 12 mars 1979, n° 77-13.595

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vienne

Rapporteur :

M. Rouquet

Avocat général :

M. Toubas

Avocat :

M. Riché

Paris, 4e ch. B, du 11 mai 1977

11 mai 1977

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens qui sont préalables :

Attendu que, selon les constatations de l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 1977), la société Velcro est propriétaire du brevet français numéro 1.182.436 demandé le 10 août 1957 et délivré le 19 janvier 1959, s'appliquant à un dispositif de fermeture constitué par deux bandes de tissu portant des éléments d'accrochage complémentaire, applicables par pression l'une contre l'autre pour réaliser la fermeture, et détachables par simple traction ; que se plaignant de la vente en France par la société Roussel de dispositifs de fermeture fabriqués par la société de droit allemand Capri Voile Gardinen (S.C.V.G.) et reproduisant les caractéristiques de son brevet, la société Velcro et la société Velcro France, cette dernière titulaire d'une licence d'exploitation de ce brevet, ont engagé une action en contrefaçon ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 11 mai 1977), d'avoir, d'une part, omis de répondre aux conclusions de la société Roussel et de la société Capri Voile Gardinen (S.C.V.G.) alors, selon le pourvoi, que ces conclusions sollicitaient, en vue d'obtenir la preuve de la divulgation de l'invention, la production de divers documents se trouvant "entre les mains" de la société Louison et compagnie, d'avoir, d'autre part, pour refuser la production aux débats du registre des délibérations du Conseil d'administration de la société Velcro pour l'année 1966, énoncé qu'une telle production ne pourrait s'envisager « que si des présomptions sérieuses permettaient par ailleurs de conclure à la probabilité de la divulgation alléguée »h, alors selon le pourvoi, qu'en se fondant ainsi sur une règle qu'elle se donne à elle-même, mais qui n'est pas dans la loi, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, et d'avoir, enfin, pour se refuser à examiner des pièces émanant d'un sieur Jacob X, et dont la société Roussel avait demandé au juge de la mise en état d'ordonner la communication, énoncé qu'il n'y avait lieu, ni à réouverture des débats ni à révocation de l'ordonnance de clôture, au motif qu'il n'est justifié, ni même allégué une cause grave de révocation au sens de l'article 784 du nouveau Code de procédure civile, compte tenu notamment, tant de la durée de l'instance que de la date de cette ordonnance de clôture, alors, selon le pourvoi que la requête tendant à la communication desdites pièces était antérieure à ladite ordonnance de clôture ;

Mais attendu, d'une part, que la Cour d'appel n'avait pas à répondre à la demande présentée par la société Roussel dans les motifs de ses conclusions du 25 février 1977, et qui tendait à la production de « divers documents se trouvant entre les mains de la société Louison... », sans aucune précision permettant d'identifier ces pièces, d'autre part, que si le juge peut ordonner la production d'un élément de preuve détenu par une partie il s'agit d'une simple faculté dont l'exercice est laissé à son pouvoir discrétionnaire, et enfin, que les juges d'appel ont souverainement apprécié qu'il n'y avait lieu, à défaut de « cause grave » établie ou même alléguée, de révoquer l'ordonnance de clôture pour examiner des pièces signalées dans une note en délibéré, le fait que la production de ces mêmes pièces ait d'abord été demandée au magistrat de la mise en état, et refusée par celui-ci, étant sans incidence sur le pouvoir de décision de la Cour d'appel ; d'où il suit que les deuxième, troisième et quatrième moyens sont mal fondés ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt déféré, d'avoir, pour faire droit à la demande des sociétés Velcro, déclaré valable le brevet en ce qu'il couvrait le "moyen général" représenté par une fixation dont l'un des éléments était un tissu comportant des boucles sans autre spécification, alors, selon le pourvoi, que le brevet 1.183.436 ne décrit ce tissu que comme comportant des boucles assorties de caractéristiques définies, provenant de procédés et de fabrication eux-mêmes relatés ; qu'en élargissant ainsi abusivement le champ dudit brevet, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Mais attendu que l'arrêt attaqué fait ressortir que le moyen général de brevet consiste dans la combinaison nouvelle de deux éléments connus pour réaliser l'accrochage : d'un côté un tissu à boucles, et de l'autre, un tissu à crochets, et que cette fonction est nouvelle ; que la Cour d'appel a pu, dès lors, décider que la protection devait être accordée à ce moyen général ; qu'ainsi, le moyen est mal fondé ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu qu'il est enfin reproché à la Cour d'appel d'avoir déclaré la société Roussel coupable de contrefaçon sans qu'elle ait jugé nécessaire de constater que cette société avait agi « en connaissance de cause », alors, selon le pourvoi, que dans des conclusions auxquelles la Cour d'appel a omis de répondre, la société Roussel faisait valoir qu'elle n'avait pas la qualité d'importatrice, ayant acheté en France une marchandise déjà importée et dédouanée par un tiers ;

Mais attendu, que répondant aux conclusions prétendument délaissées, la Cour d'appel a constaté que la société Roussel et la S.C.V.G. avaient « participé l'une et l'autre à l'introduction en France des produits contrefaits » ; qu'elle a pu décider, l'article 51 alinéa 2 de la loi du 2 janvier 1968 étant en conséquence inapplicable, que ces deux sociétés, coauteurs de l'importation de ces produits étaient coupables de contrefaçon, sans qu'il ait été nécessaire que soit rapportée la preuve qu'elles avaient agi « en connaissance de cause », que dès lors, le moyen doit être écarté ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 11 mai 1977 par la Cour d'appel de Paris (4ème chambre B).