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Décisions

Cass. crim., 19 février 1998, n° 97-80.466

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schumacher

Rapporteur :

Mme de la Lance

Avocat général :

M. Cotte

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Limoges, ch. corr., du 20 déc. 1996

20 décembre 1996

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 216 de la loi du 25 janvier 1985, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt n° 504 attaqué a déclaré Marie-Christine X... coupable d'exercice d'activité professionnelle ou sociale malgré l'interdiction judiciaire, en l'espèce d'infraction à interdiction de gérer, et l'a condamnée de ce chef ;

"aux motifs propres et adoptés que les salariés de la société Ocre Publicité déclaraient que la dirigeante de fait était Marie-Christine X... et non sa mère, Yvonne X..., gérante de droit;

que c'est Marie-Christine X... qui donnait les instructions pour le travail, réglait les litiges avec la clientèle et s'occupait de l'embauche définitive du personnel, ainsi que de toute la gestion de la société;

que si Marie-Christine X... n'avait ni la signature sociale ni la signature bancaire de la société et affirmait avoir été la simple conseillère de sa mère, il apparaît cependant qu'Yvonne X... était âgée de soixante ans, n'avait aucune compétence particulière pour gérer une société (même si elle avait pendant longtemps tenu la comptabilité de son mari), et n'était manifestement pas en mesure de placer sa fille dans un état de subordination;

que le mandataire-liquidateur de la société Ocre indiquait qu'elle n'avait jamais rencontré la gérante de droit, mais uniquement Marie-Christine X... ;

"alors, d'une part, que le dirigeant de fait est celui qui, en toute souveraineté et indépendance, exerce une activité positive de gestion et de direction;

qu'en constatant que Marie-Christine X... ne disposait pas des signatures bancaire et sociale et que l'existence de blancs seings n'était pas établie, et qu'elle s'occupait de simples tâches de gestion, tout en retenant sa qualité de dirigeante de fait, sans préciser en quoi elle assumait la direction de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, d'autre part, que Marie-Christine X... ne prétendait pas être salariée de sa mère, mais conseillère à titre gratuit ;

qu'en retenant la qualité de dirigeante de fait de Marie-Christine X..., au motif qu'Yvonne X... mère n'était manifestement pas en mesure de placer sa fille dans un état de subordination, la cour d'appel a statué par un motif inopérant ;

"alors, de surcroît, qu'en relevant qu'Yvonne X... mère, gérante de droit de la société Ocre Publicité, avait pendant longtemps géré les comptes de son mari, sans expliquer en quoi elle n'aurait eu aucune compétence pour gérer une société, la cour d'appel a statué par des motifs insuffisants ;

"alors, enfin, que la qualité de dirigeant de fait s'apprécie pendant la vie de la société, non au moment de sa liquidation;

qu'en retenant la qualité de dirigeante de fait de Marie-Christine X..., au motif que le mandataire-liquidateur n'avait jamais rencontré la gérante de droit mais uniquement sa fille, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, et a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer Marie-Christine X... coupable d'exercice d'une activité commerciale malgré interdiction, la cour d'appel retient qu'après avoir été condamnée à une interdiction de gérer par la juridiction consulaire, elle a assuré la gestion de fait de la société Ocre Publicité dont la gérante de droit était sa mère ;

Que les juges ajoutent que la prévenue a embauché les salariés de la société, puis dirigé leur activité, avant de rédiger leurs lettres de licenciement;

que l'arrêt indique que l'intéressée, qui a assuré la gestion effective de la société, et était chargée des relations avec la clientèle, a été l'unique interlocuteur du mandataire-liquidateur de la société Ocre après son placement en redressement judiciaire ;

Que la juridiction du second degré en déduit que la prévenue, même si elle n'a pas disposé de la signature sociale, a assuré seule et en toute indépendance la direction constante de la société ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'ainsi le moyen ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 400, alinéas 3 et 4, du Code pénal abrogé, 314-6 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Marie-Christine X... coupable de détournement d'objets saisis et l'a condamnée de ce chef ;

"aux motifs qu'en vertu d'une ordonnance de référé rendue le 5 janvier 1993 par le tribunal de commerce de Limoges, condamnant la société Ocre Publicité à payer à la société Touron la somme principale de 72 542,42 francs, une saisie vente sur les meubles de la SARL Ocre Publicité a été ordonnée le 25 mars 1993;

que les meubles saisis avaient été mis en dépôt-vente et n'ont pu être représentés, en février 1994, à l'huissier de justice chargé de la vente;

que Marie-Christine X... était informée de la saisie et a assuré la gestion de fait de la société Ocre Publicité;

qu'elle a donc déplacé ou laissé déplacer des objets qu'elle était tenue de représenter sans en aviser le créancier saisissant ;

"alors que, lorsque le saisi est une société, seul le mandataire social peut être poursuivi comme auteur principal;

qu'en déclarant Marie-Christine X... coupable de détournement d'objets saisis, tout en relevant qu'elle n'était pas le mandataire social de la société saisie, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable de détournement d'objets saisis, les juges relèvent que, sachant que des meubles appartenant à la société dont elle était dirigeante de fait avaient été saisis et qu'elle devait les représenter, elle les a déplacés ou laissés déplacer pour les mettre en dépôt-vente, sans en aviser le créancier saisissant, la destination finale de ce mobilier étant inconnue ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, dès lors que la prévenue a agi en qualité de représentante de la société, la juridiction du second degré a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.