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Décisions

Cass. com., 29 avril 2003, n° 99-15.544

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. Delmotte

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Bachellier et Potier de la Varde, Me Copper-Royer

Cass. com. n° 99-15.544

28 avril 2003

Donne acte à la société Banque Worms et à la société Foncière de crédit de ce qu'elles se sont désistées de leur pourvoi en tant que dirigé contre la société Hôtellerie Jeunes Rives ;

Sur les premier et second moyens, pris en leurs diverses branches, réunis :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 9 mars 1999), que la société Banque Worms et la société Foncière de crédit (les banques) ont accordé le 28 juin 1990 à la société Hôtellerie Jeunes Rives (la société) un prêt, remboursable en une seule fois, d'une durée de six mois ; que la société EIE International corporation (EIE), société de droit japonais, a donné sa garantie pour le remboursement de ce prêt ; que la date de remboursement du prêt, initialement fixée au 15 décembre 1990, a successivement été reportée, par accord entre les parties, au 15 juin 1991, au 16 décembre 1991 puis au 16 janvier 1992 ;

qu'après la mise en redressement judiciaire de la société, prononcée le 27 janvier 1992, les banques ont déclaré leur créance ; que le juge-commissaire ayant admis les intérêts de cette créance au passif, la société EIE, agissant sur le fondement de l'article 103 de la loi du 25 janvier 1985, a contesté cette admission ; que le tribunal saisi de ce recours a, notamment, dit recevable la contestation de la société EIE et rejeté la créance des banques au titre des intérêts postérieurs au 27 janvier 1992 ; que la cour d'appel a confirmé ce jugement ; que de son côté, la cour d'appel de Tokyo a statué sur la qualification de la garantie donnée par la société EIE ;

Attendu que les banques font grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la contestation de la société et d'avoir rejeté leur créance au titre des intérêts postérieurs au 27 janvier 1992, alors, selon le moyen :

1°) qu'une partie n'est recevable à contester l'admission d'une créance au passif d'un débiteur que si elle justifie d'un intérêt dont le juge doit s'assurer ; qu'ainsi la cour d'appel en considérant qu'elle n'était pas compétente pour apprécier si la société EIE, tenue envers elles sur le fondement d'un engagement autonome à première demande lui interdisait d'opposer toute exception propre au débiteur comme inhérente à la dette, avait un intérêt à contester l'admission de leur créance pour les intérêts postérieurs au jugement déclaratif pour un motif tenant à l'ouverture d'une procédure collective, a violé les articles 31 du nouveau Code de procédure civile et 103 de la loi du 25 janvier 1985 ;

2°) que seuls les jugements en matière d'état et de capacité des personnes sont susceptibles d'avoir autorité en France sans être revêtus de l'exequatur ; qu'ainsi en reconnaissant une telle autorité à une décision japonaise, statuant sur une demande en paiement d'une créance, la cour d'appel a violé l'article 509 du nouveau Code de procédure civile ;

3°) qu'un jugement étranger ne peut se voir reconnaître une autorité en France que s'il répond aux conditions de régularité permettant de lui accorder l'exequatur ; qu'en reconnaissant l'autorité de la décision japonaise sans vérifier si elle remplissait ces conditions, la cour d'appel a violé l'article 509 du nouveau Code de procédure civile ;

4°) que doit être considéré comme conclu pour une durée supérieure à un an, au sens de l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985, le prêt qui même consenti à l'origine pour une durée de moins d'un an, a eu par l'effet de prorogations successives sans novation, une durée effective de plus d'un an ; qu'en considérant que le prêt litigieux qui avait fait l'objet, par avenants successifs excluant toute novation, de telles prorogations portant sa durée totale à 18 mois et demi, avait été conclue pour une durée de moins d'un an, la cour d'appel a violé le texte précité ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, qui a apprécié, dans l'exercice de son pouvoir souverain, l'intérêt à agir de la société EIE, n'a pas statué sur l'autorité en France de la décision japonaise ;

Attendu, en second lieu, qu'échappent à l'arrêt du cours des intérêts prévu par l'article 55 de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction applicable en la cause les contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ; qu'analysant le contenu des avenants au contrat de prêt litigieux, l'arrêt retient que la circonstance que trois prolongations successives aient été accordées ne saurait conférer au prêt, au regard des dispositions de l'article précité, le caractère d'un prêt conclu pour une durée égale ou supérieure à un an ; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.