Cass. crim., 30 avril 2002, n° 01-81.860
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Desportes
Avocats :
Société Civile Professionnelle Monod et Colin, Me Blondel
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Hervé,
- Z... Charline, épouse Y...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 8 février 2001, qui, infirmant sur le seul appel de la partie civile l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction, les a renvoyés devant le tribunal correctionnel, le premier, pour violation du secret professionnel, et, la seconde, pour recel ;
Vu l'article 574 du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Hervé X..., pris de la violation des articles 226-13 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné le renvoi d'Hervé X... devant le tribunal correctionnel de Paris ;
"aux motifs qu'il ressort du dossier de la procédure que le courrier du 16 février 1998, signé de Mme C..., agent municipal de la ville de Lille, transmettant, contrairement aux usages administratifs en vigueur, la lettre du directeur de l'URSSAF, a reçu l'approbation de son supérieur hiérarchique, Hervé X..., qui a reconnu revoir les projets de lettre de l'intéressée et n'a pu, à l'évidence, se désintéresser d'un courrier mentionné par le cabinet du ministre comme "très signalé", alors qu'il se disait harcelé par la demanderesse ; qu'en communiquant la lettre du directeur de l'URSSAF à Charline Z..., personne tierce à l'Administration, fût-ce pour lui faire connaître leur action en sa faveur, les deux mis en examen ont méconnu l'obligation du respect du secret professionnel qui leur incombait ;
"que l'attention des mis en cause avait été attirée sur le caractère secret de l'information tant par le directeur de l'URSSAF que par le chef de cabinet du ministre, qui avait accompagné la transmission du courrier de conseils de prudence et de la mention "très signalé" ; que la volonté de communiquer le courrier litigieux résulte de la lettre même d'accompagnement de Mme C... qui mentionnait "ce dernier (le directeur de l'URSSAF) lui a transmis la réponse que je me permets de vous adresser, ci-joint en copie" et ne peut, en conséquence, être interprétée comme une transmission involontaire, constitutive d'un éventuel dysfonctionnement ; que la conscience de communiquer une information à caractère secret ressort également des déclarations des mis en cause qui ont indiqué que le courrier avait été adressé à Charline Z..., contrairement aux usages administratifs en vigueur, afin de lui prouver qu'ils étaient intervenus en sa faveur mais ne pouvaient, dans le cas présent, lui être utiles ;
"alors, d'une part, que l'élément intentionnel de l'infraction prévue à l'article 226-13 du Code pénal doit être caractérisé par la conscience de révéler à un tiers une information à caractère secret ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt qu'Hervé X... a indiqué avoir adressé le courrier litigieux à Charline Z... "afin de lui prouver qu'ils étaient intervenus en sa faveur mais ne pouvaient, dans le cas présent, lui être utiles" ; qu'ainsi, en déduisant de ces seules énonciations qu'Hervé X... était pleinement conscient de communiquer une information à caractère secret à Charline Z..., la chambre de l'instruction n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
"alors, d'autre part, que la circonstance selon laquelle la lettre d'accompagnement de Mme C... énoncerait que "ce dernier (le directeur de l'URSSAF) lui a transmis la réponse que je me permets de vous adresser, ci-joint, en copie" ne caractérise pas qu'Hervé X..., supérieur hiérarchique de Mme C..., ait eu conscience de révéler à Charline Z... une information à caractère secret ; qu'ainsi, en déduisant des termes de ce courrier d'envoi l'élément intentionnel de l'infraction de violation du secret professionnel, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de base légale" ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Charline Z..., épouse Y..., pris de la violation des articles 226-13, 321-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a ordonné le renvoi de Charline Z... devant le tribunal correctionnel de Paris ;
"aux motifs qu'il n'est pas contesté que Charline Z... a produit le document litigieux à l'audience du 8 juin 1999 du tribunal de grande instance de Paris, alors que mise en alerte par le courrier du directeur de l'URSSAF, qui faisait état du caractère secret des renseignements transmis, elle ne pouvait ignorer la confidentialité attachée aux informations en sa possession et arguer qu'elle était de bonne foi en en faisant état dans le litige l'opposant à l'association "Les témoins de Jéhovah", l'élément moral de l'infraction résultant de la seule conscience qu'a le prévenu de révéler le secret dont il a connaissance, quel que soit le mobile qui a pu le déterminer ;
"alors que la cassation de l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 8 février 2001, en ce qu'il a dit qu'il résulte de l'information charges suffisantes contre Hervé X... d'avoir, le 16 décembre 1998, révélé à Charline Z... une information à caractère secret, en l'espèce, les résultats d'un contrôle de l'URSSAF concernant l'association "Les témoins de Jéhovah", alors qu'il en était dépositaire à raison des fonctions de membre du cabinet du ministre de l'Emploi et de la Solidarité et de secrétaire général adjoint de la ville de Lille qu'il exerçait, entraînera par voie de conséquence la cassation de ce même arrêt en ce qu'il a dit qu'il résulte de l'information charges suffisantes contre Charline Z... d'avoir, le 8 juin 1999, recelé, en la produisant devant le tribunal correctionnel de Paris, une information à caractère secret, en l'espèce, une lettre du 26 novembre 1997 relative aux résultats d'un contrôle de l'URSSAF concernant l'association "Les témoins de Jéhovah", alors qu'elle savait que ce document provenait de la violation d'un secret professionnel commis par Hervé X... et Elisabeth C... ;
"alors, à titre subsidiaire, que s'il ressort du courrier du 26 novembre 1997 rédigé par M. A..., directeur de l'URSSAF de l'Eure, qu'il avait informé Charline Z... de ce que "les renseignements détenus par l'URSSAF de l'Eure sur l'ATJ sont couverts par l'obligation de secret professionnel", cette précision était limitée aux seuls résultats du contrôle tendant à déterminer si l'association "Les témoins de Jéhovah" avait recours à l'emploi illégal de salariés ; qu'ainsi, en affirmant néanmoins que le courrier du directeur de l'URSSAF faisait état du caractère secret des renseignements transmis, alors même qu'il n'est fait nulle mention d'une quelconque confidentialité relative au redressement de cotisations imposé à l'association "Les témoins de Jéhovah", la chambre de l'instruction a dénaturé le courrier susmentionné et entaché son arrêt attaqué d'un manque de base légale par contradiction de motifs ;
"alors, enfin, que le courrier adressé par M. A... à M. B... ne faisant pas état du caractère secret des informations relatives au redressement de cotisations imposé à l'association "Les témoins de Jéhovah", la chambre de l'instruction ne pouvait déduire la connaissance nourrie par Charline Z... de la confidentialité de ces renseignements des seuls termes de ce courrier ; qu'ainsi, à défaut d'avoir caractérisé la conscience de Charline Z... de révéler une information à caractère secret, la chambre de l'instruction a entaché sa décision d'un défaut de base légale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les moyens se bornent à critiquer les énonciations de l'arrêt relatives aux charges que la chambre de l'instruction a retenues contre les prévenus et à la qualification qu'elle a donnée aux faits poursuivis ; que, ces énonciations ne présentant aucune disposition que le tribunal saisi de la poursuite n'aurait pas le pouvoir de modifier, le moyen est irrecevable en application de l'article 574 susvisé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.