Cass. com., 25 janvier 2005, n° 03-10.490
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M.Tricot
Attendu, selon l'arrêt déféré, que la société Après ski Isba devenue la société Voironnaise de vêtements était titulaire de la marque Isba déposée le 3 mars 1977 auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), en renouvellement d'un précédent dépôt pour désigner en classe 25 tous articles chaussants, et de la marque internationale Isba enregistrée le 2 octobre 1959 pour une durée de 20 ans, renouvelée le 2 octobre 1979 pour une même durée, enregistrée dans différents pays dont la Norvège ; que par acte notarié du 4 avril 1985, cette société a cédé à la société Manufacture iséroise de chaussures et d'articles de sport (société MICAS) partie de son fonds de commerce et les marques précitées ; que par jugement du 5 juillet 1991, le tribunal de commerce a autorisé le commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société Micas à céder à la société Y... expansion la marque Isba ainsi que des matériels et stocks, relevant que des difficultés pouvaient survenir à propos de la marque compte tenu des formalités à engager pour procéder "au renouvellement des inscriptions auprès de l'INPI et pour certains pays étrangers" ; que M. Guy Y..., après expiration le 3 mars 1987 de la validité de la marque française Isba, a déposé cette marque le 17 mars 1988 et a conféré une licence d'exploitation à la société Industrial shoes production associated (société ISPA) créée à son initiative le 22 janvier 1990 ; que le 3 mars 1998, M. Guy Y... a déposé la marque communautaire Isba, enregistrée sous le n° EM 761 502, pour désigner les produits en classes 17, 18 et 25 ; que la validité de la marque Isba en Norvège étant expirée, cette marque a été à nouveau déposée le 12-10-1990 par la société Voironnaise de vêtement puis cédée à la société Y... expansion après cession des actifs de la société MICAS ; que les sociétés Y... expansion et ISPA qui s'étaient réparties les activités de fabrication et de commercialisation des chaussures de marque ISPA pour la Norvège ont rompu leurs relations en 1999, la société Y... expansion faisant défense à la société ISPA d'utiliser cette marque en Norvège ; que la société Y... expansion ayant poursuivi judiciairement la société ISPA et M. Guy Y... à l'effet de la voir déclarer copropriétaire de la marque déposée en Norvège, ceux-ci ont reconventionnellement conclu à l'annulation ou à la revendication des marques française et communautaire déposée par M. Guy Y..., en fraude de ses droits ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Y... expansion fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en revendication et subsidiairement en annulation de la marque française Isba déposée le 17 mars 1988 par M. Guy Y..., alors, selon le moyen, qu'elle faisait valoir dans ses conclusions que M. Guy Y... avait lui-même indiqué "avoir déposé sa marque à titre conservatoire" et s'engager "à la céder à l'adjudicataire de Micas-Isba" ; qu'en s'abstenant de toute explication sur ce point, propre pourtant à interdire à M. Guy Y... de prétendre sans fraude ensuite à conserver pour son seul profit le bénéfice de ce dépôt, la cour d'appel a méconnu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que M. Guy Y... rapportait la preuve que M. Claude Y..., gérant de la société Y... expansion et M. Paul Y..., frère des précédents, lui avaient donné leur accord pour qu'il dépose la marque Isba, la cour d'appel a pu, au vu des éléments de preuve qui lui étaient soumis, estimer que M. Guy Y... en déposant cette marque sous son nom, n'avait pas agi de mauvaise foi ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Y... expansion reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en revendication et subsidiairement en annulation de la marque communautaire Isba déposée par M. Guy Y..., alors, selon le moyen :
1 ) que le caractère frauduleux du dépôt d'une marque s'apprécie au jour de ce dépôt et au regard de sa portée ; qu'en retenant en l'espèce que les raisons commandant de retenir que Guy Y... n'avait pas commis de fraude à l'égard de la société Y... expansion en déposant en 1988 la marque française Isba conduisaient à retenir qu'il n'avait pas davantage agi frauduleusement en déposant dix ans plus tard en 1998 une marque communautaire Isba, la cour d'appel, qui ne s'est pas placée à la date de ce dépôt et n'a pas davantage tenu compte de sa portée par nature différente d'un simple dépôt français, a statué par des motifs inopérants en violation de l'article 97 du règlement CE n° 40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire et de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle ;
2 ) que la société Y... expansion sollicitait encore la nullité de la marque communautaire Isba déposée par M. Guy Y... en 1998 à raison de la marque internationale antérieure Isba dont elle est titulaire et qui désigne de nombreux pays communautaires ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef de conclusions déterminant des conclusions de la société Y... expansion, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de motif en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la société Y... expansion s'étant bornée dans ses conclusions d'appel à se référer aux arguments développés à l'appui de la demande en revendication et en annulation de la marque française, la cour d'appel qui n'avait pas à suppléer la carence de cette société dans l'offre de preuve, a pu statuer comme elle a fait ;
Attendu, d'autre part, dès lors que la société Y... expansion ne justifiait ni de la date du dépôt de la marque internationale alléguée, ni de son étendue, ni des produits objet de la protection, que la cour d'appel n'avait pas à répondre à des arguments non assortis d'offres de preuve ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article L. 714-1 du Code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu'aux termes de ce texte le transfert de propriété d'une marque est constaté par écrit à peine de nullité ;
Attendu que pour déclarer la société ISPA copropriétaire avec la société Y... expansion de la marque Isba enregistrée en Norvège, l'arrêt retient au vu des éléments qui lui ont été soumis, que les contractants étant tous deux commerçants, la preuve est suffisamment rapportée d'une convention conclue entre les parties ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans constater que la cession avait fait l'objet d'un écrit, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais en ses seules dispositions ayant déclaré la société ISPA copropriétaire avec la société Y... expansion de la marque Isba enregistrée en Norvège sous le n° 105 997, l'arrêt rendu le 19 septembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne les défendeurs aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société ISPA et des consorts Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille cinq.