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Décisions

Cass. com., 19 juin 2001, n° 98-18.929

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Gueguen

Avocat général :

M. Feuillard

Avocats :

Me Blondel, SCP Roger et Sevaux

Aix-en-Provence, 2e ch. civ., du 2 avr. …

2 avril 1998

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 avril 1998) que la société anonyme Nivoliers-Steiner (la société) exploitant un fonds de commerce de quincaillerie pour le secteur du bâtiment, avait pour administrateurs MM. Y..., Z..., et Vivet ; qu'après avoir rencontré M. Z... dans un forum de repreneurs d'entreprises, M. X..., qui était à la recherche d'un emploi, a, en 1986, fait apport à la société d'une somme d'un million de francs, qui, sur décision de l'assemblée générale du 30 décembre 1986, a servi à augmenter le capital social à due concurrence ; qu'en contrepartie de son apport, M. X..., qui avait été embauché par la société le 4 septembre 1986 comme directeur des achats, a reçu des actions représentatives de 35 % du capital, et a été nommé par le conseil d'administration, le 2 janvier 1987, directeur général ; que le tribunal de commerce de Salon de Provence a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société, le 25 avril 1988, puis, a, par jugement du 8 février 1989, homologué un plan de cession de l'entreprise ; qu'estimant avoir été victime de manoeuvres dolosives lors de son apport en capital, M. X... a, le 24 septembre 1993, assigné les administrateurs en réparation de son préjudice ; que par jugement du 28 octobre 1994, le tribunal de commerce de Salon de Provence ayant rejeté sa demande, M. X... a fait appel de cette décision contre MM. Y... et Z..., le 2 février 1995, en sollicitant leur condamnation au paiement d'une somme de 2 millions de francs sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé la décision des premiers juges, alors, selon le moyen :

1 / que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter et que le droit de demander la nullité d'un contrat par application des articles 1116 et 1117 n'exclut pas l'exercice, par la victime des manoeuvres dolosives, d'une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du préjudice qu'elle a subi ; que cette action, distincte de celle de l'article 247 de la loi du 24 juillet 1966, repose sur la simple dissimulation de faits qui, même constitutifs de faute de gestion en eux-mêmes, constitue une autre faute sanctionnée par les articles 1116, 1117, et 1382 du Code civil ; d'où il suit qu'en statuant comme elle le fait, cependant que l'action en responsabilité était fondée sur la réticence dolosive et la dissimulation par les dirigeants, MM. Y... et Z... des actes de gestion de l'entreprise à l'époque de l'augmentation de capital à laquelle M. X... avait souscrit, la cour d'appel viole l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 247 de la loi du 24 juillet 1966 ;

2 / que la cour d'appel constate que les faits invoqués par M. X..., dont il soutenait que MM. Y... et Z... lui avaient cachés l'existence, "se situent d'ailleurs pour la plupart courant 1987, soit après l'augmentation de capital", ce dont il résultait que certains étaient antérieurs à ladite augmentation de capital ; qu'en refusant cependant de les examiner au motif inopérant et erroné en droit qu'il s'agirait "nécessairement et exclusivement de fautes de gestion et ne peuvent appuyer la réclamation limitée aux manoeuvres ayant conduit à l'augmentation de capital", la cour d'appel viole derechef l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 247 de la loi du 24 juillet 1966 ;

Mais attendu qu'une faute de gestion n'est pas constitutive en tant que telle d'une manoeuvre dolosive ; que seule sa dissimulation à un cocontractant en vue de l'amener à contracter, ce qu'il n'aurait pas fait s'il avait eu connaissance de cette faute, peut être considérée comme une telle manoeuvre ;

Attendu, qu'en l'espèce, la cour d'appel a, ainsi, indiqué, à bon droit, que parmi les griefs formulés par M. X..., ceux concernant exclusivement des fautes de gestion ne pouvaient venir à l'appui de sa contestation limitée aux manoeuvres l'ayant conduit à souscrire à l'augmentation de capital ; qu'elle a, ensuite, pris le soin de préciser que les fautes de gestion évoquées étaient contestées par les défendeurs et, pour la plupart, postérieures à l'augmentation de capital, ce dont il se déduit que les éventuelles fautes antérieures à cet événement n'étant pas établies, leur dissimulation l'était encore moins ; qu'au demeurant, la cour d'appel, qui, après une analyse précise des griefs de M. X..., a estimé que l'existence d'un comportement dolosif des défendeurs n'était pas démontré, n'encourt pas les critiques du moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.