Cass. com., 8 novembre 2016, n° 14-23.461
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Delaporte et Briard, SCP Piwnica et Molinié
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 mai 2014), que, le 3 novembre 1992, a été constituée, sous l'égide de M. X..., la société en participation Danaid (la société en participation), ayant pour objet l'amélioration des terrains agricoles qui lui étaient donnés en jouissance, et à laquelle le Groupement foncier agricole Fourgaut (le GFA Fourgaut), M. et Mme Alain C... et M. et Mme Michel C... ont fait apport de la jouissance de parcelles de terre leur appartenant, cependant que MM. D... et X... effectuaient chacun un apport en numéraire ; que les statuts stipulaient que les associés apporteurs s'interdisaient de vendre ou de transmettre les terrains objets de leur apport pendant la durée de la société, sauf à faire respecter par leurs successeurs les obligations nées de cet apport ; que le même jour, la société en participation a concédé à la société Euro terre, à laquelle s'est ultérieurement substituée la société Enviro conseil travaux (la société ETC), l'exploitation des parcelles qui lui avaient été apportées en vue de leur remblaiement ; que lors d'une assemblée générale du 27 août 2004, les associés ont, à l'unanimité, décidé de vendre à la société ETC ces parcelles de terre ainsi que des parcelles limitrophes qui n'avaient pas été apportées en jouissance à la société en participation ; que les actes de vente ont été signés les 30 mars et 9 mai 2006 ; que soutenant que la vente de ces parcelles était intervenue en violation du pacte social, M. X... a assigné la SCI Fourgaut, venant aux droits du GFA Fourgaut, M. D..., M. et Mme Alain C... et M. et Mme Michel C... aux fins de paiement de dommages-intérêts et de dissolution judiciaire de la société en participation pour inexécution par ces derniers de leurs obligations ; que la société Foncière ETC, venant aux droits du GFA Fourgaut, est intervenue volontairement à l'instance ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que la vente d'un bien apporté en jouissance à la société n'empêche pas par elle-même la réalisation de l'objet social et n'entraîne donc pas dissolution de la société, dès lors que les engagements pris par le vendeur auprès de l'acheteur réservent le droit de jouissance de la société sur les biens vendus ; qu'il en va spécialement ainsi lorsque les statuts de la société envisagent la possibilité pour les associés apporteurs de mettre en vente les terrains, objets de l'apport, pendant la durée de la société « sauf à faire respecter par leurs successeurs les obligations nées du présent apport en jouissance » ; que dès lors, en décidant que M. X..., en consentant à la résolution acceptant la vente des parcelles apportées en jouissance à la société Danaid par certains associés, avait consenti à la dissolution de la société, la cour d'appel a violé l'article 1844-7, 2°, du code civil ;
2°/ que M. X... soutenait dans ses conclusions, non pas avoir ignoré le projet de vente dont il était fait état dans la résolution des associés du 27 août 2004, mais le projet d'extension de la décharge et surtout le volume de remblai supplémentaire que le projet d'extension prévoyait sur les terrains apportés en jouissance et qui auraient dus être affectés à la réalisation de l'objet social ; qu'en effet, il avait consenti à cette résolution en considération de ce que celle-ci « [fixait] forfaitairement à 1 500 000 m3 le solde du volume à remblayer », seule information quantitative portée à sa connaissance, tandis que ses associés avaient négocié un projet d'extension à près de 7 000 000 m3, dont il n'avait pas été informé ; qu'en déclarant que M. X... « ne peut sérieusement soutenir que son consentement à la vente aurait été surpris au motif qu'il aurait ignoré la vente concomitante par les époux D... ou le GFA Fourgaut de terrains voisins », quand M. X... n'avait nullement soutenu avoir ignoré cette vente, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. X... et a ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que M. X... faisait valoir qu'ayant appris, le 30 août 2004, par la communication du projet de promesse de vente, que le projet de vente était assorti d'un projet d'extension de la décharge concernant les terrains vendus, il avait par ses courriers des 30 août 2004, 7 et 13 septembre 2004, interrogé ETC et ses associés sur l'assiette de ce projet, leur demandant dans quelle mesure il concernait les terrains apportés à la société Danaid et les interrogeant sur la répartition des volumes supplémentaires de remblais du projet d'extension entre les terrains apportés à la société Danaid et les terrains voisins, que les consorts D... lui avaient demandé de ne plus s'occuper des négociations et de ne pas assister au rendez-vous prévu le 21 septembre 2004 avec l'acquéreur, la société ETC ; qu'en se bornant à déclarer que M. X... avait mené les négociations avec l'exploitant, au cours desquelles la question du volume de remblais attendu avait été explicitement abordée, motif qui laisse sans réponse les conclusions précitées portant sur le point de savoir si, avant d'être éliminé des négociations, M. X... avait reçu une réponse aux questions qu'il posait et accepté leur défaut d'incidence sur ses droits d'associé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'il résulte des termes clairs et précis des courriers de M. X... des 30 août, 7 et 13 septembre 2004 que ce dernier, informé que le projet d'extension portait sur un volume très supérieur à celui déclaré à l'assemblée générale du 27 août 2004, demandait des explications sur cette discordance et réservait expressément les conséquences à en tirer sur les droits respectifs des associés de la société Danaid ; que si l'arrêt devait être interprété comme déduisant de ces trois courriers que M. X... avait été informé des volumes supplémentaires de remblais du projet d'extension et de leur répartition entre les terrains apportés à la société Danaid et les terrains voisins et qu'il avait consenti à la délibération du 27août 2004, l'arrêt serait alors entaché de dénaturation, aucun des termes des trois courriers susvisés n'étant susceptible de caractériser une telle information ni le consentement de M. X... à la considérer comme sans incidence sur ses droits d'associés ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant constaté que les associés de la société en participation avaient, lors de l'assemblée générale du 27 août 2004, décidé à l'unanimité la vente de la totalité des parcelles qui lui avaient été apportées en jouissance, sans engagement de quiconque de faire de nouveaux apports, la cour d'appel, qui a relevé que la société n'avait pas d'autre objet que l'exploitation des parcelles apportées, en a exactement déduit que la vente de ces parcelles avait mis fin à la société par l'extinction de son objet ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que M. X... avait, postérieurement à cette assemblée, mené des négociations avec l'exploitant, et ajouté qu'au cours de ces négociations, avait été explicitement abordée la question du volume de remblai attendu sur les autres parcelles dont la cession était envisagée mais dont la société en participation n'avait pas la jouissance, la cour d'appel a, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et quatrième branches, répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées ;
D'où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.