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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. a, 1 mars 2016, n° 15/00063

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ROMY SOCIETE CIVILE DE PLACEMENT

Défendeur :

TRADEBOND MARKETING & DEVELOPMENT (Sarl)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme VIDAL

Conseillers :

M. BRUE, Mme DAMPFHOFFER

Avocats :

Me Thibault, Me Guedj

TGI de Marseille, du 27 nov. 2014, n° 12…

27 novembre 2014

Exposé des faits

Vu le jugement contradictoire, rendu le 27 novembre 2014 par le tribunal de grande instance de Marseille, ayant statué ainsi qu'il suit :

- dit que la société Romy société civile de placement a manqué à son obligation contractuelle de renouvellement de l'enregistrement des marques Sun Valley, invalidant le contrat de licence de marque signé le 26 octobre 2007 avec la société Tradebond marketing et development,

- condamne la société Romy société civile de placement à payer à la société Tradebond marketing et developpement, à titre de dommages et intérêts liés à la perte de son chiffre d'affaires, la somme de 50 000 €, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation à compter de cette même date,

- déboute la société Romy société civile de placement de ses demandes en paiement de dommages et intérêts à raison du non respect du délai de préavis et des redevances au titre de l'année 2011,

- déboute les parties de leurs demandes plus amples,

- rejette la demande d'exécution provisoire,

- condamne la société société civile de placement à payer la somme de 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Vu l'appel interjeté par la société civile Romy société civile de placement le 6 janvier 2015.

Vu les dernières conclusions de l'appelante en date du 6 juillet 2015 demandant de :

- vu les articles 1134 du Code civil, 442- 6-1 du code du commerce,

- infirmer le jugement,

- rejeter toutes les demandes de la société Tradebond,

- condamner la société Tradebond à lui payer les sommes de 146'648,27€ au titre du préjudice suite à la rupture brutale, 132'263,46 euros TTC au titre des redevances 2011, subsidiairement 121'241,50 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 6 février 2012, date de réception de la mise en demeure,

- la condamner à lui payer la somme de 4500 € par application de l'article 700 du procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.

Vu les conclusions de la société Tradebond marketing et developpement en date du 18 décembre 2015, demandant de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société appelante et en ce qu'il l'a déboutée de toutes ses demandes,

- y ajoutant au titre de son appel incident,

- condamner la société appelante à lui payer la somme de 497 400 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et capitalisation à compter de cette même date,

- condamner la société appelante à lui payer la somme de 12 000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 janvier 2016.

Motifs

Motifs

Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; que rien au dossier ne conduit la Cour à le faire d'office .

Attendu que l'appel sera donc déclaré recevable.

# 1 Attendu, sur le fond, que les deux sociétés sont liées, depuis le 26 octobre 2007, par un contrat de licence à titre exclusif pour l'exploitation de la marque Sun Valley enfants, déposée en France et à l'étranger.

# 2 Attendu que la société Tradebond marketing et development reproche à la société Romy société civile de placement, notamment, de n'avoir pas renouvelé l'une des deux marques françaises Sun Valley, de n'avoir pas renouvelé la marque communautaire, ni les marques internationales; que le 18 décembre 2011 , elle lui a donc adressé une lettre afin de résilier le contrat de licence sans préavis et que le 18 janvier 2012 , elle a délivré assignation en dommages et intérêts.

Attendu que la société Romy société civile de placement a conclu, à titre reconventionnel, à la rupture brutale et sans raison valable des relations commerciales.

# 3 Attendu que le contrat de licence exclusive de marque qui lie les parties met à la charge du concédant l'obligation de garantir au licencié une jouissance paisible, ce qui l'oblige notamment à être et rester propriétaire de la marque sur laquelle les droits d'exploitation sont cédés ainsi qu'à la renouveler;

# 4 Attendu que la société Romy société civile de placement a concédé à la société Tradebond marketing et development les marques françaises , communautaire et internationales Sun Valley suivantes :

- marque française sous le numéro 122 86 44,

- marque française sous le numéro 149 05 91,

- marque communautaire sous le numéro 00 223 47 48,

- 5 marques internationales concernant l'Allemagne, l'Autriche, le Benelux, l'Italie, Monaco, le Portugal, la Suisse, le Danemark, la Suède, le Royaume Uni, et la Norvège.

# 5 Attendu qu'il ressort des débats et de l'étude des pièces que la marque française, déposée en classe 25 sous le numéro 122 86 44 le 24 février 1983, n'a pas été renouvelée, et qu'elle est d'ailleurs répertoriée comme non en vigueur à l'INPI le 28 décembre 2011 ; que la marque communautaire, déposée en classe 25 sous le numéro 00 223 47 48, expirait le 23 mai 2011 et n'a pas été renouvelée alors qu'elle aurait du l'être à partir du 23 novembre 2011; que les marques internationales n'ont pas été renouvelées; que M T. déposait en son nom, le 5 juin 2001, la marque Sun valley en classe 9,18, et 25 sous le numéro 0131 03 769 et qu'il a également déposé, en son nom le 30 juin, un renouvellement pour le numéro 1677241; que cependant, ces deux démarches ne concernent pas les marques concédées.

# 6 Attendu que le contrat de licence que la société Romy société civile de placement a conclu le 26 octobre 2007 avec la société Tradebond marketing et developpment n'est pas respecté par la faute de la première, en ce que celle ci ne lui a pas assuré une jouissance paisible et régulière , d'une part, en concluant un contrat sur une marque non protégée à la date de sa signature, et d'autre part, en s'abstenant de maintenir la validité de l'inscription à l'INPI de plusieurs des marques concédées.

Attendu que cette situation constitue un manquement grave à ses obligations de la part du concédant compte tenu à la fois de l'objet même du contrat et de la nature des manquements , et a placé la société Tradebond dans une situation délicate, étant ainsi amenée à commercialiser des vêtements sans bénéficier de la protection qui lui était due, ce qui justifie la rupture des relations contractuelles à ses torts, sans respect du délai contractuel de préavis et prive de fondement sa demande de dommages et intérêts, son comportement fautif étant à l'origine du préjudice invoqué.

# 7 Attendu que la circonstance que le propriétaire des marques cédées par la société Romy soit son gérant, lequel dispose d'une personnalité civile distincte de la société concédante et seule obligée à l'égard de la société Tradebond, ne peut anéantir la faute ainsi retenue.

# 8 Attendu également que le fait que l'une des marques françaises ait subsisté valablement est sans emport au regard de l'ensemble des autres marques concédées qui ne sont plus valides, alors, en outre, qu'il n'est produit aux débats aucun élément sur la part respective de marché, dans le chiffre d'affaires de la société Tradebond, de l'une et l'autre des deux marques françaises concédées .

# 9 Attendu, enfin, qu'il ne peut être sérieusement prétendu, ainsi que la société Romy l'écrit en page 12 §1 de ses conclusions, que le non renouvellement des marques internationales, qui englobaient des

pays non inclus dans l'Union européenne, 'était compensé par la marque communautaire qui protégeait les produits Sun Valley sur le territoire de l'UE jusqu'en novembre 2011.

# 10 Attendu par ailleurs, que les griefs ci dessus retenus constituant des manquements essentiels à l'objet même du contrat, l'exception d'inexécution est valablement opposée par la société Tradebond à son co contractant relativement à sa réclamation pour les redevances de l'année 2011 , peu important qu'elle ait écrit dans son courrier de résiliation, qu'elle continuerait à exploiter la marque pendant la fin de la saison 'Summer 2012" , et qu'elle respecterait ses engagements en lui adressant les relevés des ventes et les redevances prévues.

# 11 Attendu, en outre, que les pièces versées relativement à la commercialisation des différents produits concernés par la protection des marques en litige ne permettent pas de faire la part des ventes susceptibles de relever de l'une ou l'autre de ces marques.

Attendu que la demande de ce chef sera donc rejetée.

Attendu, enfin, sur le préjudice dont la société Tradebond sollicite l'indemnisation, qu'il y a lieu de retenir, au regard des nouvelles pièces désormais versées devant la Cour relativement à l'évolution plus récente de son activité , qu'il convient toutefois de prendre en compte :

- d'une part, qu'il s'agit d'une perte de chance de chiffre d'affaires avec l'existence d'un aléa tenant au volume des ventes et à la conjoncture,

- d'autre part, que les documents produits ne permettent pas de faire la part du chiffre d'affaires relevant des différentes marques concédées alors en outre que la société Tradebond avait des activités autres que celles afférentes aux marques Sun Valley,

- en troisième lieu, qu'au cours de l'année 2011, la société a également déployé une nouvelle marque, dénommée Watts,

- en quatrième lieu, que la perte de ce chef ne peut, de toute façon, s'envisager que comme une perte nette d'impôts et de redevances

- enfin, qu'aucun élément n'est versé par la société Tradebond sur l'existence de charges liées à la seule marques concédées qui auraient été vainement exposées .

# 12 Attendu qu'en l'état de ces considérations et des pièces comptables versées, le préjudice sera évalué à la somme de 70 000 €, outre les intérêts tels que ci dessous stipulés.

# 13 Attendu qu'en raison de sa succombance, la société Romy société civile de placement supportera l'intégralité des dépens de la procédure de première instance et d'appel et versera, en équité, la somme supplémentaire de 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile à la société Tradebond marketing et developement.

Dispositif

Par ces motifs

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

reçoit l'appel,

réforme le jugement en ce qu'il a retenu que la société Romy société civile de placement avait manqué à son obligation contractuelle de renouvellement de l'enregistrement des marques invalidant le contrat de licence signé le 26 octobre 2007 et statuant à nouveau,

dit que la société Romy société civile de placement a manqué à son obligation contractuelle de renouvellement de l'enregistrement des marques concédées, ce manquement justifiant la rupture de la relation contratuelle aux torts de la société concédante et sans préavis,

réforme le jugement sur le montant des dommages et intérêst alloués à la société Tradebond marketing et development et statuant à nouveau ,

condamne la société Romy société civile de placement à payer à la société Tradebond marketing et development, à titre de dommages et intérêts, la somme de 70 000€ avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et capitalisation à compter de cette même date,

confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,

y ajoutant :

condamne la société Romy société civile de placement à verser à la société Tradebond marketing et development la somme de 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

rejette les demandes plus amples,

condamne la société Romy société civile de placement à supporter les dépens de la procédure d'appel, et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.