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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 27 janvier 1999, n° 97/01061

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Caisse Centrale de Crédit Mutuel du Nord, Caisse de Crédit Mutuel de Reims d'Erlon

Défendeur :

Dargent (ès qual.), Institut de Formation Supérieure de Coiffure, Ecole Supérieure Européenne d'Esthétique et de Parfumerie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ciabrini

Conseillers :

Mme Rouvière, Mme Belaval

Avoués :

SCP Chalicarne Delvincourt Jacquemet, SCP Six & Guillaume

Avocats :

Me Zajara, SCP Antoine & Bennezon

T. com. Reims, prés., du 11 mars 1997

11 mars 1997

EXPOSE DU LITIGE :

Un jugement du Tribunal de Commerce de REIMS en date du 27 août 1996, a prononcé à l’encontre de l’Ecole Supérieure d’Esthétique et de Parfumerie, (en abrégé ESEDEP) et de l’institut de Formation Supérieure Européen de Coiffure, (en abrégé IFSEC) ayant une activité d’école privée proposant à des élèves des formations dans les domaines de la coiffure et de l’esthétisme, une procédure de redressement judiciaire convertie immédiatement en liquidation judiciaire.

Maître DARGENT, pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de I’ESEDEP, et de I’IFSEC, soutenant que le CREDIT MUTUEL n’avait pas hésité à encaisser des sommes sur lesquelles ces sociétés n’avaient aucun droit, avait utilisé ces fonds pour mettre le compte en banque, en position créditrice, et s’était servi des paiements effectués par les parents d’élèves pour combler le solde débiteur du compte courant, a, selon actes d’huissier des 26 novembre 1996, et 6 février 1997, saisi le juge des référés au Tribunal de Commerce de REIMS, pour voir ordonner la communication sous astreinte de la part du CREDIT MUTUEL DU NORD et du CREDIT MUTUEL DE REIMS D’ERLON, de l’ensemble des pièces lui permettant de reconstituer la comptabilité des sociétés liquidées.

Le Président du Tribunal de Commerce de REIMS a, par ordonnance de référé, rendue le 11 mars 1997:

**ordonné à la société CREDIT MUTUEL UNION DE COOPERATIVES CAISSE CENTRALE DE CREDIT MUTUEL DU NORD et CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE REIMS D’ERLON, solidairement, de remettre dans les huit jours de la signification de la présente ordonnance, et sous astreinte de 5 000 F, par jour de retard, à Maître DARGENT es qualités, la position de l’ensemble des comptes des sociétés liquidées, au 27 août 1996,

** ordonné aux mêmes parties de communiquer, dans les huit jours, de la signification d la présente ordonnance, et sous la même astreinte, la liste détaillée des opérations créditrices postérieures à cette date, jusqu’au jour de la décision, en précisant notamment le nom des banques émettrices, ainsi que l’identité des payeurs en langage clair, et non en langage bancaire,

** condamné conjointement et solidairement ces mêmes parties à payer à Maître DARGENT, es qualités, la somme de 3000 F, en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Appel a été relevé par la CAISSE CENTRALE DE CREDIT MUTUEL DU NORD et la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE REIMS D’ERLON venant aux droits de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE REIMS VESLE, intimant Maître Jean-François DARGENT, es qualités.

Les appelantes concluent, en premier lieu, à l’irrecevabilité des demandes présentées à l’encontre de la CAISSE CENTRALE DE CREDIT MUTUEL DU NORD, qui n’a pas contracté avec les écoles concernées, et qui a une entité juridique à part entière.

Elles concluent, en second lieu, à l’infirmation de la décision déférée, et à la condamnation de l’intimé, outre aux dépens, au paiement d’une somme de 10 000 F, par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elles soutiennent, à cet effet, que les prétentions à l’encontre de la CAISSE CENTRALE DE CREDIT MUTUEL DE REIMS D’ERLON, sont sans fondement, estimant avoir répondu aux demandes du liquidateur, étant observé que: - le banquier n’a pas à se substituer au représentant de l’entreprise ou à son comptable afin de détailler les opérations, - sur le plan technique, la banque ne peut rejeter une somme arrivant au débit ou au crédit que le jour de sa présentation, - il n’appartient pas au banquier, qui n’a pas à s’immiscer dans la gestion de l’entreprise, d’effectuer de distinctions afin de déterminer les sommes devant être affectées au cessionnaire.

Les appelantes concluent, par suite, et, en tout état de cause, à l’incompétence du juge des référés, pour statuer sur l’étendue des obligations du banquier.

Le liquidateur conclut à la confirmation de l’ordonnance critiquée, ainsi qu’à la condamnation des appelantes, outre aux dépens, au paiement des sommes de 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et 10 000 F, au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il répond, sur l’irrecevabilité des demandes, en alléguant l’absence d’identification des banques intéressées.

Il précise, sur le fond, qu’il n’a pu obtenir les pièces litigieuses, qu’en exécution de l’ordonnance querellée.

Il soutient, en particulier, qu’il y avait un dommage imminent d’une part, pour les parents d’élèves qui risquaient de payer un service non servi, d’autre part, pour le cessionnaire à qui revient le droit d’encaisser les Irais de scolarité 96-97, non encaissés à la date de la liquidation, pour les élèves repris.

MOTIFS DE LA DECISION :

L’appel est recevable, comme non discuté par l’intimé, et aucun moyen susceptible d’être relevé d’office sur cette recevabilité ne résultant de la procédure.

Ne sont pas fondées les conclusions d’irrecevabilité des appelantes, au vu des pièces produites aux débats, telle, en particulier une lettre à l’en-tête du CREDIT MUTUEL DU NORD, adressée à I’IFSEC, le 17 septembre 1996, indiquant in fine comme adresse « Caisse Centrale de Crédit Mutuel du Nord, 4, place Richebé-59011 Lille Cedex ».

Ce courrier prouve le contrat liant cette banque et l’une des sociétés liquidées.

Au vu des dispositions de l’article 19 de la loi du 25 janvier 1985, inséré dans la section Il relative à l’élaboration du bilan économique et social et du projet de plan de redressement de l’entreprise’, sont fondées les prétentions du liquidateur.

En effet, ce texte, d’ordre public, dispose que le juge-commissaire peut, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communication par .. .les établissements de crédit, ainsi que les services chargés de centraliser les risques bancaires et les incidents de paiement, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière de l’entreprise.

Les exceptions soulevées par les agences bancaires intimées ne sont dès lors par recevables, étant observé que les précisions fournies par le liquidateur, dans sa lettre du 24 septembre 1996, adressées au CREDIT MUTUEL DU NORD, à LILLE, donnaient à la banque toutes garanties sur l’étendue de son devoir d’information, en l’état de la procédure collective dont s’agit.

Les courriers adressés les 4 septembre, 12 septembre 1996 et 8 octobre 1996 au CREDIT MUTUEL à REIMS, démontrent le défaut de réponses adéquates de La banque aux demandes pourtant minutieuses, et fondées du liquidateur.

L’urgence d’apurement des comptes est évident, compte tenu de la cession de fonds de commerce conclue le 11 septembre 1996, par le liquidateur, en exécution de l’ordonnance du Juge-commissaire aux opérations de la liquidation judiciaire des sociétés ESEDEP et )FSEC, au bénéfice de la société LES CAPUCINES.

En conséquence, est purement et simplement confirmée, l’ordonnance déférée.

Si le juge des référés n’est pas compétent pour allouer des dommages-intérêts dans la présente procédure, les dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, commandent d’accorder au liquidateur une somme de 10 000 F, en compensation des frais non répétibles par lui exposés, à hauteur d’appel.

Les appelantes succombant en leur recours, doivent supporter les frais.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu en matière de référé:

En la forme, reçoit l’appel,

Le dit non fondé, et confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Condamne, en outre, les parties appelantes à payer à Maître Jean-François DARGENT, es qualités, une somme de 10 000 F (dix mille francs), au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires ;

Condamne les appelantes aux dépens ;

Admet la SCP SIX-GUILLAUME, Avoué en la cause, au bénéfice de l’article 699 du nouveau Code de procédure civile.