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Décisions

Cass. crim., 6 décembre 2005, n° 04-86.929

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Avocat général :

M. Di Guardia

Avocat :

SCP Baraduc et Duhamel

Nîmes, ch. corr., du 29 oct. 2004

29 octobre 2004

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, des articles 111-4, 121-3 et 222-19 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

en ce que l'arrêt attaqué a déclaré William X coupable d'atteinte à l'intégrité physique ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à trois mois par inobservation d'une obligation particulière de sécurité et de non-respect des mesures en matière d'hygiène et de sécurité du travail, et l'a condamné à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis, 1.000 euros d'amende, outre la publication et l'affichage de la décision ;

aux motifs qu'à la date de l'accident, William X disposait d'une délégation de pouvoirs conférée en sa qualité de conducteur de travaux depuis le 8 janvier 2001, lui faisant obligation de contrôler le travail du chantier et lui conférant autorité, compétence et moyens nécessaires, y compris disciplinaires pour faire respecter les règles d'hygiène et de sécurité, et notamment le contrôle de l'application efficace des consignes et la présence sur le chantier du matériel nécessaire, ainsi que la mise en conformité et l'entretien des équipements de travail, à charge d'en référer au directeur de l'entreprise en cas de difficulté ; qu'à la date des faits le prévenu figurait sur l'organigramme du chantier de Calvisson comme le responsable hiérarchique en position supérieure à celle du chef d'équipe, et en numéro deux juste après le directeur de l'entreprise lui ayant conféré la délégation de pouvoirs ; que si le prévenu a reconnu avoir fait livrer l'escabeau utilisé par la victime après en avoir fait passer commande, il ne pouvait prétendre que ce matériel était correct tandis qu'il appert des éléments du dossier que non seulement la plate-forme utilisée par André Y était en état d'usure avancée, mais également dépourvue des stabilisateurs latéraux dont l'usage était prescrit par le fabricant, et qu'en tout état de cause, même équipé de ces accessoires, un tel matériel eut été inadapté pour tous les travaux extérieurs, y compris ceux de ragréage tels qu'exécutés par la victime ; que le prévenu avait l'obligation, de par sa délégation de pouvoirs dument acceptée, de contrôler l'exécution des travaux et le travail du chef de chantier, de sorte qu'il ne peut arguer de l'exécution d'un ordre inopportun du chef de chantier qui lui était subordonné, voire de l'imprudence de la victime ; qu'ainsi William X a délibérément violé ses propres obligations de prudence et de sécurité qu'il connaissait, puisqu'il ne s'est manifestement pas assuré de la résistance et de la stabilité des matériels mis à disposition du personnel du chantier, contribuant ainsi à créer une situation qui a permis la réalisation du dommage ;

alors que le délit d'atteinte involontaire à l'intégrité physique d'autrui ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à trois mois, reproché à une personne physique qui n'a pas causé directement le dommage, n'est caractérisé que si la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement dénoncée présente un lien causal certain avec le dommage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir relevé que la plate-forme était dépourvue de stabilisateurs latéraux dont l'usage était prescrit par le fabricant au moyen d'une étiquette collée, ne pouvait affirmer que William X avait créé une situation permettant la réalisation du dommage puisqu'elle avait précédemment indiqué que même équipé de ces accessoires, un tel matériel eut été inadapté pour tous travaux extérieurs, y compris ceux de ragréage tels qu'exécutés par l'ouvrier ; qu'ainsi la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences de l'absence de lien de causalité, a violé les articles 121-3 et 222-19 du Code pénal ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'André Y, salarié de la SNC Portal, qui se trouvait sur une plate-forme individuelle roulante pour procéder au ragréage d'un voile de béton, a fait une chute en raison de l'instabilité du sol sur lequel reposait le matériel utilisé ; que, cité devant le tribunal correctionnel pour blessures involontaires et violation des règles de sécurité, William X, conducteur de travaux titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, a été condamné ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, la cour d'appel retient, notamment, que le prévenu a commis une violation délibérée de ses obligations de prudence et de sécurité, qu'il connaissait, dès lors qu'il ne s'est pas assuré de la résistance et de la stabilité des matériels mis à la disposition du personnel du chantier, conformément aux prescriptions des articles 2 et 3 du décret du 8 janvier 1965, et a ainsi contribué à créer une situation qui a permis la réalisation du dommage ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, et procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 121-3, alinéa 4, du Code pénal ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.