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Décisions

Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-13.240

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

M. Pietton

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

Me Foussard, SCP Bouzidi et Bouhanna

Chambéry, du 16 nov. 2010

16 novembre 2010

Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 16 novembre 2010), que la société civile immobilière Les Iles Stethodor (la SCI) a été constituée en 1990 entre M. et Mme X...-Y..., mariés sous le régime de la communauté légale, et Jean-Louis Y... ; que le capital, d'un montant de 10 000 francs, divisé en 100 parts, a été également réparti entre, d'un côté, M. et Mme X...-Y..., apporteurs de la somme de 5 000 francs et, de l'autre, Jean-Louis Y..., apporteur d'une somme d'un même montant ; que Jean-Louis Y... est décédé le 16 février 1992 ; que ses héritiers, Mme Z..., Mme Stéphanie Y... et M. Dorian Y... (les consorts Y...) ont sollicité leur agrément en qualité d'associés ; que le 21 janvier 2005, l'assemblée des associés a rejeté cette demande ; que les consorts Y... ont refusé d'encaisser le prix des parts de leur auteur qui avait été fixé par l'expert commis sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil et fait défense à M. et Mme X...-Y...de procéder à la mutation de ces parts à leur profit ; que ces derniers ont néanmoins modifié les statuts par décision du 21 février 2007, à la suite de l'attribution à chacun de 25 parts ; que le 10 mars 2008, les consorts Y..., contestant la qualité d'associés de M. et Mme X...-Y..., ont assigné ces derniers et la SCI aux fins de faire déclarer fictive la SCI, d'obtenir la nullité du refus de leur agrément et de l'attribution des parts de l'associé décédé à ces derniers et la dissolution de la SCI ; que M. et Mme X...-Y...ont demandé reconventionnellement de voir constater la validité de la décision de refus d'agrément et du transfert de propriété des parts appartenant à Jean-Louis Y... à leur profit opéré le 27 février 2007 ;

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable comme prescrite leur action en nullité de la décision du refus d'agrément et d'avoir dit que la SCI était composée de deux associés, M. et Mme X...-Y..., alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte des statuts de la société que les associés sont d'une part M. et Mme X...-Y...et d'autre part Jean-Louis Y..., les premiers ayant fait un apport de 5 000 francs rémunéré par l'attribution de 50 parts, numérotées de 1 à 50, Jean-Louis Y... ayant reçu 50 parts numérotées de 51 à 100 en rémunération de l'apport de 5 000 francs ; que les consorts Y... faisaient valoir qu'il résultait des statuts que si les époux X...avaient la moitié des parts sociales, soit 50, elles n'étaient pas attribuées à chacun des époux, l'acte indiquant globalement que les 50 parts étaient attribuées aux époux X...-Y...sans qu'aucun n'ait pris personnellement la qualité d'associé, que si au cours de l'expertise la SCI a communiqué le procès-verbal de la délibération de l'assemblée générale extraordinaire, daté du 21 janvier 2005, par laquelle les époux X...-Y..., agissant comme seuls associés titulaires de 25 parts sociales chacun, ont rejeté en bloc les demandes d'agrément individuelles des consorts Y..., cette pseudo-délibération n'a pas pu leur conférer la qualité d'associés qu'ils n'avaient pas du vivant de Jean-Louis Y..., les consorts Y... indiquant que cette assemblée générale était « inapte à délibérer » sur les demandes d'agrément des héritiers ; qu'en retenant, par motifs propres et adoptés, que le refus d'agrément collectif des héritiers est du 21 janvier 2005, que la SCI est actuellement composée de ses deux seuls associés, M. et Mme X...-Y..., suite aux apports effectués à sa constitution intervenue le 15 janvier 1990 au décès de Jean-Louis Y... et au non-agrément de ses héritiers, que la décision de refus d'agrément intervenue le 21 janvier 2005 est valable en tous points, et encore que rien n'interdit que les propriétaires de parts sociales soient en indivision, que le régime matrimonial des époux X...-Y...était précisé dans l'acte d'apport, que ce régime était le régime légal, les biens acquis et donc les parts sociales étant présumés communs, que cette propriété commune ne fait pas obstacle à la régularité de la société, que les deux époux ont fait l'apport et exprimé dans les statuts leur volonté d'être tous deux personnellement associés, quand il résultait des statuts que les parts appartenaient indivisément aux époux X...-Y...et non individuellement à chacun d'eux, les juges du fond ont dénaturé les statuts et ils ont violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ qu'en retenant que rien n'interdit que les propriétaires de parts sociales soient en indivision, que le régime matrimonial des époux X...-Y...était précisé dans l'acte d'apport, que ce régime était le régime légal, les biens acquis et donc les parts sociales sont présumés communs, que cette propriété commune ne fait pas obstacle à la régularité de la société, que les deux époux ont fait l'apport et exprimé dans les statuts leur volonté d'être tous deux personnellement associés quand le statut de propriétaire indivis des parts sociales excluait qu'ils aient chacun la qualité d'associé, la cour d'appel a violé les articles 1832 et suivants et 1844 et suivants du code civil ;

3°/ que les consorts Y... faisaient valoir que l'exception de nullité était opposée à la demande reconventionnelle des époux X...-Y..., lesquels demandaient que soit validé le transfert de propriété des parts appartenant à Jean-Louis Y... à leur profit opéré le 27 février 2007 en application des statuts et de la décision de refus d'agrément prise par l'assemblée générale le 21 janvier 2005 ; qu'ayant relevé, par motifs adoptés, les stipulations de l'article 6. 0. 1 des statuts de la SCI, selon lesquels la qualité d'associé des héritiers et du conjoint commun en biens de l'associé décédé est soumise à la conditions qu'ils obtiennent l'agrément unanime des autres associés, qu'à défaut il est fait application de l'article 1870-1 du code civil, que la société a été créée le 15 février 1990, que Jean-Louis Y... est décédé le 16 février 1992, puis décidé que le refus d'agrément des héritiers étant du 21 janvier 2005, l'action en nullité est prescrite et les délibérations prises depuis le 27 avril 2004 ne peuvent pas être contestées, sans rechercher ainsi qu'ils y étaient invités, si les consorts Y... n'étaient pas fondés à opposer à la demande de validation du transfert des parts sociales de Jean-Louis Y... opéré au profit des époux X...-Y...le 27 février 2007 en vertu de l'article 6. 1 des statuts et de la délibération du 21 janvier 2005, l'exception de nullité, laquelle est perpétuelle, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision au regard de l'article 1844-14 du code civil ;

4°/ que les consorts Y... faisaient valoir que l'exception de nullité est perpétuelle ; que le transfert des parts sociales de Jean-Louis Y... opéré au profit des époux X...-Y...le 27 février 2007 en vertu de l'article 6-1 des statuts et de la délibération du 21 janvier 2005 ayant refusé aux consorts Y... la qualité d'associé était nul dès lors que, faute de répartition nominative des parts sociales et de régularisation de cette situation du vivant de Jean-Louis Y..., les époux X...-Y...n'ont jamais pris personnellement et individuellement la qualité d'associé de la SCI, qu'en décidant que rien n'interdit que des propriétaires de parts sociales soient en indivision, que la propriété commune des époux X...-Y...ne fait pas obstacle à la régularité de la société, que la perte de la qualité d'actionnaire de M. X...-Y..., pendant la période où il a fait l'objet d'une procédure collective, soit du 19 janvier 1993 au 27 avril 2004, n'a jamais été constatée pendant ce délai, qu'à partir de cette dernière date, rien ne s'opposait à ce qu'il fût associé, que plus de trois ans se sont écoulés avant que les consorts Y... n'assignent la société et ces derniers le 10 mars 2010, que l'action en nullité dirigée contre sa qualité d'associé est donc prescrite en application de l'article 1844-14 du code civil et les délibérations prises depuis le 27 avril 2004 ne peuvent pas être contestées pour ce motif quand l'exception de nullité est perpétuelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1844-14 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu qu'il résultait des statuts de la SCI que M. et Mme X...-Y..., mariés sous le régime de la communauté légale, avaient fait ensemble un apport en numéraire et reçu en contrepartie 50 parts, la cour d'appel, abstraction faite du motif erroné mais surabondant tiré de la détention de parts indivises, critiqué par la deuxième branche, a, sans dénaturer les statuts, exactement décidé que M. et Mme X...-Y...avaient chacun la qualité d'associé ;

Et attendu, en second lieu, que l'exception de nullité ne peut être invoquée que pour faire échec à une demande d'exécution d'un acte juridique ; que l'action de M. et Mme X...-Y...ne tendait pas à la mise en oeuvre d'une obligation issue de l'assemblée des associés du 21 janvier 2005 mais seulement à la constatation de la validité de cette assemblée ayant décidé le refus d'agrément des héritiers de l'associé décédé et de la cession subséquente des parts de celui-ci à leur profit, ce dont il résulte que l'exception de nullité ne pouvait être opposée à cette action ; que par ce motif de pur droit, substitué à celui critiqué, la décision se trouve justifiée ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deux dernières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.