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Décisions

Cass. com., 14 octobre 1997, n° 95-14.824

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

Mme Aubert

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Delaporte et Briard, SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde

Douai, du 2 févr. 1995

2 février 1995

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 2 février 1995), qu'à la suite de la mise en redressement judiciaire de la société Traphold le 7 novembre 1988, la Société de développement régional du Nord - Pas-de-Calais (SDRN) a été admise le 20 janvier 1990, à titre chirographaire, au passif de cette société pour la somme de 2 930 303,22 francs, représentant le montant en principal d'un prêt plus les intérêts des échéances restant à courir jusqu'au 22 octobre 1995 ; que le plan de continuation de la société Traphold dont les actions ont été cédées à la société Desquenne et Giral Industrie (Desquenne), a prévu l'apurement du passif en 12 ans ; que la SDRN a prétendu qu'en raison du plan adopté, le prêt contracté le 20 novembre 1985 pour une durée de 10 ans devait poursuivre tous ses effets pendant six années supplémentaires et a saisi le Tribunal afin que la société Traphold aux droits de laquelle a succédé la société Desquenne, soit condamnée à lui régler les échéances du prêt comprenant les intérêts contractuels et de retard calculés jusqu'au 5 mai 2001 ;

Attendu que la société Desquenne fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement déféré ayant fait droit à la demande de la SDRN et d'avoir fixé le tableau d'amortissement des échéances dues jusqu'au 5 mai 2001, pour la somme totale en capital et intérêts de 4 094 930,33 francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes de l'article 74 de la loi du 25 janvier 1985, le Tribunal, qui arrête le plan de redressement, peut simplement réduire les remises et délais acceptés par les créanciers et fixer des délais uniformes de paiement pour tous les créanciers, sous réserve, en ce qui concerne les créances à terme, des délais supérieurs stipulés par les parties avant l'ouverture de la procédure ; qu'il n'appartient pas au Tribunal de modifier l'équilibre contractuel initialement convenu entre les parties, en augmentant la charge des intérêts conventionnels convenus à un taux déterminé pour une période déterminée, par l'homologation d'un nouvel échéancier ; que les délais de paiement accordés par le Tribunal au débiteur ne peuvent en aucun cas influer sur le quantum de la créance telle qu'elle a été admise par le juge-commissaire ; qu'en décidant que l'échéancier adopté par la cour d'appel, dans l'arrêt du 19 octobre 1989, avait eu pour effet de prolonger d'autant la période durant laquelle les intérêts conventionnels devaient courir au taux initialement convenu par les parties, la cour d'appel a tout autant méconnu les articles 55 et 74 de la loi du 25 janvier 1985, que l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que la créance de la société SDRN à l'égard de la société Traphold avait fait l'objet d'une décision d'admission à hauteur de 2 930 303,22 francs, " dont 2 000 000 francs, en principal et sauf compte d'intérêts " ; que cette décision n'a fait l'objet d'aucun recours et est devenue définitive ; qu'ainsi, la société SDRN n'était plus en droit de réclamer par la suite le paiement d'une somme supérieure au montant admis par le juge-commissaire ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision et a violé tant les articles 67 et 74 du décret du 27 décembre 1985, que l'article 1351 du Code civil ; et alors, enfin, que le bénéficiaire du plan ne peut se voir imposer d'autres charges que les engagements souscrits au cours de la préparation du plan ; qu'en s'abstenant de rechercher, bien qu'y ayant été expressément invitée, s'il ne résultait pas des pièces de la procédure et spécialement du jugement rendu le 5 mai 1989, ayant arrêté le plan de redressement de la société Traphold, que la société Desquenne et Giral Industrie s'était engagée à procéder à l'apurement du passif en se fondant sur le montant de la créance de la société SDRN, définitivement admise à hauteur de 2 930 303,22 francs et qu'ainsi, elle ne pouvait être tenue au-delà de cette somme, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 62 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, d'une part, que le créancier, qui a consenti au débiteur, avant son redressement judiciaire, un prêt pour une durée d'au moins un an et auquel sont imposés par le plan de continuation des délais de remboursement plus longs que ceux contractuellement prévus, a droit au paiement des intérêts prévus par le contrat à raison de l'allongement de ces délais ; que la cour d'appel qui a retenu que les intérêts de retard contractuels étaient dus jusqu'à la dernière échéance du plan relative à la créance de la SDRN, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt constate que le juge-commissaire a réservé la fixation des intérêts dont le cours n'était pas arrêté, de sorte que la décision d'admission au passif n'a pas autorité de la chose jugée de ce chef ;

Attendu, enfin, que la société Desquenne s'est bornée à prétendre dans ses conclusions d'appel que les modalités d'application du plan de continuation devaient s'appliquer à la créance déclarée ; que la cour d'appel a constaté que la déclaration de créance mentionnait le calcul des intérêts dont le cours n'était pas arrêté ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision, sans avoir à effectuer d'autre recherche ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.