Cass. com., 8 avril 2014, n° 13-13.439
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
Me Foussard, SCP Boré et Salve de Bruneton
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 28 septembre 2012), que M. X... a constitué avec MM. Y... et Z... la SCCV Victor Hugo (la société) ayant pour objet l'acquisition d'un terrain dont il était propriétaire ; que M. X..., désigné gérant de la société, a reçu mandat d'acquérir ce terrain au nom de la société ; que reprochant à M. X... d'avoir ultérieurement cédé son bien à un tiers, M. Y... l'a fait assigner en responsabilité ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vendant un immeuble à un tiers, M. X... n'a fait qu'user des droits dont il était personnellement titulaire, en tant que propriétaire du terrain; que la licéité de cet acte devait être appréciée, non pas au regard des règles gouvernant la fonction de gérant exercée par M. X... au sein de la SCCV Victor Hugo, mais au regard des règles gouvernant l'exercice, par une personne physique, de son droit de propriété à l'égard des biens situés dans son patrimoine ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 544 et 1382 du code civil, par refus d'application, et 1843-5 et 1850 du même code, par fausse application ;
2°/ qu'à défaut d'avoir constaté que M. X... avait eu un comportement fautif en ce que, en tant que propriétaire d'un bien situé dans son patrimoine et exerçant un droit qui lui était personnel, il avait décidé de vendre ce bien à un tiers, les juges du fond ont à tout le moins privé leur décision de base légale au regard des articles 544 et 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir constaté qu'aux termes des statuts, M. X... était, en sa qualité de gérant, investi des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société en vue de la réalisation de son objet et avait reçu mandat exprès d'acquérir au nom de la société le terrain dont il était propriétaire pour un prix d'ores et déjà déterminé, l'arrêt relève que la vente de ce terrain à un tiers a eu pour effet de vider de tout objet la société ; qu'ayant ainsi fait ressortir le comportement fautif de M. X..., l'arrêt a, par ces motifs rendant inopérantes les critiques du moyen, légalement justifié sa décision : que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que les intérêts de M. X..., en tant que personne physique propriétaire du terrain, et les intérêts de la société SCCV Victor Hugo, en tant qu'elle se proposait d'acquérir le terrain, étaient contraires ; que dès lors, il était exclu que l'acte de vente éventuel puisse être passé par M. X..., en tant que vendeur, et par M. X..., ès qualités de gérant de la SCCV Victor Hugo ; qu'en réalité, toute acte accompli par la SCCV Victor Hugo, et visant à l'acquisition du terrain, ne pouvait être accompli, au nom de l'associé, que par une personne autre que M. X... ; qu'à ce titre, il était exclu que M. X... puisse se voir imputer à faute, en tant que gérant statutaire, de n'avoir pas accompli les actes nécessaires à l'acquisition ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 1843-5 et 1850 du code civil ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que M. X... ait soutenu devant la cour d'appel que la contradiction d'intérêts entre sa qualité de propriétaire du terrain et celle de gérant de la société excluait qu'il puisse se voir reprocher d'avoir vendu son immeuble à un tiers ; que le moyen, nouveau, et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'à supposer que M. X... ait eu la faculté de représenter la société dans le cadre de l'opération, alors même qu'il était par ailleurs propriétaire du bien offert à la vente, de toute façon, l'abstention de M. X..., en tant que gérant statutaire de la SCCV Victor Hugo, était sans lien de cause à effet avec le préjudice éventuellement subi par M. Y..., dès lors qu'en tout état de cause, M. X..., en tant que personne physique, titulaire du bien, restait libre, usant des attributs de son droit de propriété, d'en transférer la propriété à un tiers ; que faute d'avoir recherché si la liberté de M. X... en tant que personne physique d'exercer son droit de propriété n'excluait pas l'existence d'un quelconque lien de cause à effet avec le préjudice invoqué, et si la faute devait être imputée à M. X... en sa qualité de gérant, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1843-5 et 1850 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la vente par M. X... de son terrain à un tiers, en tant qu'elle avait eu pour effet de vider de tout objet la société, avait constitué une faute, ce dont il résultait que M. Y... était en droit de réclamer la réparation du préjudice que cette faute lui avait personnellement causé, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche dès lors inopérante invoquée par le moyen, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.