Cass. com., 13 octobre 1969
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guillot
Rapporteur :
M. Portemer
Avocat général :
M. Robin
SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SES DIVERSES BRANCHES :
ATTENDU QUE SELON LES ENONCIATIONS DE L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE (ROUEN, 7 OCTOBRE 1966) LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF CONSTITUEE EN 1932 ENTRE A, DE NATIONALITE FRANCAISE, ET CRIBLEZ, DE NATIONALITE SUISSE POUR L'EXPLOITATION D'HOTELS, CAFES, RESTAURANTS ET BRASSERIES, A ETE CONSIDEREE COMME ETRANGERE AU SENS DE L'ARTICLE 11 DE LA LOI DU 28 OCTOBRE 1946 ET N'A DONC PU PRETENDRE A AUCUNE INDEMNITE POUR DOMMAGES DE GUERRE A RAISON DU SINISTRE DU FONDS DE COMMERCE DENOMME BRASSERIE PAUL X PAR LA SOCIETE EN 1933 ;
QUE L'ADMINISTRATION AYANT ADMIS QU'EN CAS DE DISSOLUTION LES ASSOCIES DE NATIONALITE FRANCAISE POURRAIENT OBTENIR LE BENEFICE DE LA LEGISLATION SUR LES DOMMAGES DE GUERRE POUR LES BIENS SOCIAUX QUI SERAIENT MIS DANS LEUR LOT, A ET CRIBLEZ, AU LIEU D'USER EFFECTIVEMENT DE LA POSSIBILITE QUI LEUR ETAIT OFFERTE, ONT D'UN COMMUN ACCORD DECIDE DE PROCEDER SEULEMENT FICTIVEMENT A LA DISSOLUTION ANTICIPEE DE LA SOCIETE ET D'ATTRIBUER A A LES DROITS A INDEMNITE POUR DOMMAGES DE GUERRE ;
QU'AINSI PAR UN ACTE OCCULTE DU 15 SEPTEMBRE 1948 A ET CRIBLEZ ONT AFFIRME LEUR VOLONTE DE RESTER ASSOCIES PAR MOITIE COMME SI LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF N'ETAIT PAS DISSOUTE, TANDIS QUE, PAR UN ACTE OFFICIEL DU 1ER OCTOBRE 1948 ILS ONT AFFIRME DISSOUDRE LADITE SOCIETE ;
QUE L'ARRET DEFERE A DECLARE CES ACTES NULS, DIT QU'EN CONSEQUENCE LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF A ET CRIBLEZ N'AVAIT PAS ALORS ETE DISSOUTE, ET PRONONCE LA DISSOLUTION DE CETTE SOCIETE ;
ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR DENATURE LES DONNEES DU LITIGE EN PRONONCANT LA DISSOLUTION DE LADITE SOCIETE EN NOM COLLECTIF, ALORS, SELON LE POURVOI, QUE CRIBLEZ NE LA SOLLICITAIT PAS, QU'IL RESSORT EN EFFET DES TERMES DE L'EXPLOIT INTRODUCTIF D'INSTANCE QUE CE DERNIER RECLAMAIT LA DISSOLUTION DE LA SOCIETE EN PARTICIPATION QUI AURAIT ETE CONSTITUEE PAR UN ACTE OCCULTE DU 15 SEPTEMBRE 1948 ENTRE A ET CRIBLEZ, QUE LA COUR D'APPEL CONSTATANT LA NULLITE DUDIT ACTE DU 15 SEPTEMBRE 1948 DEVAIT EN CONSEQUENCE SE BORNER A DEBOUTER CRIBLEZ DES FINS DE SA DEMANDE, QUE CRIBLEZ NE SAURAIT TENTER DE SOUTENIR QUE LES PREMIERS JUGES AYANT CRU DEVOIR PRONONCER D'OFFICE LA DISSOLUTION DE LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF ET CRIBLEZ AYANT CONCLU A LA CONFIRMATION DU JUGEMENT, IL AURAIT PAR LA MEME IMPLICITEMENT RECLAME DEVANT LA COUR D'APPEL LA DISSOLUTION DE LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF, QU'UNE TELLE THESE, SI ELLE ETAIT ACCUEILLIE, AURAIT POUR CONSEQUENCE D'ADMETTRE, EN VIOLATION DE L'ARTICLE 464 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE, LA FORMULATION D'UNE DEMANDE NOUVELLE EN APPEL, QUE, DANS CETTE HYPOTHESE, DES LORS QUE LES EPOUX A FAISAIENT VALOIR, D'UNE PART, QUE LE TRIBUNAL S'ETAIT PRONONCE D'OFFICE, ET CONCLUAIENT EXPRESSEMENT, D'AUTRE PART, A L'IRRECEVABILITE DE LA DEMANDE DE CRIBLEZ, IL APPARTENAIT A LA COUR D'APPEL DE DECLARER LA DEMANDE NOUVELLE, ET, EN CONSEQUENCE, IRRECEVABLE ;
MAIS ATTENDU QUE L'ARRET DECLARE QUE LE JUGEMENT ENTREPRIS A "ACCUEILLI LA DEMANDE DE CRIBLEZ ET PRONONCE LA DISSOLUTION DE LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF A ET CRIBLEZ" ;
QU'IL CONSTATE QUE L'ACTION INTENTEE PAR CRIBLEZ TEND A FAIRE PRONONCER LA DISSOLUTION ET LA LIQUIDATION D'UNE SOCIETE QUI, SELON LUI, N'A JAMAIS CESSE D'EXISTER, ET QUE C'EST A PROPOS DE CETTE DEMANDE QU'IL Y A LIEU D'APPRECIER LA VALIDITE DES CONVENTIONS LITIGIEUSES DES 15 SEPTEMBRE ET 1ER OCTOBRE 1948 ;
QUE CES CONSTATATIONS NE DENATURENT NULLEMENT L'ASSIGNATION DE CRIBLEZ REGULIEREMENT PRODUITE QUI DEMANDAIT LA DISSOLUTION DE LA SOCIETE EXISTANT ENTRE A ET LUI-MEME ;
QUE DES LORS, LA COUR D'APPEL A PU, SANS VIOLER AUCUN DES TEXTES VISES PAR LE POURVOI, EXAMINER CE CHEF DE LA DEMANDE DE CRIBLEZ ;
QUE LE MOYEN N'EST DONC PAS FONDE ;
SUR LE SECOND MOYEN PRIS EN SES TROIS BRANCHES :
ATTENDU QU'IL EST ENCORE FAIT GRIEF A LA COUR D'APPEL D'AVOIR DECIDE QUE LE CARACTERE ILLICITE DE LA CONVENTION SECRETE DU 15 SEPTEMBRE 1948, MAINTENANT DE FACON OCCULTE LE PACTE SOCIAL ENTRE A ET CRIBLEZ, AFFECTAIT EGALEMENT L'ACTE APPARENT DU 1ER OCTOBRE 1948 PORTANT DISSOLUTION DE LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF KOHLER-CRIBLEZ ET D'AVOIR PRONONCE LA DISSOLUTION DE CETTE DERNIERE SOCIETE DONT ELLE CONSTATAIT LA SURVIE, ALORS, SELON LE POURVOI, QUE, D'UNE PART, LA SIMULATION QUI A PRECISEMENT POUR OBJET DE CONTREDIRE EN TOUT OU PARTIE UN ACTE APPARENT N'EST PAS EN SOI UNE CAUSE DE NULLITE, QUE, D'AUTRE PART, IL EST DE JURISPRUDENCE CONSTANTE QUE LA NULLITE AFFECTANT LA CONVENTION SECRETE, FUT-ELLE D'ORDRE PUBLIC, N'ENTRAINE PAS CELLE DE L'ACTE APPARENT, ET QU'ENFIN APRES AVOIR CONSTATE LE CARACTERE FRAUDULEUX DU MAINTIEN EN 1948 D'UN PACTE SOCIAL ENTRE A ET CRIBLEZ ET APRES AVOIR CONCLU A LA NULLITE D'UN TEL PACTE, LA COUR D'APPEL NE POUVAIT, SANS CONTRADICTION, CONCLURE, PAR LE BIAIS DE L'ANNULATION DE L'ACTE DE DISSOLUTION DE LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF, A L'EXISTENCE D'UNE SOCIETE ENTRE LES INTERESSES ET PRONONCER SA DISSOLUTION ;
MAIS ATTENDU, SUR LES DEUX PREMIERES BRANCHES, QUE L'ARRET DECLARE QUE LA FRAUDE N'A PAS SEULEMENT CONSISTE A REDIGER UNE CONVENTION OCCULTE DESTINEE A ETABLIR LE CARACTERE FICTIF DE L'ACTE DE DISSOLUTION DEVANT ULTERIEUREMENT INTERVENIR POUR ELUDER LES DISPOSITIONS D'ORDRE PUBLIC SUR LES DOMMAGES DE GUERRE, MAIS QU'ELLE N'A ETE EFFECTIVEMENT REALISEE QUE PAR L'ETABLISSEMENT DE CET ACTE OSTENSIBLE DE DISSOLUTION DESTINE A TROMPER LES SERVICES DE LA RECONSTRUCTION EN LES PERSUADANT DE LA DISSOLUTION D'UNE SOCIETE QUI NE CESSAIT PAS D'EXISTER ;
QU'EN FAISANT AINSI RESSORTIR L'INDIVISIBILITE DES DEUX ACTES DONT CHACUN ETAIT INDISPENSABLE POUR REALISER LA FRAUDE, LA COUR D'APPEL A USE DE SON POUVOIR SOUVERAIN ET A, EN CONSEQUENCE, PU LES JUGER ENTACHES AU MEME TITRE D'UNE NULLITE POUR CAUSE ILLICITE ;
QUE DES LORS LE MOYEN PRIS EN SES DEUX PREMIERES BRANCHES DOIT ETRE ECARTE ;
ATTENDU ENFIN QUE LOIN D'AVOIR CONSTATE LE CARACTERE FRAUDULEUX DU MAINTIEN EN 1948 DE LA SOCIETE EXISTANT ENTRE A ET CRIBLEZ ET D'AVOIR PRONONCE LA NULLITE DE CELLE-CI, L'ARRET A, AU CONTRAIRE, RETENU LA FRAUDE CONSISTANT DE LA PART DES ASSOCIES A TROMPER LES SERVICES DE LA RECONSTRUCTION EN AFFIRMANT PAR UN ACTE OSTENSIBLE DISSOUDRE LA SOCIETE QU'ILS CONSERVAIENT PAR UN ACTE OCCULTE, ET A, EN CONSEQUENCE, PRONONCE LA NULLITE DE CES DEUX ACTES ET NON PAS DE LA SOCIETE ELLE-MEME ;
QU'IL EN RESULTE QUE LA COUR D'APPEL NE S'EST NULLEMENT CONTREDITE EN CONSTATANT QUE DANS CES CIRCONSTANCES LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF KOHLER-CRIBLEZ N'ETAIT PAS DISSOUTE, ET EN PRONONCANT SA DISSOLUTION ;
QUE LE MOYEN PRIS EN SA TROISIEME BRANCHE EST DONC DENUE DE TOUT FONDEMENT ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 7 OCTOBRE 1966 PAR LA COUR D'APPEL DE ROUEN.